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Paillotes : La motion de la discorde demande à l’Etat de clarifier sa position sur les AOT


Nicole Mari le Samedi 23 Février 2019 à 21:52

L’Assemblée de Corse, réduite à la majorité territoriale, a voté à l’unanimité, - mais non sans mal ! -, une motion sur les AOT, Autorisation d’occupation temporaire du Domaine public maritime (DPM), en un mot les paillotes. Tout en réaffirmant son attachement indéfectible au PADDUC et à la loi Littoral, la motion demande à la préfète de Corse de clarifier sa position en donnant les critères de refus ou de délivrance des AOT, et de prendre en compte la position de la Collectivité de Corse (CDC). Une motion amendée après trois heures d’âpres conciliabules entre les trois groupes nationalistes.



Paillotes : La motion de la discorde demande à l’Etat de clarifier sa position sur les AOT
C’est la fameuse motion sur les paillotes et les établissements de plage, source de longues discussions au sein de la majorité territoriale et du départ de l’opposition. La première mouture est rédigée en Commission ad hoc chargée de plancher, depuis juillet 2018, sur les activités économiques du littoral et où siège aussi l’opposition. Cette rédaction sur un sujet sensible, voire explosif, pour tous les groupes politiques, à l’orée de la nouvelle saison touristique, se fait à plusieurs mains pour tenter de trouver la bonne formulation. A la manœuvre, un élu de Corsica Libera, Michel Giraschi, propriétaire d’un établissement de plage à Porto-Vecchio et membre du Collectif des professionnels du littoral du Grand Sud, mais aussi des élus nationalistes de l’Extrême-Sud et des groupes politiques de droite. En sous-main, les paillotiers qui attendent le courrier préfectoral leur permettant ou non d’ouvrir leurs établissements de plage. Certains auraient déjà reçu le couperet ou le visa préfectoral. L’accouchement est difficile, mais finalement un texte finit par être validé sur le fil du rasoir.
 
L’inquiétude des professionnels
Cette première mouture s’appuie sur un certain nombre de considérations. En premier, l’inquiétude du Collectif pour la saison 2019. Ces professionnels considèrent que « les AOT qu’ils exploitent légalement depuis des décennies sont de véritables autorisations de travailler et souvent leur seul moyen de subvenir aux besoins de leur famille, et que les surfaces qu’ils occupent temporairement semblent raisonnables et souvent très en-deçà de ce que le décret plage autorise, c’est-à-dire 20%. Pour exemple : les surfaces occupées sur Portivechju à Palumbaghja ou Santa Ghjulia sont d’environ 7% du DPM… ». Ils s’engagent à produire, en concertation avec l’ensemble des acteurs, une charte de bonnes pratiques et de services pour les usagers du DPM. Ils affirment que l’ensemble de leurs activités représentent « plus d’un millier d’emplois directs et tout autant d’emplois directement induits dans l’économie locale », et qu’ils accueillent « dans leurs établissements des centaines de milliers de clients par an dont une bonne majorité de locaux... ». Le texte note que « les services de l’Etat et la Préfète n’ont pas répondu aux invitations de la commission ad hoc, et cela à 2 reprises », alors que les professionnels sollicitent des rencontres. Et rappelle que « le PADDUC n’est pas un obstacle aux activités visées, et que ce dernier ainsi que ses annexes le Schéma de développement du tourisme (SDT), le Schéma de mise en valeur de la mer (SMVM) les prévoient ». Il considère, enfin, que « la Préfète, en affirmant avoir mis de l’ordre dans les dysfonctionnements de la DDTM, reconnait, par là-même, ces dysfonctionnements. Par ailleurs, les professionnels affirment que ces dysfonctionnements ont souvent entraîné des condamnations, et qu’il serait stupéfiant de justifier demain des refus d’AOT en s’appuyant sur ces condamnations ».
 
Une demande d’équilibre
Ceci posé, le texte « réaffirme l’attachement de l’Assemblée de Corse à la préservation du littoral », mais estime que « cet attachement doit être concilié avec les activités économiques du littoral pour peu que celles-ci s’inscrivent dans le respect d’une charte de bonnes conduites, qui garantit notamment la libre circulation sur le DPM pour l’ensemble des Corses et des usagers ». Il demande, d’abord, que « toutes les dispositions soient mises en œuvre pour que les socioprofessionnels impliqués dans ces activités ne soient pas pénalisés par les comportements de l’Etat, historiquement défaillant en la matière ». Ensuite à l’Etat de « prendre en compte, dans les semaines à venir, les rapports qui seront produits par la Collectivité afin de prendre en compte l’équilibre entre la nécessaire préservation de notre patrimoine naturel littoral et des activités ayant un impact économique important ».
 
La règle du PADDUC
Mais la motion, ainsi rédigée et présentée par Laura Furioli, élue de Corsica Libera, ne convient pas au président de l’Exécutif, ni au groupe Femu a Corsica. Cette première mouture est perçue comme un blanc-seing donné aux paillottes, ce qui contrevient à l’esprit et à la lettre, tout à la fois, du PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) et de la vision nationaliste du développement de l’île. S’engage alors une discussion entre les trois groupes de la majorité, qui durera plus de 3 heures. L’opposition, lassée d’attendre, lève le camp, ce qui lui évite, d’ailleurs, de plonger dans un débat épineux. Finalement amendée et expurgée, la motion sera votée à l’unanimité des présents qui se résument à la majorité territoriale. Si la nouvelle mouture prend bien en compte l’inquiétude des professionnels insulaires et appelle, de même, la Préfète à préciser, dès aujourd’hui, les règles en matière d’AOT et à tenir compte de la position de l’Assemblée de Corse, elle réaffirme que le PADDUC reste l’orthodoxie fondamentale et qu’il n’est pas question d’y toucher.
 
La motion finale
« Considérant la nécessité de concilier les activités économiques du littoral avec les exigences de préservation de celui-ci, comme le prévoient les prescriptions du PADDUC,
Considérant les incertitudes entourant, à ce jour, les critères sur lesquels la préfète de Corse, seule compétente en matière de DPM, envisage de délivrer les AOT pour la saison estivale 2019,
Considérant les inquiétudes générées chez les professionnels par ces incertitudes,
Considérant les dysfonctionnements et errements ayant été constatés par le passé en matière de délivrance d’AOT, voire de permis de construire,
Considérant que la préfète, elle-même, a reconnu que l’Etat avait sa part de responsabilité dans la genèse de la situation actuelle,
Considérant la nécessité de sortir rapidement de cette situation et de construire un modèle vertueux permettant de concilier préservation de l’environnement et développement économique, dans le respect des lois et règlements applicables,
l’Assemblée de Corse
Rappelle son attachement indéfectible au PADDUC et à la loi Littoral.
Demande à la préfète de Corse de communiquer sans délai à la Collectivité de Corse et aux professionnels concernés les critères sur lesquels elle envisage de délivrer les AOT pour l’année 2019.
Dit que la position de la Collectivité de Corse, autorité ayant édicté les prescriptions du PADDUC en la matière, devra être prise en considération avant la délivrance des AOT ».
 
N.M.