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Retour du redoublement : Pour le DASEN de Haute-Corse, "la confiance en soi se construit dans la réussite"


Rose Casado le Vendredi 7 Juin 2024 à 18:08

En décembre dernier, lorsqu'il était encore ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal avait décidé de s'attaquer au "tabou du redoublement " et annoncé que la décision de ne pas faire passer un élève en difficulté dans une classe supérieure reviendrait désormais aux enseignants. Si elle a longtemps été boudée par les parents, à qui revenait la décision finale depuis 2014, cette mesure peut pourtant s'avérer salutaire pour permettre aux enfants de cheminer vers la réussite. Eclairage avec le DASEN de Haute-Corse.



Bruno Benazech, directeur académique des services de l'éducation nationale de Corse (DASEN)
Bruno Benazech, directeur académique des services de l'éducation nationale de Corse (DASEN)
Il s'est largement raréfié, mais le redoublement pourrait bien faire son grand retour. En décembre dernier, Gabriel Attal, alors ministre de l'Éducation Nationale, avait souhaité s’attaquer au "tabou du redoublement", en annonçant que cette décision de ne pas faire passer un élève en classe supérieure retournerait désormais aux mains des professeurs. Et ce, dès le premier trimestre de l'année scolaire 2024-2025. Une mesure forte qui découlerait de "plusieurs constats", selon Bruno Benazech, directeur académique des services de l'Éducation Nationale de Corse (DASEN) de Haute-Corse. Il indique à ce titre qu’un certain nombre d’études et de recherches ont dans un premier temps questionné la pertinence du redoublement "ce qui a amené à accompagner beaucoup plus les élèves " pour limiter les recours à cette mesure. De plus, depuis 2014, lorsqu’un élève était en difficulté, le dernier mot quant à son redoublement était donné à la famille qui s’opposait parfois aux préconisations des équipes éducatives.  "Si les parents voulaient que l’enfant passe dans la classe supérieure, il passait automatiquement ", regrette Bruno Benazech. Pourtant, note-t-il, "la question du redoublement n’arrive pas en juin sans qu’on n'en ait parlé avant". Un travail est, en effet, entamé dès le mois de janvier, avec l'enfant et la famille. "L’équipe pédagogique accompagne l’élève pour qu’il prenne conscience qu’il est loin de ce que ses camarades ont appris ", argumente-t-il. 

De fait, alors "qu’il y a aujourd’hui moins d’élèves qui redoublent, on voit qu’il n’y a pas une maîtrise complète des compétences attendues pour tous les élèves", estime Bruno Benazech. Et d’insister : "Il y a des écarts, parfois importants, entre ce que certains élèves maîtrisent en fin d’école élémentaire, ou à l’entrée au collège, et les compétences attendues à ces niveaux-là." En somme, limiter le recours au redoublement aurait conduit des élèves à se retrouver en difficulté au niveau supérieur. Ainsi, le DASEN précise que le but n’est pas "de faire redoubler massivement les élèves", mais plutôt que les équipes pédagogiques portent une "attention particulière" aux enfants en difficultés et les accompagnent "au plus près de leurs besoins" afin de "ne pas faire passer un élève dont les compétences et connaissances sont très éloignées des attendus en fin d’année scolaire". "Les nouveaux textes remettent pleinement la décision du redoublement à la main des équipes pédagogiques. Ce qui va permettre de manière plus solide, avec des arguments et des données objectives, de déterminer si l’élève est en capacité de poursuivre dans la classe supérieure ou s’il faut qu’il redouble pour consolider l’apprentissage", insiste Bruno Benazech.

Le dernier mot donné au corps enseignant

De fait, alors "qu’il y a aujourd’hui moins d’élèves qui redoublent, on voit qu’il n’y a pas une maîtrise complète des compétences attendues pour tous les élèves", estime Bruno Benazech. Et d’insister : "Il y a des écarts, parfois importants, entre ce que certains élèves maîtrisent en fin d’école élémentaire, ou à l’entrée au collège, et les compétences attendues à ces niveaux-là." En somme, limiter le recours au redoublement aurait conduit des élèves à se retrouver en difficulté au niveau supérieur. Ainsi, le DASEN précise que le but n’est pas "de faire redoubler massivement les élèves", mais plutôt que les équipes pédagogiques portent une "attention particulière" aux enfants en difficultés et les accompagnent "au plus près de leurs besoins" afin de "ne pas faire passer un élève dont les compétences et connaissances sont très éloignées des attendus en fin d’année scolaire". "Les nouveaux textes remettent pleinement la décision du redoublement à la main des équipes pédagogiques. Ce qui va permettre de manière plus solide, avec des arguments et des données objectives, de déterminer si l’élève est en capacité de poursuivre dans la classe supérieure ou s’il faut qu’il redouble pour consolider l’apprentissage", insiste Bruno Benazech.
 
