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Michel Castellani : "Nous sommes face à un Gouvernement qui est quand même sur la réserve


le Jeudi 27 Juillet 2023 à 19:25

À l’heure de la pause estivale, le député de la 1re circonscription de Haute-Corse fait le bilan de son année parlementaire pour CNI. Au fil des dossiers stratégiques qu’il a pu aborder dans l’hémicycle du Palais Bourbon, il regrette d’avoir souvent fait face un Gouvernement qui fait la sourde oreille.



(Photo : Archives CNI)
(Photo : Archives CNI)
- Quel bilan tirez-vous de cette année parlementaire ?
- C’était une année de travail intense. Je me suis rendu compte que j'avais quand même fait 110 interventions en commission de finances et 261 dans l’hémicycle, que j'avais signé 2 677 amendements, dont 189 ont été adoptés. Après, il y a tout ce qu'on ne voit pas, c'est à dire tout le contact avec les ministres, tout le travail de persuasion, tout le travail aussi de pédagogie vers les autres députés. Cela a été une année de travail intense. Nous avons réussi à confirmer ce que nous avions fait lors du premier mandat, c'est-à-dire à imposer à un certain niveau la question corse. Après, le résultat, c'est autre chose, car nous sommes face à un Gouvernement qui est quand même énormément sur la réserve.
 
Est-ce que vous avez l'impression que votre action et celles des deux autres députés nationalistes au Palais Bourbon contribuent à mieux faire entendre la voix de la Corse sur certains sujets ?
- Nous avons imposé la question corse comme une des grandes questions qui se posent actuellement à la France politiquement. Plus largement, nous avons posé le problème de l'équilibre des compétences entre le pouvoir central et les territoires. Nous sommes face à une structure d'État extrêmement centralisée en France et l'idée ce serait justement de donner plus de pouvoir, de mieux transmettre dans la loi la diversité des conditions économiques, sociales, géographiques et climatiques qui font la richesse de la France. Maintenant, obtenir des résultats, c'est autre chose. Mon sentiment, c'est que le Gouvernement, malgré les bonnes paroles qui sont dispatchées, est au contraire sur une position très centraliste. Quand le Gouvernement parle de décentraliser, dans son esprit, cela revient à augmenter le pouvoir des préfets. Donc pour l'instant, la question reste posée à la fois pour la France entière et en particulier, ce qui nous intéresse plus particulièrement, pour la question corse.
 
- Aux côtés de Jean-Félix Acquaviva et de Paul-André Colombani, vous faites partie du groupe Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires (LIOT) qui compte des élus de diverses tendances politiques. Comment vous arrivez à concilier toutes ces nuances au quotidien ?
- Il n'y a pas de problème particulier. Nous sommes en permanence en liaison les uns avec les autres. Nous faisons des réunions, nous parlons de façon très démocratique et très constructive sur tous les sujets. Il y a des questions de fond qui nous lient parce que nous sommes tous d'accord sur un certain nombre de domaines qui sont le respect de la démocratie, de la décentralisation, des territoires, de la liberté individuelle. Ce sont toutes des questions fondamentales. Après, il peut y avoir des sensibilités un peu plus libérales, un peu plus sociales sur telle ou telle question, mais le lien existe, ce n'est pas un groupe artificiel.
 
- On vous a vu au cours de l'année régulièrement monter au créneau sur le projet de refondation du centre hospitalier de Bastia. En avril, on se souvient que vous aviez dénoncé une réunion désastreuse au ministère de la Santé à ce sujet. L'État continue aujourd'hui de botter en touche sur la construction d'un nouvel hôpital. Où en est-on finalement ?
- Un nouveau ministre de la Santé a été désigné il y a quelques jours. Une heure après sa nomination, je lui ai envoyé une lettre officielle en lui demandant de me recevoir au sujet de l'hôpital de Bastia et lui ai fait parvenir le dossier que j’ai constitué. Je ne demande pas de nous donner un hôpital clefs en main, je demande qu'on nous remette le rapport de la Commission nationale d'investissements en santé qui a été fait il y a un an et demi. Or, le Gouvernement ne le publie pas, parce que ce rapport, évidemment, conclut à la nécessité d'un nouvel hôpital sur Bastia. Or comme il n'a pas envie de faire un hôpital pour des raisons qu'il le regarde, il garde le rapport sur le coude. C'est un des problèmes d'achoppement entre le Gouvernement et moi, mais ce n'est pas le seul. 
 
