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"Nous ne savons pas où nous allons aller" : à Ajaccio, l'immeuble le Patio totalement interdit d'accès


le Lundi 12 Décembre 2022 à 18:38

Après des bruits inquiétants rapportés par les quelques habitants restés dans le bâtiment, ce lundi 12 décembre la municipalité décidé d'interdire provisoirement son occupation. L'effondrement d'un talus en contrebas de la structure, samedi matin, fait en effet craindre pour la sécurité des habitants



Le Patio
Le Patio
Devant l’immeuble le Patio, à Ajaccio, ce lundi, les habitants effectuent des allers-retours incessants et pressés jusqu’à leurs véhicules. Après l’effondrement d’un talus en contrebas de la structure, samedi matin, des bruits inquiétants se sont faits entendre pendant la nuit, poussant les pompiers à préconiser l’évacuation de la soixantaine de personnes qui restait dans la partie Ouest de l’immeuble. Sonnés, ces résidents du boulevard Louis Campi ont dû à nouveau quitter leurs logements pour la deuxième fois en 48h, sans savoir cette fois quand ils pourront les réintégrer. Quelques heures après l’écroulement, le maire d’Ajaccio avait pris un arrêté de mise en péril pour les 23 appartements de la partie Est du bâtiment, dont une portion est dangereusement suspendue dans le vide. C’est désormais l’ensemble de ce bâtiment d’une quarantaine d’appartements qui est concerné. 
 
« Au regard des incertitudes géotechniques concernant la stabilité du sous-sol et de l’avis des experts diligentés en urgence sur place, la Ville d’Ajaccio a pris la décision d’interdite provisoirement l’occupation de l’immeuble », indique ainsi la municipalité dans un communiqué. « Des expertises vont être diligentées par les parties pour savoir ce qu’il y a lieu de faire », relève de son côté Vannina Romanetti des services techniques de la ville. « Aujourd’hui, notre préoccupation c’est la sécurité des biens et des personnes  », appuie-t-elle. 
 

L'évacuation en cours
L'évacuation en cours
Ce matin, après de nouvelles inspections, des scellés ont de facto été placés sur l’immeuble, interdisant ainsi son accès en dehors de plages horaires strictement encadrées durant lesquelles les habitants seront autorisés à aller chercher leurs biens. Alors, chacun essaye de récupérer ce qu’il peut chez lui. Tandis que le bruit des valises résonne à intervalle régulier, des habitants s’affairent à transporter au plus vite la cage de leur animal de compagnie vers un lieu plus sûr. D’autres ont été chercher un chariot au supermarché le plus proche pour transporter le maximum d’affaires en un minimum de voyages ou ont loué une camionnette pour tenter d’emporter tout ce qu’ils peuvent. Mais impossible cependant d’accéder aux quelques voitures toujours bloquées dans le parking du sous-sol, inaccessible depuis l’effondrement. 
 
« Deux nuits à écouter les bruits de l’immeuble »
Les mines graves et fatiguées, devant cet immeuble de 7 étages sorti de terre en 2017, une partie de ses occupants accuse le coup de ces jours compliqués, à l’instar de Lucas et ses parents, locataires d’un appartement situé juste au-dessus du glissement de terrain. « Samedi matin je dormais, je n’ai rien entendu. Les pompiers ont tapé à la porte vers 10 heures. Ma mère m’a réveillé, nous avons juste vite pris quelques affaires et nous sommes partis. C’est compliqué », confie-t-il en précisant avoir pu retourner chercher de nouveaux effets personnels aujourd’hui. « C’est dur de choisir ce que l’on prend, ce qui est essentiel ou non ».  Si sa famille n’a pas pu réintégrer son appartement depuis l’incident, le jeune homme a néanmoins souhaité effectuer des rondes avec d’autres voisins, soucieux de savoir l’immeuble quasi vide et sans surveillance.  « Cette nuit, quand j’ai pris le relais de mon voisin vers minuit, nous avons constaté que des plaques au niveau du mur étaient tombées et s’étaient fracassées. Certains de mes voisins ont entendu des craquements vers 3 heures du matin, puis vers 6h30. Ils ont aussi senti de petits tremblements », raconte-t-il toujours un peu inquiet. Des propos abondés par Dominique. Locataire avec sa femme de l’un des appartements de la partie Ouest de l’immeuble, il avait choisi de regagner son appartement samedi soir.  « Nous n’avions pas d’autres solutions », souffle-t-il, « Mais nous avons dormi en pointillés pendant ces deux nuits. Cela a été très dur, car il y a eu plein de bruits dans l’immeuble, des chocs, des craquements, et nous avons eu peur. Nous avons beaucoup balisé en entendant tout cela. Je suis sorti plusieurs fois dehors pour voir ce qu’il se passait, mais je n’ai rien vu. Nous ne savons pas d’où viennent ces bruits, nous ne sommes pas experts en bâtiment, mais tous mes voisins ont ressenti la même chose. Nous avons tous passé ces deux nuits à écouter les bruits de l’immeuble ».

