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Processus d’autonomie : Une réunion « constructive » et la fin des préjugés


Nicole Mari le Samedi 17 Septembre 2022 à 20:13

Le second Comité stratégique sur l’avenir de la Corse s’est tenu toute la journée de vendredi à l’hôtel Beauvau à Paris avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et une délégation insulaire, emmenée par le président de l’Exécutif corse, Gilles Simeoni, et la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis. Une deuxième réunion jugée globalement constructive et positive par les élus corses qui ont salué l’engagement du ministre et de son équipe, et qui marque la fin des idées reçues. Réactions des divers groupes politiques représentés et des parlementaires présents.



Le Comité stratégique sur l’avenir de la Corse réuni le 16 septembre 2022 à l’hôtel Beauvau à Paris.
Le Comité stratégique sur l’avenir de la Corse réuni le 16 septembre 2022 à l’hôtel Beauvau à Paris.
C’est à l’hôtel Beauvau, siège du ministère de l’Intérieur à Paris, que s’est tenue la seconde réunion du Comité stratégique sur l’avenir de la Corse entre la délégation insulaire composée d’une vingtaine de membres, et le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et son équipe. Après la première rencontre du 21 juillet qui avait fixé la méthode de travail, les thèmes et l’agenda, cette nouvelle réunion, qui inaugurait une série de huit journées thématiques, a permis d’entrer dans le vif du sujet. A l’ordre du jour, le modèle économique et social pour la Corse et une séquence en deux temps. La première, qui a débuté à 10 heures jusqu’en début d’après-midi, a permis de faire un diagnostic de la situation économique de l’île, chiffres à l’appui, et de débroussailler les demandes. La seconde, qui a débuté à 15 heures et a duré plus de trois heures, était axée sur les comparatifs de six statuts d’autonomie : les Açores, les Canaries, les Baléares, la Sicile, la Sardaigne et la Crête.
 
La fin des idées reçues
Les deux séquences ont permis de faire tomber pas mal de préjugés et d’idées reçues, notamment sur ce que la Corse coûte à la France, mais aussi concernant l’autonomie. Certaines réalités ont été unanimement admises, d’autres restent en débat. Gérald Darmanin a demandé à Gilles Simeoni de lui faire des propositions concrètes pour « muscler » l’économie de l’île. La délégation corse a obtenu que toutes les données stratégiques en matière économique et sociale, notamment la balance des paiements, les entrées et sorties au plan fiscal, les différents transferts, soient mises à disposition des élus. Deux questions, hors programme, ont été soulevées au nom de l’urgence, le prix des carburants qui pénalise le groupe Ferrandi, l’évolution du crédit d’impôt Investissement qui plombe la rénovation des structures hôtelières de l’île, mais aussi les questions toujours en suspens et qui n’en finissent pas de peser sur les relations entre la Corse et Paris, à savoir l’exigence de vérité et de justice pour Yvan Colonna, et la libération de Pierre Alessandri et d’Alain Ferrandi, toujours pas intervenue après 24 ans de détention, avec des appels qui tombent à la fin du mois. Le ministre a botté en touche au nom de la séparation des pouvoirs.

Une bonne volonté
La délégation corse, qui restait sur son quant-à-soi avant le début de la réunion, a, dans sa globalité, jugé cette longue journée de discussions « positive » et « constructive », salué « un discours sans tabou », l’engagement et « la bonne volonté » du ministre et des services de l’Etat. Même si du côté des Nationalistes,  la vigilance reste de mise et qu’on attend des signes concrets et rapides du gouvernement sur les dossiers urgents, ce changement d’attitude est déjà en soi un pas encourageant. Le ministre a révélé que le président de la République devrait faire connaître sa position officielle sur le processus corse dans les mois à-venir. Une parole attendue avec impatience et inquiétude et sur laquelle plane le spectre de cinq longues années où le président Macron a enseveli sous un mépris injustifiable le pouvoir nationaliste et refusé le fait démocratique. Gérald Darmanin viendra en Corse, les 6 et 7 octobre prochain avec le ministre de la Transition écologique pour discuter, notamment avec les associations des maires, sur les problématiques d’eau, d’environnement et de déchets. La prochaine réunion du Comité stratégique, qui pourrait se tenir la première semaine de novembre, portera sur l’urbanisme, l'aménagement du territoire et le logement, avant d’évoquer, en décembre, les problématiques identitaires et linguistiques.