Afin d’accompagner au mieux les élèves de primaire, en Corse, un travail d'accompagnement est d’ailleurs fait "depuis longtemps" avec les équipes pédagogiques. À plusieurs moments de l'année, des temps de travail sont organisés au sein des écoles, pour "faire le point sur les élèves en difficulté". Une "grande responsabilité" pour les équipes pédagogiques. En Corse, à la fin de l'année scolaire 2022-2023, 7,6 % des élèves à la sortie de l'école élémentaire présentaient un an de retard. Un chiffre au-dessus du national, qui s'est quant à lui élevé à 6,4 %. "Il n'y a pas forcément plus de difficultés en Corse", pondère cependant Bruno Benazech qui estime que cet écart est peut-être dû à "un lien professeurs-famille qui est plus consolidé, ce qui fait que les enseignants arrivent plus à convaincre de l'intérêt du redoublement". Au cours de la même année scolaire, ce sont les classes de CP ont vu le plus de redoublements sur l’île, avec environ 3 % des élèves corses qui ne sont pas passés en classe supérieure. Un chiffre qui s'explique par l'enjeu de la lecture, vu comme "un marqueur fort" pour les enseignants. "Sur les autres classes, nous sommes autour de 1 ou de 1,5 %. Et cela baisse sur la fin du CM2, à 0,5 %."

Un accompagnement accru

Photo. d'illustration
Photo. d'illustration
En outre, avant d'envisager le redoublement, plusieurs dispositifs d'accompagnement sont mis en place dans les structures scolaires. D'abord, "il y a le travail que font les enseignants au quotidien, notamment dans les écoles qui proposent la différenciation pédagogique". Un système proposant plusieurs manières d'apprendre aux élèves en fonction des aptitudes et des besoins. Est également établi, pour tous les élèves dans les écoles élémentaires d'éducation prioritaires (REP et REP +), le dédoublement. Les classes sont ainsi scindées - avec des groupes de 10 à 15 élèves - pour accorder davantage de temps à chaque enfant. "Nous attendons donc moins de redoublements sur ces classes-là", pointe Bruno Benazech.
Dès la rentrée prochaine, des groupes de niveaux vont également être mis en place en 6e et en 5e, pour les mathématiques et le français. "Ce sont les deux disciplines fondamentales. Nous allons avoir des dispositifs d’accompagnements en groupes restreints, pour les élèves les plus fragiles. Ce qui doit permettre aux enseignants d’accompagner, de soutenir, et de proposer des activités plus en lien avec les besoins", ajoute-t-il. Ainsi, un objectif est visé : "Que tout le monde maîtrise les compétences attendues à la fin de l'année scolaire."


Pour les élèves du premier et du second degré (collèges et lycées) nécessitant davantage de temps pour apprendre, des stages de remise à niveau sont déjà dispensés durant les vacances scolaires, tandis que les professeurs peuvent également proposer des cours supplémentaires dédiés au "renforcement" des connaissances. Le DASEN précise que "ces dispositifs seront moins facultatifs que ce qu'ils l'étaient jusqu'à maintenant". Si ces modules ne peuvent pas être obligatoires, "les enseignants seront plus incitatifs".


Enfin, pour limiter le sentiment d'échec parfois ressenti par les élèves lors d'un redoublement, le système éducatif a une nouvelle fois un rôle à jouer. Celui de les accompagner afin "qu'ils perçoivent le bénéfice", à un moment où ils "vont voir leurs camarades poursuivre l'année suivante en classe supérieure alors qu'ils vont rester dans le même niveau", poursuit Bruno Benazech. Et d'assurer que : "S’ils sont confrontés à l’échec, le risque est que leur sentiment de compétence et de confiance en soi diminue et soit altéré "."La confiance en soi se construit dans la réussite ", assure encore Bruno Benazech.