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Déchets : Vers une sortie de crise et la réouverture des centres de Viggianello et de Prunelli ?


Nicole Mari le Jeudi 3 Mai 2018 à 21:58

Une solution rapide en vue à la crise des déchets ? La rencontre multipartite qui s’est tenue pendant près de 5 heures, jeudi en fin d’après-midi, à Propriano entre l’Exécutif corse, le Syvadec, l’Etat et les élus de la Communauté de communes du Sartenais-Valinco, laisse entrevoir une porte de sortie. Le président Gilles Simeoni, qui a réaffirmé le principe fondamental du tri à la source, a fait des propositions jugées « positives », à la fois immédiates et de moyen terme, donné des garanties à des élus et des citoyens très inquiets pour obtenir la réouverture des deux centres de stockage de Prunelli et de Vighjaneddu et reçu le soutien de l’Etat. Les élus locaux, rassérénés, consulteront le Collectif et la population, vendredi matin.



Déchets : Vers une sortie de crise et la réouverture des centres de Viggianello et de Prunelli ?
C’était une rencontre promise en octobre dernier et attendue depuis janvier, mais que les aléas des calendriers politiques repoussaient sine die et dont le report a déclenché la nouvelle crise des déchets que la Corse traverse actuellement. Elle s’est finalement tenue, jeudi après-midi, à Propriano, alors que les deux seuls centres insulaires de stockage sont bloqués par les collectifs citoyens, et que les ordures ménagères s’entassent dans les poubelles et débordent sur les trottoirs, les rues et les routes. Le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse (CDC), Gilles Simeoni, a, donc, réuni, toutes les parties prenantes : les 12 élus de la Communauté de Communes Sartenais-Valinco, le président du Syvadec, François Tatti, la représentante de l’Etat et du préfet, Brigitte Duboeuf, et des élus de la majorité territoriale. « C’est important que tous les acteurs principaux de cette crise, notamment ceux de la région, soient autour de la table, c’est le moment que nous attendions tous. Il faudra maintenant essayer de construire une solution sérieuse et utile pour toute la Corse », annonce, d’emblée, Gilles Simeoni. C’est ce à quoi tous les participants se sont employés cinq heures durant.
 
Rappel des faits
La crise actuelle vient, donc, d’une légitime inquiétude. Le 17 octobre 2017, les élus de la ComCom prennent une délibération validant le dôme c’est-à-dire l’extension du site de Viggianello, pour un volume de 200 000 tonnes à partir de l’été 2018 jusqu’à 2021. Un nouvel effort, après beaucoup d’autres, consenti de manière responsable pour permettre la mise en œuvre du plan de la CDC qui acte la rupture totale avec la politique du tout-enfouissement et pose une priorité absolue : 60 % de tri des déchets à la source à l’horizon de 5 ans. Mais un effort consenti à la condition formelle que les pouvoirs publics et territoriaux présentent début 2018 d’autres projets de centres de stockage et s’engagent, au titre d’une évidente solidarité, à soutenir les territoires qui accueillent déjà les déchets ou accepteront de les accueillir. En parallèle, l’opérateur, qui gère le centre de stockage, monte le projet d’un nouveau centre sur place, Vigianello II, auquel l’Exécutif nationaliste et la population s’opposent. L’Exécutif émet un avis défavorable. Le préfet réserve sa position, estimant qu’il ne peut refuser ce projet privé que si apparaissent d’autres projets publics alternatifs et d’un volume suffisant pour stocker l’ensemble des déchets insulaires. Ne voyant rien venir, les élus et citoyens de la ComCom s’inquiètent et craignent d’être les dindons de la farce. Pas question, pour eux, de se voir imposer un nouveau centre ! La polémique sur le projet de centre d’enfouissement de Moltifao met le feu aux poudres.
 
