Laurent Marcangeli espère retrouver le fauteuil qu'il avait occupé de 2012 à 2017. Photo : Michel Luccioni
- Vous êtes arrivé largement en tête de ce premier tour, mais avec un nombre de voix qui progresse peu par rapport au score de 2017, quelle est votre analyse de ces résultats ?
- Il y a des plus et des moins dans ces résultats. Le plus, c’est que mon positionnement politique a été compris par ma base. D’aucuns pariaient sur un désamour des électeurs lorsque j’ai rejoint Édouard Philippe en octobre, et que par la suite que je me suis présenté sous les couleurs d’Horizons. Ce n’est pas le cas, c’est un point de satisfaction. Nous augmentons de manière substantielle nos voix sur la CAPA par rapport aux précédentes élections, mais cette augmentation est un peu amoindrie par le score que nous réalisons hors CAPA. On voit d’ailleurs tout le poids de la Collectivité de Corse sur les petites communes. On nous reproche toujours la « machine électorale », ils en ont une aussi. Je note que le score nationaliste augmente, certes, par rapport au seul score de Jean-Paul Carrolaggi il y a cinq ans, mais il reste quand même le plus faible des quatre circonscriptions. Parmi les points négatifs, il y a l’abstention, le fait de ne pas être en capacité d’avoir les 500 voix qui auraient fait la différence. Mais c’est une sorte de tradition que j’observe depuis quelques années sur les premiers tours des élections à Ajaccio. Aux territoriales, nous avons réalisé un score équivalent à celui de dimanche au premier tour, et il a augmenté de manière assez forte au second.
- L’abstention est un fait marquant de ce scrutin, 53,7%, comment l’expliquez-vous ?
- Il y a une fatigue démocratique de la population. Je ne pense pas que les gens se soient sentis concernés par cette élection, et c’est à nous, politiques, de nous remettre en question collectivement. Certes, nous ne sommes pas responsables de tout, il y a la situation du monde dans lequel nous vivons, et le contexte national, qui parfois ne donne pas une bonne image du monde politique. Et ici, peut-être que nous avons eu des séquences électorales trop rapprochées ces dernières années. Sans parler de la situation sanitaire, qui a ajouté de la difficulté.
- Au second tour, Romain Colonna compte sur les réserves de voix de Michel Mozziconacci, qui a appelé à voter pour lui, et de Jean-Paul Carrolaggi, même si son soutien est plus réservé. Cela peut faire la différence ?
- J’entends les gens qui pensent que l’on fait des additions automatiques et que certains sont propriétaires de leurs voix. Moi, cela me laisse circonspect. J’ai pu constater, lorsque je n’étais pas engagé dans des compétitions électorales, que lorsque j’ai fait savoir mes choix, je n’étais pas systématiquement suivi. Vous avez un vote d’adhésion, mais vous avez aussi un vote de sympathie personnelle qui est délié totalement le soir du premier tour si le candidat n’est pas qualifié. Pour ce qui est de l’attitude de Michel Mozziconacci, elle ne surprend personne à Ajaccio. On ne peut que constater la dichotomie entre son positionnement politique, qui l’amenait à appeler à voter il y a encore deux mois pour Emmanuel Macron dans une tribune, et sa volonté aujourd’hui que les adversaires féroces du président de la République que sont les nationalistes l’emportent. Cela s’appelle de la tambouille. En tout cas, nul n’est propriétaire de ses voix.
- Un autre enseignement du scrutin, c’est l’enracinement du Rassemblement National.
- Il y a une forme d’adhésion aux thèmes que Madame Le Pen décline depuis plusieurs années. On ne peut pas sous-estimer le fait qu’elle a réalisé près de 58% des voix au second tour en Corse. Mais c’est aussi un vote de rejet, de défiance, de désespoir. J’ai passé une campagne à parler des problèmes sociaux que rencontre cette circonscription, comme l’ensemble de la Corse et du pays. Aujourd’hui, on voit bien quelles sont les préoccupations des Corses : le pouvoir d’achat, la possibilité de vivre décemment du fruit de leur travail. Ici plus qu’ailleurs, au regard des prix élevés que nous connaissons, c’est le sujet principal.
- Dans ce contexte, l’autonomie ne semble donc pas une priorité pour vous ?