« Nous ne savons pas où nous allons aller »
Bien conscients qu’ils ne pourront pas réintégrer leurs appartements de sitôt, les habitants marquent désormais leur inquiétude de trouver une solution pérenne pour se loger. « Notre assurance nous prend en charge l’hôtel jusqu’à samedi, après nous ne savons pas où nous allons aller », déplore Lucas en avouant avoir déjà commencé à chercher un nouvel appartement en prenant contact avec une agence immobilière. « Le relogement incombe en premier lieu aux propriétaires des appartements et la ville est là pour les situations sociales difficiles », souligne de son côté Xavier Luciani des services techniques de la Ville d’Ajaccio, en insistant sur le fait que tout est fait pour que personne ne se retrouve à la rue. « Nous travaillons en étroite collaboration avec les services sociaux pour proposer des solutions efficientes d’hébergement ou de relogement à l’ensemble des occupants de l’immeuble », appuie sa collègue Vannina Romanetti. Une opération menée conjointement avec le Centre Intercommunal d’Action Sociale (Cias). « Dans l’urgence, la plupart des locataires et propriétaires sont dans des hôtels ou dans le cadre familial ou amical. Nous sommes par ailleurs en train de chercher des appartements meublés pour avoir des solutions transitoires. Nous faisons vraiment au cas par cas et nous soutenons également les occupants dans leurs démarches administratives, mais aussi dans la gestion des émotions », ajoute Marie-Hélène Moretti, responsable du pôle développement social au Cias. « Le promoteur, par le biais de sa représentante, a été mis dans la boucle. Il est censé aussi nous apporter des solutions », note encore Vanina Romanetti. 

Un premier éboulement après la tempête du 18 août
Dépêchés sur place suite au glissement de terrain, les services d’astreinte de la Ville d’Ajaccio avaient constaté samedi que « le chantier situé à l’aval de l’immeuble le Patio 1 est probablement à l’origine des désordres survenus ». Dans le cadre de ces travaux pour construire un nouvel immeuble, le Patio II, un important terrassement a été effectué en contrebas du premier bâtiment. Si bien que c’est désormais un trou béant de plusieurs mètres de profondeur que les habitants du Patio I pouvaient apercevoir de leur terrasse. Un chantier mené par le même promoteur, Michel Majdi Amhan, qui suscite l’agacement des résidents. « L’année dernière, nous avons été réveillés un matin car l’immeuble tremblait à force que les tractopelles grattent juste en-dessous. Et puis, il y a aussi eu un premier éboulement après la tempête du 18 août », rappelle Lucas. L’évènement avait déjà conduit la mairie d’Ajaccio à prendre un arrêté demandant l’interruption des travaux tant qu’une consolidation des fondations du Patio n’aurait pas été réalisée. « Les investigations techniques en cours permettront de déterminer si ces désordres successifs sont liés et si les obligations fixées par cet arrêté ont été correctement exécutées », relève d'ailleurs la municipalité.

Face au trou qui se creusait de plus en plus au pas de sa porte, Dominique indique pourtant qu’il restait toutefois serein. Du moins au départ. « Nous nous disions qu’ils savaient ce qu’ils faisaient. Mais apparemment, ils ont fait un travail d’abruti », tonne le locataire, concédant avoir constaté des incohérences. À ses côtés, Christian, son propriétaire, très présent depuis samedi matin, confie : « J’ai acheté l’appartement dès qu’il a été terminé. Il n’y avait aucun souci. Les soucis ont commencé quand ils ont commencé les travaux du Patio II. Nous nous sommes aperçus qu’ils ont gratté vraiment très près des fondations du Patio I pour faire le terrassement, on ne comprend toujours pas pourquoi. Quand on a vu qu’ils s’approchaient autant de l’immeuble, cela a amené une certaine inquiétude ». « Je suis tombé des nues samedi. Et là ce matin, j’ai appris que des occupants ont entendu des bruits cette nuit et que par mesure de sécurité, la mairie a décidé de fermer l’immeuble. Pour l’instant, nous n’en savons pas plus. Nous attendons », reprend-il. Les larmes aux yeux, il livre encore : « Cela me fait beaucoup de peine pour mes locataires, d’autant plus que je les aime beaucoup. Et puis, je suis agacé de voir des immeubles sortir de terre tous azimuts. La rocade est sclérosée, elle ne ressemble plus à rien ». 
 
Une enquête préliminaire ouverte
Après le glissement de terrain et l’évacuation du Patio I, dimanche, le parquet d’Ajaccio a ouvert une enquête préliminaire du chef de "mise en danger de la vie d’autrui". « Cette enquête aura notamment pour objet de vérifier que toutes les prescriptions réglementaires ont bien été prises par les professionnels de la construction pour assurer l’intégrité des fondations de l’immeuble, y compris en cas d’intempérie », a signifié le procureur de la République d’Ajaccio, Nicolas Septe, dans un communiqué de presse. 
 
« Il est désormais de la responsabilité du constructeur et du syndic de copropriété du Patio 1 de justifier des travaux entrepris à proximité immédiate de l’immeuble et d’apporter les éléments techniques permettant de déterminer s’il est menacé dans son intégrité. Le cas échéant, ils devront préciser la nature des travaux envisagés et leur calendrier. Il s’agira alors de les réaliser, dans les meilleurs délais, afin de garantir le retour des résidents en parfaite sécurité dans la résidence. L’accès à l’immeuble sera subordonné à cette exigence », a pour sa part fait savoir la mairie d’Ajaccio ce lundi soir.