Au cœur de la cathédrale Saint Jean-Baptiste de Calvi, une fresque datant de la fin du XVIIIe siècle suscite désormais un intérêt renouvelé. Connue depuis de nombreuses années, cette peinture, située au premier étage de l'église dans une pièce réservée au rangement, a fait l'objet d'investigations minutieuses par le service patrimoine de la ville. "En interne, nous avons entrepris un travail de documentation approfondi. Nous nous sommes rapprochés de restaurateurs de peintures murales et avons entamé une étude iconographique concernant les éléments restants de la fresque", rapporte Nicolas Bas, responsable du service patrimoine de la mairie de Calvi, à l'issue de cette première phase d'études. Après des recherches historiques approfondies, les équipes mobilisées pour percer les mystères de cette œuvre, signée par un artiste connu sous les initiales JRJ, ont présenté leurs premières conclusions le 14 août.
"Il s'agirait vraisemblablement d'une scène de pêche", estime Nicolas Bas. "On reconnaît une barque de pêche, probablement de type Gozzo, un modèle ligure ou napolitain. La barque comporte des rames, un maître de pêche à la proue, et un filet que l'on distingue également", détaille-t-il. Cette conclusion s'inscrit naturellement dans le contexte de l'époque à laquelle la fresque a été réalisée. Bien qu'il soit impossible de déterminer si la date inscrite correspond au début ou à l'achèvement de l'œuvre, celle-ci présente un repère historique précis : le 9 février 1762, inscrit par l'artiste sur le mur. Cette date correspond aux techniques de pêche représentées sur le mur de l'église.
Cependant, si la période historique semble établie, l'arrière-plan de la fresque soulève des questions quant au lieu représenté par l'artiste JRJ. Le paysage dépeint se distingue par une végétation particulière, qui pourrait correspondre aussi bien à Calvi qu'à la Ligurie. "Les plantes se caractérisent par des arbustes et des plantes vivaces. On reconnaît notamment des aloès, grâce à leur forme arrondie, que l'on trouve dans ces deux régions", précise Nicolas Bas.
"Il y a un intérêt patrimonial fort"
Face à ces premières conclusions, jugées d'un "intérêt patrimonial fort", Nicolas Bas envisage désormais d'entreprendre un travail de conservation de l'œuvre. "La prochaine étape consistera en un traitement itératif, visant à éliminer les sels marins qui se sont déposés sur la fresque. Les embruns marins, par capillarité, pénètrent dans les bâtiments et endommagent les peintures. À cela s'ajoutent des interventions sur le ciment, ajouté pour consolider l'église, qui ont également endommagé la fresque", explique-t-il. Pour ce faire, et en raison du statut historique de l'église, une collaboration étroite sera mise en place avec les acteurs territoriaux, notamment la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles), les Bâtiments de France, et la Collectivité de Corse. Cette dernière pourrait financer les travaux de restauration et de sauvegarde à hauteur de 70%, bien que le montant exact reste à estimer. "Ils apportent également un conseil scientifique précieux", ajoute Nicolas Bas.
À terme, le responsable du service patrimoine de la mairie de Calvi espère même pouvoir initier un projet de restauration. Cependant, un défi de taille se profile : justifier l'intérêt de cette démarche alors que l'œuvre ne pourra jamais être accessible au public en raison de son emplacement. "On ne peut pas faire monter du public. Le lieu ne répond pas aux normes de sécurité nécessaires pour accueillir qui que ce soit", souligne Nicolas Bas. "L'enjeu est donc de faire comprendre que ce n'est pas parce qu'elle n'est pas visible de tous qu'elle doit être négligée."