- On vous a vu également très mobilisé sur les questions fiscales pour la Corse. Vous avez notamment interpellé une nouvelle fois le Gouvernement à ce sujet par le biais d’une question orale portant sur le statut fiscal en mai. Ce dossier a-t-il pu avancer ?
- La Corse à l'heure actuelle est ensevelie sur toute une série de dispositifs fiscaux qui ont été pris au fil du temps. Ces dispositifs fiscaux sont disparates et certains ont des effets pervers non négligeables et donc sont contre-productifs. Je demande à ce que l’on mette tout ça à plat. Gérald Darmanin nous dit de lui faire une proposition de statut fiscal. Ce que je lui ai dit c’est que je ne le ferai tant que je suis dans le brouillard. Je veux savoir combien l'État dépense d'argent en Corse, combien coûtent les fonctionnaires, combien coûte la Sécurité sociale en Corse, combien les Corses payent d’impôt ... Une fois que j'aurai ces chiffres, je ferai deux colonnes : les compétences que je demande pour la Corse dans le cadre de nos statuts et comment je les finance. Mais on ne peut pas me demander de bâtir quelque chose dans le brouillard. J'ai envoyé un il y a 13 mois une lettre à Bruno Le Maire lui demandant ces comptes, je l’ai demandé en séance publique, et je l’ai demandé à Beauvau, je n'ai pas reçu de réponse. C’est irritant, car, là aussi, on a un Gouvernement qui fait de la rétention. 
 
En matière de lutte contre les incendies, vous avez réussi à obtenir certaines garanties du Gouvernement au niveau des moyens des SDIS. Toutefois celles-ci restent elles insuffisantes face à des incendies de plus en plus importants dans le bassin méditerranéen et a fortiori en corse ?
- J’ai réussi à faire comprendre qu’on ne peut pas toucher aux moyens de lutte contre l'incendie en Corse, car il y a des centaines de départs de feu et que si on laisse passer une heure entre ces départs de feu et la lutte, on est mort. Je me suis aussi battu, mais mon amendement n’est pas passé, pour demander la création d’une base européenne, ou en tous cas de la Sécurité civile française à Bastia Poretta. J'ai argumenté à plusieurs reprises en disant que c’est un excellent emplacement pour implanter des Canadair par rapport à la Corse, mais également par rapport aux îles de la Tyrrhénienne ou à la Toscane et même par rapport à la Côte d’Azur. Pour l'instant, cela ne passe pas, mais je ne désespère pas. S'il le faut, j'essaierai d'attaquer au plan européen.
 
- Autre sujet qui vous est cher, le conventionnement des écoles immersives. Malgré plusieurs relances de votre part, là aussi, vous n'avez toujours pas pu obtenir de garanties à ce jour ?
- Oui, c'est encore un dossier en cours, encore un dossier perdu. Je me suis encore rendu au ministère de l'Éducation nationale il y a trois semaines, pour une réunion. J'ai expliqué que les écoles immersives jouaient un rôle très important dans la sauvegarde de la langue, qu'elles reposaient uniquement sur des bénévoles qui se tuent au travail pour faire le repas des enfants tous les jours, pour trouver les fonds nécessaires pour payer les instituteurs, et donc qu’il fallait au moins que l'État conventionne pour le personnel. J’ai reçu une réponse tout à fait symptomatique qui m'a fortement énervé, dans laquelle on m'a dit de revenir dans cinq ans. 
 
- Quel bilan tirez-vous des discussions du processus de Beauvau ?
- Il y a beaucoup d’ambiguïté. Le président de la République est venu à notre rencontre. Il nous a dit que rien ne lui faisait peur, qu'il était prêt à avancer, et qu'il s'exprimerait le 14 juillet. J'observe qu'il ne l'a pas fait. Le processus de Beauvau s’est pour l’instant arrêté. Normalement, il doit reprendre en septembre. Moi, je ne me pose pas la question de savoir si ça va aller au bout ou non, je joue le match honnêtement, comme doit le faire un député, je défends les intérêts fondamentaux de la Corse, ceux de la démocratie et ceux de la décentralisation pour l'ensemble de la France. Quand on reprendra les discussions, nous continuerons d’expliquer pourquoi nous voulons telle ou telle chose, et pourquoi ce ne sont pas du tout des prétentions disproportionnées. Quand on dit qu'il faut une adaptation des lois, quand on dit qu'il faut une possibilité de mordre sur les réalités économiques, sociales et culturelles de la Corse, c'est parce qu'il y a vraiment un besoin réel. Si nous faisons cela, ce n'est pas par plaisir de poser des problèmes ou de se singulariser, c'est parce qu'il y a des besoins objectifs et qu'il faut essayer d'améliorer les choses dans les différents domaines en Corse. Et tout le monde y gagnerait, c'est cela que je veux faire comprendre. Si la Corse se développe, qu'il y a une meilleure vie économique et sociale, l'État aussi y gagnera.