Le tri en un an
Des garanties, c’est, donc, ce qu’attendent élus et citoyens et ce qu’ils ont demandé au président de l’Exécutif qui s’est attelé à rassurer et à faire des propositions concrètes et immédiates. Pour Gilles Simeoni, il n’y a qu’un chemin possible, qu’une solution à mettre en œuvre et de toute urgence : le tri à la source. « Il faut, premièrement, se servir de la crise pour renforcer le tri porte à porte et le généraliser partout dans toute la Corse, y compris dans des intercommunalités qui le font peu ou ne le font pas. J’ai proposé un plan exceptionnel sur un an avec des financements fléchés. J’ai demandé à l’Etat la territorialisation de la TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes), soit 5 millions € pour financer la mise en place d’ambassadeurs de tri et d’équipes techniques que l’Office de l’environnement est prêt à mettre à la disposition des intercommunalités. L’idée est, que chaque intercommunalité, quelque soit le budget dont elle dispose, ait les moyens de mettre en place le tri porte à porte. C’est très important, y compris pour les territoires qui, à partir de 2021, sont appelés à accueillir des centres de stockage ». Le 31 juillet, le tri à la source entrera en vigueur sur 60 % du territoire de la Communauté d’agglomération bastiaise (CAB). Une initiative que l’Exécutif entend bien généraliser. La représentante du préfet a donné son accord sur le principe de couvrir en un an toute l’île et acter l’engagement financier, sans préciser les modalités, ni valider, pour l’instant, un montant.
 
Des usines de surtri
Autres mesures concédées par l’Exécutif pour compléter le dispositif : l’installation d’ici à trois ans de deux usines de surtri en périphérie des agglomérations de Bastia et d’Ajaccio. L’usine d’Ajaccio étant actée, trois pistes sont à l’étude pour celle de Bastia. « L’idée est de les positionner à proximité des deux grands centres urbains de production d’ordures ménagères et de les gérer sous maîtrise publique pour les configurer à une taille qui ne soit pas dissuasive pour le tri. L’objectif est qu’en 5 ans, nous atteignons 60% de tri à la source pour qu’il ne reste plus que 80 000 tonnes de déchets ultimes à enfouir. Il faut prévoir au minimum deux à trois centres de stockage. Nous étudions des possibilités de sites à proximité du rail pour mettre en place un fonctionnement vertueux entre les usines de surtri et les centres d’enfouissement avec des coûts de transports réduits », précise Gilles Simeoni. Il a, également, assuré que les territoires, qui accueillent les déchets, bénéficieront, comme promis, du soutien de la collectivité. Des propositions et des garanties plutôt bien accueillies par les élus locaux dans une réunion qui s’est avérée, de l’avis général, « très constructive et très positive ». Si les élus du Sartenais-Valinco restent conscients de la complexité du problème, ils sont montés au créneau pour défendre les intérêts de leur population. La balle est, maintenant, dans leur camp, dans celui du collectif et des habitants qu’ils ont prévu de consulter, dès vendredi matin, pour leur faire part des mesures proposées.
 
Un défi herculéen
Si ces mesures sont jugées assez significatives, le blocus du centre de Viggianello pourrait être levé. Dans le cas contraire, ce serait l’impasse ! La Corse serait obligée d’exporter les 100 000 tonnes de déchets qui lui resteront sur les bras chaque année. Et même, si la levée du blocus de Viggianello et de Prunelli permettrait de passer ce nouveau cap de crise aigue, elle ne règlerait pas, pour autant, la situation structurelle de danger et de tension que subit l’île, conséquence de décennies d’enfouissement et de non-gestion responsable des déchets. Le défi pour l’Exécutif est quasiment herculéen : réussir à monter le tri porte à porte et à mettre en place de nouveaux centres en 2021. Entre temps, il devra se résoudre à exporter à titre provisoire et transitoire quelques dizaines de milliers de tonnes en 2019-2020. Et prendre assise sur ce qui se fait de mieux ailleurs. En moins de 20 ans, San Francsico est devenue un modèle de ville durable. Si seulement 34,6% des déchets sont recyclés aux Etats-Unis, la cité californienne atteint le pic inégalé de 80%. Sa recette : obligation de tri et de recyclage, interdiction des sacs plastique, des gobelets polystyrène ou de la vente de bouteilles d’eau dans l’espace public, mesures incitatives avec rabais de la taxe d’ordure ménagères... Ce combat pour préserver l’environnement crée, également, 10 fois plus d’emplois que l’incinération ou l’enfouissement. Que rêver de mieux pour notre île…
 
N.M.
 

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