Gilles Simeoni : « Des signes positifs à concrétiser dans une logique politique globale »

« Sans préjuger de la suite, ce fut une journée extrêmement constructive et positive », confirme le président du Conseil Exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni. Il salue « l’honnêteté » de l’équipe ministérielle dans la présentation aussi bien des données économiques et sociales que des statuts d’autonomie. « Gérald Darmanin a très clairement reconnu que la Corse ne coûtait pas cher à l’État, qu’il n’y avait pas de transferts sociaux massifs vers l’île ». Et les réponses positives du ministre aux garanties demandées sur les dossiers urgents. « On ne peut pas travailler sur un processus à 18 mois sans des concrétisations qui montrent la bonne foi et la volonté d’avancer, notamment sur la loi sur le pouvoir d’achat, la prime Carburant, et sur le problème conjoncturel qui impacte le groupe Ferrandi. Le ministre a convenu de retravailler ces sujets dans les jours à venir dans la perspective de la loi de finances de fin d’année ». Le principe d’une réunion de travail a été acté « dans la semaine pour essayer de dénouer le problème du crédit d’impôt investissement dans le domaine hôtelier. Enfin sur l’indemnité de transport où les négociations paritaires piétinent depuis 24 mois, il a convenu qu’il était urgent au plan social que cette mesure entre en vigueur et qu’il fallait trouver les moyens de débloquer la situation. Ce sont des exemples concrets où nous verrons, dans les semaines à venir, si les discussions débouchent sur des décisions ». Gilles Simeoni a insisté sur les demandes d’adaptation législative restées systématiquement lettre morte : « Le ministre nous a confirmé la tenue d’une révision constitutionnelle en 2024 ». Et estime que la comparaison des statuts d’autonomie a clairement permis de lever le doute sur la définition même de l’autonomie : « C’est un pouvoir normatif de nature législative que détient une collectivité autonome pour légiférer dans des compétences qui lui sont transférées. Ses lois territoriales font l’objet d’un contrôle de constitutionnalité par le juge constitutionnel. Même s’il y a des différences entre les statuts, à chaque fois, la Constitution confère le statut d’autonomie et le consacre. De même, le transfert de compétences fiscales reste juxtaposé à des efforts de péréquation et des subventions de l’État et de l’Union européenne. On n’est donc pas dans une logique du tout ou rien comme certains le disent ! ». Autant de « signes positifs » qui, pour le président de l’Exécutif, doivent « s’inscrire dans une logique politique globale » avec, à la clé, la vérité sur l’assassinat d’Yvan Colonna et la libération des prisonniers politiques.
 

Nanette Maupertuis : « La démonstration, que le statut actuel est inefficient, a été entendue »

« Cette deuxième réunion s’est déroulée dans un état d’esprit vraiment serein, mais vigilant, compte tenu des fortes attentes qu’ont les Corses vis-à-vis de ce processus », précise la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis. « Je suis satisfaite parce que nous avons eu de nouvelles précisions sur la méthode. Il nous faut un horizon clair afin d’obtenir, à court terme, des signaux positifs concernant les sujets d’actualité et conjoncturels, que ce soit la situation des prisonniers, la question des carburants ou le pouvoir d'achat, et qui seront un gage de confiance pour la suite des échanges ». Préférant parler de « système économique et social » que de « modèle qui suppose quelque chose d’organisé depuis des années, ce qui n’a pas été le cas », elle a rappelé que : « la structure de ce système et son fonctionnement sont soumis à des contraintes majeures d’insularité, de surcoûts liés à l’insularité, de forte spécialisation du tourisme, d’étroitesse du marché intérieur. J’ai montré, à partir de quelques indicateurs, que notre économie, qui est dynamique en apparence, rencontre de nombreuses difficultés. Et c’est assez paradoxal ! La croissance génère des effets pervers, d’abord sociaux avec une grande disparité de revenus et un halo de précarité très important, mais aussi économiques. Les entreprises corses sont très agiles avec parfois des performances plus importantes que des entreprises de même taille du continent, sauf que toute leur énergie est consacrée à affronter les contraintes, à savoir les coûts de transport, de logistique, d’énergie, de manque de concurrence sur certains marchés, le manque de main-d’œuvre... Cela les empêche de se développer, de se projeter dans l’avenir de manière sereine et de d’évoluer avec des répercussions aussi en termes environnemental. Le modèle économique qui prévaut, aujourd’hui, conduit à un urbanisme débridé. Nous avons une autre conception de l’avenir économique et social de la Corse basé sur un développement durable, qualitatif, inclusif pour que l’ensemble de la population y trouve son compte ». Pour Nanette Maupertuis, cela passe par une évolution institutionnelle : « J’ai fait la démonstration que, sur un secteur comme le tourisme, qui est le moteur de l’économie corse et où la gouvernance est quasi-territoriale, le statut actuel était inefficient puisque personne ne répondait à nos demandes d’adaptation législative et réglementaire concernant, par exemple, les camping-cars ou les décrets plage pour l’ouverture des restaurants de plage jusqu’à la Toussaint. Si sur le secteur le plus performant, on n’arrive pas à faire bouger les lignes à droit constant, qu’en serait-il dans d’autres secteurs qui ont besoin d’être soutenu, d’innover et de se développer ! ». La démonstration a été entendue. « Ce n'est qu'à partir d’un changement constitutionnel qu’on pourra répondre véritablement aux attentes. Le ministre s’est engagé à nous transmettre tous les agrégats, tous les flux économiques entre la Corse et le continent, mais aussi avec le reste du monde, pour affiner notre diagnostic et identifier ensuite les dispositifs institutionnels qui pourraient corriger les effets pervers ». Et de conclure « cette réunion a permis de rappeler que la résolution du problème corse ne pourra pas se faire au mépris du droit, et que, si l’on veut s’inscrire dans une logique de croissance et de développement, il faut construire une logique de paix ».

