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Tempête judiciaire sur la SNCM : La DSP dans la tourmente !


Nicole Mari le Mercredi 18 Mars 2015 à 22:45

Mois de mars de tous les dangers pour la SNCM avec trois importants rendez-vous judiciaires et l’annonce, par le président de l’Exécutif territorial corse, d’une possible cessation de paiement, fin mars, des subventions prévues par la Délégation de service public (DSP) ! Cette décision remettrait en cause les offres de reprises examinées, ce mercredi, par le Tribunal de commerce de Marseille, toutes dépendantes du transfert de la DSP. Jeudi, le Tribunal administratif de Bastia se prononcera sur le recours en annulation de la DSP 2014-2023, engagé par Corsica Ferries, les conclusions du rapporteur public préconisant l’annulation. Le 26 mars, la Cour de justice européenne recevra celles de l’avocat général concernant le refus de la France de se faire rembourser des aides indument versées.



Tempête judiciaire sur la SNCM : La DSP dans la tourmente !
Le Tribunal de commerce de Marseille examinait, ce mercredi, à huis clos, les trois offres de reprise dites sérieuses de la SNCM : Baja Ferries, Med Partners et Rocca, ainsi que la situation financière de la compagnie maritime. L’entreprise, qui a mis en place un plan d’économies, disposerait de 40 millions € de trésorerie à fin février 2015. Les trois candidats ont dû revoir leurs offres pour répondre aux critères de discontinuité exigés par la Commission européenne, mais les gardent suspendues au transfert de la Délégation de service public (DSP) qui est un gage de rentabilité. Or celui-ci, qui paraissait acquis, est, de nouveau, remis en question par une double épée de Damoclès : la décision inattendue de Paul Giacobbi, président du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Corse (CTC), de suspendre le versement des aides et le recours en annulation engagé par Corsica Ferries.
 
Des aides suspendues
Dans un courrier daté du 5 mars dernier, Paul Giacobbi a annoncé aux administrateurs judiciaires qu’il cessera, le 31 mars, de payer à la SNCM les sommes mensuelles dues au titre de la DSP Corse-continent. Cette subvention, qui s’élève à 104 millions € par an, est distribuée aux délégataires SNCM et Méridionale. S’appuyant sur une décision de la Commission européenne de mai 2013 et sur la jurisprudence Deggendorf, qui estime impossible d’attribuer un nouveau contrat public à une entreprise soumise au remboursement d’aides jugées illégales, le président de l’Exécutif estime « plus sage pour la préservation des intérêts de la CTC » de prendre les devants. Il a, donc, décidé de cesser les versements « jusqu'à concurrence du remboursement des aides jugées illégales », à savoir 198 millions €. « Il pourrait être envisagé que ces sommes soient éventuellement consignées », précise-t-il. Cette décision est un coup dur pour la SNCM qui a un besoin vital de ces versements mensuels pour alimenter sa trésorerie.
 
Un contrat valide
Mais, la CTC n’en est pas à son coup d’essai : déjà, en décembre dernier, elle avait tenté de compenser les sommes qui lui sont dues en ne payant pas la DSP, mais avait été déboutée de ce droit par le tribunal administratif de Bastia à la mi-janvier. Les administrateurs judiciaires de la compagnie lui ont opposé le même refus par retour de courrier : « Les créances nées avant le jugement d'ouverture du redressement sont gelées par l'effet de la procédure. Nous vous indiquons qu'aucun paiement de ces créances par voie de compensation ne sera accepté. Nous tenons aussi à souligner que la DSP qui lie la CTC et l’OTC à la SNCM est un contrat valide et appliqué par les parties ». Ils en appellent au 1er ministre, Manuel Valls, et au gouvernement. Côté syndical, c’est la consternation : « C’est indécent ! Le président de l'exécutif de Corse atteint des sommets dans sa gestion erratique du dossier », dénonce la CFE-CGC qui remarque que ni l’Assemblée de Corse, ni l’Office des transports de la Corse (OTC) n’ont été saisis de cette décision.
 
DSP résiliée ?
Une autre menace judiciaire plane, dès ce jeudi, sur la DSP, avec le jugement du Tribunal administratif de Bastia concernant le recours en annulation déposé le 8 novembre 2013 par Corsica Ferries. La compagnie privée, qui avait répondu à l’appel d’offres, ligne par ligne, estime sa mise à l’écart « illégitime ». Les conclusions du rapporteur public, Hugues Alladio, sont plutôt inquiétantes pour la SNCM puisqu’elles préconisent l’annulation de la DSP 2014-2023. Déjà, le 20 novembre 2013, la Commission européenne avait relevé des infractions sur les modalités d’organisation de l’appel d’offres et sur le nouveau régime des obligations de service public. « Le cahier des charges relatif à l’appel d’offres en objet contient une clause qui semble favoriser l’opérateur sortant, le groupement  SNCM/ CMN », estimait-elle. Si le Tribunal suit, comme il le fait habituellement, le rapporteur public, la DSP serait résiliée au 1er avril 2016 !
 
Une nouvelle donne
Le troisième round judiciaire de ce mois de mars porte sur les 440 millions € d’aides publiques que la SNCM doit, sur décision européenne, rembourser à la France. Des aides versées lors de la recapitalisation et des subventions relatives au service complémentaire de la précédente DSP que l’Etat français voudrait bien laisser filer. Mais, Bruxelles menace la France de sanctions financières, si elle n’exécute pas ses décisions, et a engagé, en février 2014, un recours en manquement devant la Cour de Justice européenne. Le 26 mars à Luxembourg, l’avocat général déposera ses conclusions.
Pour les repreneurs potentiels, c’est un peu la douche froide, même si aucun ne veut renoncer à son offre. Devant cette nouvelle donne, les juges marseillais leur ont demandé d’apporter des garanties financières. Il faudra faire vite puisque la période d’observation s’achève en mai. Daniel Berrebi et Christian Garin ont, déjà, déclaré qu’ils réfléchissaient à réajuster leurs offres dans la perspective d’une nouvelle DSP. Patrick Rocca est le seul à affirmer qu’il reprendra la SNCM avec ou sans DSP. Affaire à suivre…

N.M.