-C’est un sujet politique qui est sur la table car il y a depuis plusieurs années des responsables légitimement choisis par le peuple qui font de l’autonomie un objectif politique majeur. Mais quand je discute avec nos concitoyens, ils me demandent plutôt ce que nous allons faire pour que le prix à la pompe ne soit pas de 2,22 euros le litre, parce qu’ils ne peuvent plus faire les courses et faire le plein. Ils me demandent ce que nous allons faire pour permettre à nos enfants d’avoir une meilleure situation. Ils me demandent ce nous allons faire pour que le système de soins fonctionne, dans le rural comme dans l’urbain. La question environnementale, écologique, est également au coeur des préoccupations, notamment des plus jeunes. Et puis de nombreux concitoyens veulent de l’ordre : ils ne peuvent pas se satisfaire de la situation de la sécurité dans ce pays, qui connait beaucoup de violence. Enfin, un autre sujet me touche : les dérives des réseaux sociaux, qui peuvent conduire à du harcèlement, notamment scolaire. Il y a des situations humaines très difficiles, des familles entières sont entrainées dans une spirale négative. Il faut ériger la lutte contre ces dérives en grande cause de ce quinquennat.
- Parmi tous ces sujets, quelle est la priorité ?
-C’est d’abord le pouvoir d’achat, puisque le gouvernement doit mettre à l’ordre du jour un texte spécifique ainsi qu’une loi de finances rectificative pour apporter ou prolonger des mesures en ce sens. Mon objectif, et c’est un point d’accord avec mon compétiteur de second tour, c’est de l’assortir de mesures spécifiques pour la Corse. D’ailleurs, je ne me vois pas monter à Paris, si je suis élu député, sans évoquer dans la discussion avec le gouvernement, avant la question institutionnelle, la situation économique et sociale de la Corse. Ce serait bien que tous les membres présents disent d’une seule voix que dans le cadre de l’examen des lois prévues à ce titre, que la Corse doit faire l’objet d’un traitement particulier. Des rapports ont été faits par l’autorité de la concurrence, je sais que l’on se heurte à de grands monopoles, de grandes puissances financières, mais les Corses nous demandent de faire quelque chose, et cela me semble la première des priorités.
- Qu’est-ce qui vous différencie de votre adversaire ?
-Nous avons de vraies lignes de fractures sur certains sujets. Je prends l’exemple des députés de sa famille politique sortants. Sur l’ensemble des textes portant sur la sécurité et sur la lutte contre le terrorisme, leur attitude se rapproche plus de la logique de la France Insoumise que de la mienne. Les clarifications doivent s’opérer. Je serai député de la Corse, j’ai un avantage, je l’ai déjà été, et dans mes souvenirs - et d’ailleurs c’est disponible sur mon site internet - je suis intervenu sur l’énergie, sur l’hôpital, sur la ruralité. Mais en même temps, je suis, j’ai été, et, j’espère, je serai un député qui doit aussi intervenir dans le débat public national. J’ai mené une campagne dans le prolongement de celle de l’année dernière, c’est-à-dire à essayer de faire comprendre que la Corse souffre depuis plusieurs années de ne pas avoir d’élus suffisamment impliqués dans la vie politique nationale. Qu’on les aime ou qu’on ne les aime pas, qu’on ait partagé leurs combats ou pas, le fait d’avoir eu des gens qui ont fait la carrière d’Émile Zuccarelli ou de José Rossi avait donné la possibilité à la Corse d’être parfois mieux représentée. C’est ce que j’essaie de faire avec la création d’Horizons : de participer à la vie politique nationale en mettant la Corse au centre du jeu. Si on se contente d’avoir une action régionale, on fait fi d’un positionnement qui peut servir la Corse et les Corses.
- En quoi serez-vous un député différent de celui que vous avez été il y a dix ans ?
- J’ai dix ans de plus ! Je ne sais pas si c’est un avantage physique, en tout cas, c’en est un au niveau de l’expérience. Entre 2012 et 2022, mon parcours politique m’a beaucoup apporté. De 31 ans à 41 ans, on n’est pas le même homme. Je reste quelqu’un de particulièrement énergique, mais j’arrive à mieux canaliser mon énergie. Les années, l’expérience, la gestion de situation parfois difficiles, tant d’un point de vue humain que politique ou technique, les différents mandats exercés, font que je serai un député différent. Autres points importants, en 2012, j’étais novice dans un grand groupe d’opposition et à partir de 2014, les fonctions de maire m’ont beaucoup coupé de ce mandat de parlementaire. Donc j’aurai une autre manière d’exercer le mandat, et j’ai l’intention de peser de tout mon poids sur la Corse, mais pas que.