Michel Castellani : « Cela fait cinq ans que nous demandons la remise à plat des dispositifs fiscaux »

« Ce fut une journée très dense », précise Michel Castellani, député Femu a Corsica de la 1ère circonscription de Haute-Corse. « Le matin, la question des prisonniers a bien évidemment été abordée, c’est une question prégnante, continue et perpétuelle, elle fait partie du deal des discussions entre la Corse et l’État. Puis, nous avons fait le tour des structures économiques et sociales de la Corse et nous avons fait ressortir qu’il fallait impérativement agir sur ces structures pour avancer. Pour cela, il est nécessaire que l’Autorité de la concurrence fasse une véritable analyse de la structure très cartellisée de l’économie corse et que le gouvernement prenne ses responsabilités en matière de prix du carburant. La situation est véritablement spécifique puisqu’elle menace fortement de devenir carrément monopolistique », affirme-t-il. « L’après-midi, nous avons analysé les différentes solutions qui ont pu être trouvées dans les îles de la Méditerranée à travers les institutions et nous avons vu que, même s’il existe plusieurs types d’autonomie, c’est toujours le même châssis en matière économique et sociale, en matière de gestion du sol et de culture, cela peut varier sur la santé ou les transports ». Pour le député nationaliste, cela ne fait que confirmer « qu’il faut sortir la Corse de la structure centralisée de l’État français et évoluer vers plus de souplesse, plus de décentralisation. En tout cas, reconnaître la spécificité de notre île. J’ai demandé très fortement qu’on nous donne enfin les différents flux monétaires de la Corse parce qu’on est dans le brouillard, on ne sait pas où on met les pieds. Quand on les connaîtra, on pourra travailler sur les masses ». De même, assène-t-il, « La Corse a besoin de mesures spécifiques parce qu’elle est confrontée à des problèmes sociaux considérables qu’il faut prendre en compte et à un prix de la vie supérieur. Je donnerai qu’un seul chiffre : le PIB de la Corse par habitant, ne représente - référence Insee, chiffres 2020 - que 75,01 % de la moyenne française. Cela veut dire que nous avons 25 % de retard en matière de richesse avec tous les problèmes qui en découlent pour les personnes modestes, âgées, marginalisées, les étudiants etc. Cela fait cinq ans que nous demandons la remise à plat des dispositifs fiscaux ! Lors de la prochaine loi de finances, nous représenterons de nouveau nos amendements qui ont été rejetés lors du vote sur la loi sur le pouvoir d’achat ».

