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« L’autonomie dont parle le Chef de l’État ne sera visiblement pas de plein droit et de plein exercice, mais il y a des avancées notables »


Patrice Paquier Lorenzi le Jeudi 28 Septembre 2023 à 15:13

Après le discours tant attendu d’Emmanuel Macron au sein de l’Assemblée de Corse, Wanda Mastor, constitutionnaliste et professeure agrégée de droit public en délégation à l’Université de Corse, décrypte, pour CNI, les premières déclarations du Chef de l’État.



« L’autonomie dont parle le Chef de l’État ne sera visiblement pas de plein droit et de plein exercice, mais il y a des avancées notables  »
- Que retenez-vous du discours prononcé par Emmanuel Macron ? A-t-il été à la hauteur des attentes ?
- Très honnêtement, j’ai trouvé le ton du discours très apaisé et apaisant, aux antipodes de celui qu’il avait prononcé à Bastia en 2018. Il a quand même débuté son allocution en faisant référence aux héros insulaires de la Libération. Il a également publiquement reconnu le fait qu’aucun Juif n’a été dénoncé sur l'île pendant l’Occupation. Ce n’est marqué dans aucun livre d’Histoire. C’est quelque chose de nouveau qu’il faut souligner et apprécier, venant d'un Président de la République. S’il a évoqué rapidement la face sombre de l’Histoire de notre île, et les nombreux investissements de l’État en Corse, notamment en matière de Santé, ce qui est tout à fait normal, il est resté plutôt sobre dans son discours d’introduction. Le fait aussi de le prononcer devant les élus, au sein de l'Assemblée de Corse, était un signal plutôt positif.
 
- Il a ensuite évoqué le sujet de la langue corse, sans pour autant prononcer le mot de coofficialité …
- Pour moi, ce passage reste le plus flou. Le Président évoque quand même le bilinguisme, même si c’est vrai qu’il ne parle pas de coofficialité. Mais, il y a quelque chose d’extrêmement positif, c’est quand il évoque la place de la langue corse dans l’espace public. Jusqu’à présent, on ne voyait aucune objection à ce que le corse soit parlé, surtout dans la sphère privée. Même si c’est relativement vague, cela peut donner libre cours à beaucoup d’interprétation. Pourrait-on envisager des actes administratifs bilingues ? Je ne pense pas qu’on en arrivera là quand on voit que les délibérations des mairies effectuées en langue corse ont toutes été retoquées par la justice administrative. Mais, rien que le fait d'évoquer cet espace public laisse quand même la possibilité d'élargir son champ d'application, ce qui est loin d'être négligeable. En revanche, la création d’un établissement public inspire beaucoup de craintes. Actuellement, c’est la Collectivité de Corse qui a la compétence en matière de langue. Sera-t-elle transférée à une autre entité ? À moins que la Collectivité ne bénéficie in fine d’une compétence renforcée. Il faudra clarifier tout cela.
 
- Le pouvoir de légiférer sur un certain nombre de compétences a aussi été évoqué, prenant l’exemple de dispositifs fiscaux dans le cadre de l'accès au logement. Quid du statut de résident ?
- Il n’a pas clairement évoqué le terme de statut de résident. Par contre, le fait de disposer de ce type de pouvoir est très positif. Concernant les compétences envisagées, je pense que cela va justement faire partie des négociations entre les différents groupes politiques et l’État. Il n’évoque pas non plus le terme de peuple corse mais de communauté insulaire culturelle et linguistique. Le poids des mots reste toujours important aux yeux de l’État. Après, le rôle du Président de la République a toujours été de donner les grandes lignes d’une orientation politique sans rentrer véritablement dans les détails. Visiblement, il y a quand même toujours quelques lignes rouges qui demeurent.
 
- Aux élus corses maintenant de se mettre d’accord. Le Président leur donne 6 mois, un délai raisonnable ?
- Oui, je le pense. Cela fait quand même plus de 18 mois que les élus planchent sur ce sujet. Le consensus sera difficile à mettre en place tant il y a des disparités dans les points de vue de chaque groupe, mais il faut savoir aussi bien convaincre que faire preuve de concessions. L’autonomie dont parle le Chef de l’État ne sera visiblement pas de plein droit et de plein exercice, comme le souhaitait le président de l’Exécutif, mais il y a des avancées notables qu’il faut souligner. On parle quand même d’une inscription de la Corse dans un article inédit au sein de la Constitution, même si cela semblait acquis depuis 2019.
 
- Reste aussi à convaincre l'Assemblée Nationale et le Sénat...
- Le Président de la République a l’air très confiant quand il évoque le calendrier à venir avec le projet de texte constitutionnel, la mise en place d’un référendum local avant la promulgation d’une loi organique. Tout cela semble quand même avoir été travaillé et discuté en amont avec les parlementaires. Je ne pense pas que le Président se risque à faire des annonces de ce genre s’il n’est pas certain que cette révision constitutionnelle, avec l’inscription de la Corse, puisse être votée.

L'arrivée d'Emmanuel Macron dans l'hémicycle
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