- Il y a des plus et des moins dans ces résultats. Le plus, c’est que mon positionnement politique a été compris par ma base. D’aucuns pariaient sur un désamour des électeurs lorsque j’ai rejoint Édouard Philippe en octobre, et que par la suite que je me suis présenté sous les couleurs d’Horizons. Ce n’est pas le cas, c’est un point de satisfaction. Nous augmentons de manière substantielle nos voix sur la CAPA par rapport aux précédentes élections, mais cette augmentation est un peu amoindrie par le score que nous réalisons hors CAPA. On voit d’ailleurs tout le poids de la Collectivité de Corse sur les petites communes. On nous reproche toujours la « machine électorale », ils en ont une aussi. Je note que le score nationaliste augmente, certes, par rapport au seul score de Jean-Paul Carrolaggi il y a cinq ans, mais il reste quand même le plus faible des quatre circonscriptions. Parmi les points négatifs, il y a l’abstention, le fait de ne pas être en capacité d’avoir les 500 voix qui auraient fait la différence. Mais c’est une sorte de tradition que j’observe depuis quelques années sur les premiers tours des élections à Ajaccio. Aux territoriales, nous avons réalisé un score équivalent à celui de dimanche au premier tour, et il a augmenté de manière assez forte au second.
- L’abstention est un fait marquant de ce scrutin, 53,7%, comment l’expliquez-vous ?
- Il y a une fatigue démocratique de la population. Je ne pense pas que les gens se soient sentis concernés par cette élection, et c’est à nous, politiques, de nous remettre en question collectivement. Certes, nous ne sommes pas responsables de tout, il y a la situation du monde dans lequel nous vivons, et le contexte national, qui parfois ne donne pas une bonne image du monde politique. Et ici, peut-être que nous avons eu des séquences électorales trop rapprochées ces dernières années. Sans parler de la situation sanitaire, qui a ajouté de la difficulté.
- Au second tour, Romain Colonna compte sur les réserves de voix de Michel Mozziconacci, qui a appelé à voter pour lui, et de Jean-Paul Carrolaggi, même si son soutien est plus réservé. Cela peut faire la différence ?
- J’entends les gens qui pensent que l’on fait des additions automatiques et que certains sont propriétaires de leurs voix. Moi, cela me laisse circonspect. J’ai pu constater, lorsque je n’étais pas engagé dans des compétitions électorales, que lorsque j’ai fait savoir mes choix, je n’étais pas systématiquement suivi. Vous avez un vote d’adhésion, mais vous avez aussi un vote de sympathie personnelle qui est délié totalement le soir du premier tour si le candidat n’est pas qualifié. Pour ce qui est de l’attitude de Michel Mozziconacci, elle ne surprend personne à Ajaccio. On ne peut que constater la dichotomie entre son positionnement politique, qui l’amenait à appeler à voter il y a encore deux mois pour Emmanuel Macron dans une tribune, et sa volonté aujourd’hui que les adversaires féroces du président de la République que sont les nationalistes l’emportent. Cela s’appelle de la tambouille. En tout cas, nul n’est propriétaire de ses voix.
- Un autre enseignement du scrutin, c’est l’enracinement du Rassemblement National.
- Il y a une forme d’adhésion aux thèmes que Madame Le Pen décline depuis plusieurs années. On ne peut pas sous-estimer le fait qu’elle a réalisé près de 58% des voix au second tour en Corse. Mais c’est aussi un vote de rejet, de défiance, de désespoir. J’ai passé une campagne à parler des problèmes sociaux que rencontre cette circonscription, comme l’ensemble de la Corse et du pays. Aujourd’hui, on voit bien quelles sont les préoccupations des Corses : le pouvoir d’achat, la possibilité de vivre décemment du fruit de leur travail. Ici plus qu’ailleurs, au regard des prix élevés que nous connaissons, c’est le sujet principal.
- Dans ce contexte, l’autonomie ne semble donc pas une priorité pour vous ?