Paul-André Colombani : « On est sorti de l’image d’Épinal que la Corse coûte à l’Etat »

« Ça a l’air de continuer dans le bon sens avec des échanges francs et de bonne foi », commente le député PNC de la 2ème circonscription de Corse du Sud, Paul-André Colombani. « Ce fut une journée extrêmement technique. Nous avons en début de séance remis sur le tapis les loupés concernant trois sujets conjoncturels d’urgence : la question des prisonniers politiques a été largement abordée évidemment, la problématique de l’essence et les inquiétudes sur le crédit d’impôt Corse. Si les décrets sur les prix des carburants avaient été pris depuis plusieurs mois, comme on le réclame, la situation du groupe Ferrandi ne serait pas celle qu’elle est aujourd’hui. Les prix auraient été régulés et les marges ne seraient pas tributaires de la concurrence. Dans quelques semaines, le crédit d’impôt sera dans les tuyaux du projet de loi de finances avec une nouveauté. On sort aux hôteliers la possibilité d’y accéder pour la rénovation de leur établissement, on la garde uniquement pour ceux qui veulent racheter ou acquérir des hôtels. C’est la porte ouverte à la spéculation et à la dépossession des biens ! Le ministre a annoncé des discussions avant le vote de la loi de finances pour essayer de trouver des compromis et des points d’équilibre ». Aucune promesse par contre concernant les prisonniers. « On nous répond : séparation des pouvoirs. On ne peut pas prendre en otage la discussion à venir à cause des prisonniers, mais les décisions qui vont être prises dans les prochains jours concernant les demandes d'appel vont conditionner le climat des discussions ». Paul-André Colombani se réjouit que « la discussion économique et sociale a permis de sortir de l’image d’Épinal que la Corse coûte à l’Etat. Les chiffres objectivés montrent qu’en matière sociale, beaucoup de droits ne sont pas réclamés, pas reversés, par rapport à la moyenne nationale, notamment chez les personnes âgées ». Mais, il reste prudent : « Lors de la première réunion, nous avons été satisfaits de voir que les promesses ont été tenues, aujourd’hui, nous avons été un peu plus loin, mais le chemin est encore long. Il y a sur la table plusieurs statuts d’autonomie, il va falloir qu’on soit en mesure de dire quelle est la forme la plus adaptée à la Corse. Mais, il faudrait aussi avoir des signaux qu’on ne travaille pas pour rien pendant deux ans. On ne peut pas attendre la réforme constitutionnelle de 2024, qui ne concernera pas que la Corse, sans qu’entre temps, des points d’étape soient validés ».

Jean-Martin Mondoloni : « Nous avons émis des réserves sur le transfert de fiscalité »

 « C’est une journée plutôt constructive et positive dans l’écoute », déclare Jean-Martin Mondoloni, conseiller territorial du groupe d’opposition, U Soffiu Novu. « Pour notre part, nous avons évoqué la reconnaissance d’un handicap permanent, c’est-à-dire la justification du fait qu’on demande à être accompagné et aidé. On ne veut pas se poser en quémandeurs qui réclamont l’aumône. Cela a été retenu. La deuxième chose, que nous avons soulevée et qui a été validée par le ministre, est la question du rattrapage historique. On part de loin. La troisième, à laquelle nous sommes attachés, est l'observatoire des prix pour expliquer aux Corses pourquoi, dans l’île, tout est plus cher qu’ailleurs. Le ministre a pris acte de ses demandes. Il met à notre disposition une expertise dont nous avons besoin pour aller plus loin, des très hauts fonctionnaires, des inspecteurs généraux des finances et de l’action sociale ». La droite émet toujours des réserves sur le transfert de fiscalité. « Notre crainte est que l’État ne joue plus le rôle d’amortisseur social quand il y a des grandes crises. Le ministre a répondu que c’était à nous de réfléchir et d’être responsables ». Des réserves également sur le statut d'autonomie : « c’était relativement intéressant. Chacun y est allé de sa vision et a posé les limites de l’exercice. Encore une fois, pour notre part, cela tourne autour du risque de transfert de fiscalité. Nous avons rappelé notre volonté de lister les actions concrètes que l’on peut faire à droit constant, notamment sur les grands équilibres dans la Corse a besoin. Le ministre ne s’est pas privé de rappeler qu’il serait bon aussi que la collectivité de Corse fasse sa part de l’effort. Il attend de savoir ce que l’on veut dans un projet à 30 ans. Il a raison !  Il appartient à l’Exécutif corse de dire quelles sont les bases du projet et les 6 à 10 sujets qu’il veut traiter pour construire un avenir à moyen et long terme. Il doit organiser des réunions de travail afin que l’on ne remonte plus chacun avec ses bagages à Paris. Il faut que nous soyons capables de définir un projet, consensuel ou pas, mais collectif et qu’on en présente l’ébauche pour voir combien il va coûter et comment on va le financer ».