-C’est un sujet politique qui est sur la table car il y a depuis plusieurs années des responsables légitimement choisis par le peuple qui font de l’autonomie un objectif politique majeur. Mais quand je discute avec nos concitoyens, ils me demandent plutôt ce que nous allons faire pour que le prix à la pompe ne soit pas de 2,22 euros le litre, parce qu’ils ne peuvent plus faire les courses et faire le plein. Ils me demandent ce que nous allons faire pour permettre à nos enfants d’avoir une meilleure situation. Ils me demandent ce nous allons faire pour que le système de soins fonctionne, dans le rural comme dans l’urbain. La question environnementale, écologique, est également au coeur des préoccupations, notamment des plus jeunes. Et puis de nombreux concitoyens veulent de l’ordre : ils ne peuvent pas se satisfaire de la situation de la sécurité dans ce pays, qui connait beaucoup de violence. Enfin, un autre sujet me touche : les dérives des réseaux sociaux, qui peuvent conduire à du harcèlement, notamment scolaire. Il y a des situations humaines très difficiles, des familles entières sont entrainées dans une spirale négative. Il faut ériger la lutte contre ces dérives en grande cause de ce quinquennat.
- Parmi tous ces sujets, quelle est la priorité ?
-C’est d’abord le pouvoir d’achat, puisque le gouvernement doit mettre à l’ordre du jour un texte spécifique ainsi qu’une loi de finances rectificative pour apporter ou prolonger des mesures en ce sens. Mon objectif, et c’est un point d’accord avec mon compétiteur de second tour, c’est de l’assortir de mesures spécifiques pour la Corse. D’ailleurs, je ne me vois pas monter à Paris, si je suis élu député, sans évoquer dans la discussion avec le gouvernement, avant la question institutionnelle, la situation économique et sociale de la Corse. Ce serait bien que tous les membres présents disent d’une seule voix que dans le cadre de l’examen des lois prévues à ce titre, que la Corse doit faire l’objet d’un traitement particulier. Des rapports ont été faits par l’autorité de la concurrence, je sais que l’on se heurte à de grands monopoles, de grandes puissances financières, mais les Corses nous demandent de faire quelque chose, et cela me semble la première des priorités.
- Qu’est-ce qui vous différencie de votre adversaire ?
-Nous avons de vraies lignes de fractures sur certains sujets. Je prends l’exemple des députés de sa famille politique sortants. Sur l’ensemble des textes portant sur la sécurité et sur la lutte contre le terrorisme, leur attitude se rapproche plus de la logique de la France Insoumise que de la mienne. Les clarifications doivent s’opérer. Je serai député de la Corse, j’ai un avantage, je l’ai déjà été, et dans mes souvenirs - et d’ailleurs c’est disponible sur mon site internet - je suis intervenu sur l’énergie, sur l’hôpital, sur la ruralité. Mais en même temps, je suis, j’ai été, et, j’espère, je serai un député qui doit aussi intervenir dans le débat public national. J’ai mené une campagne dans le prolongement de celle de l’année dernière, c’est-à-dire à essayer de faire comprendre que la Corse souffre depuis plusieurs années de ne pas avoir d’élus suffisamment impliqués dans la vie politique nationale. Qu’on les aime ou qu’on ne les aime pas, qu’on ait partagé leurs combats ou pas, le fait d’avoir eu des gens qui ont fait la carrière d’Émile Zuccarelli ou de José Rossi avait donné la possibilité à la Corse d’être parfois mieux représentée. C’est ce que j’essaie de faire avec la création d’Horizons : de participer à la vie politique nationale en mettant la Corse au centre du jeu. Si on se contente d’avoir une action régionale, on fait fi d’un positionnement qui peut servir la Corse et les Corses.
- En quoi serez-vous un député différent de celui que vous avez été il y a dix ans ?
- J’ai dix ans de plus ! Je ne sais pas si c’est un avantage physique, en tout cas, c’en est un au niveau de l’expérience. Entre 2012 et 2022, mon parcours politique m’a beaucoup apporté. De 31 ans à 41 ans, on n’est pas le même homme. Je reste quelqu’un de particulièrement énergique, mais j’arrive à mieux canaliser mon énergie. Les années, l’expérience, la gestion de situation parfois difficiles, tant d’un point de vue humain que politique ou technique, les différents mandats exercés, font que je serai un député différent. Autres points importants, en 2012, j’étais novice dans un grand groupe d’opposition et à partir de 2014, les fonctions de maire m’ont beaucoup coupé de ce mandat de parlementaire. Donc j’aurai une autre manière d’exercer le mandat, et j’ai l’intention de peser de tout mon poids sur la Corse, mais pas que.