François Alfonsi : « Le ministre a renouvelé le projet d’une réforme constitutionnelle, c’est un point important »

« Une pleine journée de discussion en présence du ministre est déjà un évènement en soi », reconnaît le député européen de Femu a Corsica, François Alfonsi. « C’est une réunion de travail, on n’en attendait pas plus, il n’y a pas eu de décision, mais elle est quand même le signe que le processus continue. Le ministre a renouvelé le projet d’une réforme constitutionnelle, c’est un point important parce que depuis 1981, on a épuisé tout ce que l’on pouvait faire à droit constitutionnel constant. Si on veut aller vers l’autonomie, il faut réussir à travailler une réforme constitutionnelle. Le projet a été mis, à nouveau, sur la table comme une issue possible du processus, si tant est, bien sûr, que les parties arrivent à se mettre d’accord sur un même projet. C’est positif ». Tout comme les comparatifs des statuts d’autonomie de six îles du Sud de l’Europe que le député européen qualifie de « documents plutôt bien faits, qui ont permis d’avoir des échanges assez approfondis. Nous prenons le problème par le concret, le côté pratique, par la réalité des compétences - par exemple des 61 compétences des Canaries ou des 51 compétences des Baléares - et l’on voit comment, par l’exploitation de ces compétences, les assemblées régionales de territoires insulaires de population comparable, ont pu, par eux-mêmes, modifier, adapter, voir édicter des lois propres au territoire pour mieux faire face aux défis économiques et sociaux qui sont les leurs. Cela a permis, je pense, de faire avancer l’idée de l’autonomie dans la tête du ministre et de ses collaborateurs. Ça a été l’occasion de démontrer que l’autonomie, d’abord, c’est très courant pour une île, ensuite qu’elle ne remet jamais en cause les principes fondateurs de l’État de rattachement qui accepte cette autonomie pour un de ses territoires et qu’elle donne, à ce territoire, des libertés, des souplesses, et, in fine, des résultats intéressants ».

Jean-Félix Acquaviva : « Le sujet de l’autonomie, qui était tabou, devient maintenant un cœur de discussion »

« Cette réunion a été conforme aux engagements pris lors de l’ouverture du cycle du dialogue politique en juillet », estime Jean-Félix Acquaviva, député Femu a Corsica de la 2nde circonscription de Haute-Corse. « Nous avons abordé au fond la question d’un modèle économique et social nouveau pour la Corse en faisant le constat qu’il fallait sortir de l’économie de sur-rente et d’une croissance appauvrissante, qui était captée par quelques uns avec des secteurs de surprofits, pour rentrer de plain-pied dans une économie de production diversifiée. C’est-à-dire, à la fois, au travers d’un tourisme professionnel à privilégier - que ce soit les hôtels ou les structures familiales par rapport aux résidences secondaires -, du développement de la filière bois, de l’énergie, de l’autonomie alimentaire, de l’agriculture, de l’économie circulaire… au travers d’une évolution institutionnelle et fiscale qui servira d’effet levier ». S’il salue « un esprit constructif » et « un couloir de discussion nourri et qui n’a jamais été de ce niveau-là dans la période contemporaine de la Corse », il insiste sur « les questions pendantes sensibles qu’il faut régler, à savoir le sort des prisonniers politiques pour tourner cette page de manière sérieuse, politique et morale ». De même, sur les questions urgentes du carburant et du crédit d’impôt : « La remise en cause de certaines dépenses dans le crédit d’impôt peut être un problème structurel lié au droit communautaire. Dans ce cas, il faudra bien que l’État avec la Corse aille à Bruxelles défendre la spécificité insulaire pour que le crédit d’impôt soit maintenu dans sa surface actuelle et même amélioré. Nous battrons le fer pour obtenir satisfaction ». Pour le député nationaliste, les services de l’État « ont joué le jeu en faisant une présentation longue et précise en termes de comparatif des six statuts d’autonomie. Cela a permis de sortir des images d’Épinal que l’autonomie générerait des ressources moindres qui ne permettront pas de rendre viable la Corse. On est rentré dans un débat qui démontre le contraire. Ce qui est important, c’est que ce sujet de l’autonomie, qui était tabou, devient maintenant un cœur de discussion ». La priorité désormais est de « solder cette question du pouvoir d’adaptation qui n’en a jamais été un depuis 2002 et se rendre compte de la nécessité d’obtenir un pouvoir législatif normatif, donc un statut d’autonomie, donc une réforme constitutionnelle pour régler les problèmes concrets et améliorer la vie des Corses de manière sensible ».