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Avant la visite présidentielle, Gérald Darmanin vient prendre le pouls des maires corses


le Mercredi 13 Septembre 2023 à 20:05

Le ministre de l'Intérieur a entamé une visite de deux jours à Ajaccio ce mercredi après-midi. Un déplacement au cours duquel aucune annonce ne sera faite quant aux suites du processus de Beauvau, mais qui a pour objectif d'écouter une dernière fois ce qu'ont à dire les élus locaux, avant une probable visite sur l'île d'Emmanuel Macron à la fin du mois



(Photo Pascal Pochard-Casabianca) AFP
(Photo Pascal Pochard-Casabianca) AFP
C’est en éclaireur qu’il est venu prendre le pouls des élus corses, avec pour but de préparer le déplacement du Président de la République à la fin du mois, qui devrait notamment être l’occasion de donner les conclusions d’un an de discussions dans le cadre du processus de Beauvau. Gérald Darmanin a entamé ce mercredi après-midi une visite éclair à Ajaccio, un peu plus de deux mois après le vote du rapport Autonomia par l’Assemblée de Corse. Première étape à l’agenda du ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer, une rencontre à huis clos en préfecture avec le président de l’Exécutif de Corse, Gilles Simeoni, dont rien n’a filtré. Si ce n’est déjà que les deux hommes doivent à nouveau se rencontrer jeudi matin, avant le retour du ministre sur Paris. 
 
Dans un timing serré, Gérald Darmanin a ensuite pris la direction du Palais des Congrès, où il a rencontré plus d’une centaine de maires et présidents d’intercommunalités de l’île. Devant les élus locaux, s’il annonce d’emblée qu’il laisse la primeur des annonces quant à la perspective d’une réforme constitutionnelle à Emmanuel Macron, le ministre de l’Intérieur tient toutefois à dresser les grandes lignes d’un an de discussions lors de son discours d’introduction. Il souligne ainsi la mobilisation de l’État sur le dossier corse, en pointant notamment des avancées obtenues sur « au moins trois champs de revendication » : « le rapprochement des détenus si longtemps demandé, les 30 millions d’euros sur la continuité territoriale, et les 200 millions d’euros pour la Programmation pluriannuelle de l’Énergie ». « Il y a eu parfois des échecs, mais j’ai essayé de porter les dossiers que vous m’avez confiés », argue-t-il. Prenant acte de la délibération de l’Assemblée de Corse du 5 juillet, et regrettant qu’elle n’ait pas donné lieu à un consensus plus large, il avertit par ailleurs qu’il faudra s’astreindre à travailler à un projet « qui rassemble le plus de Corses possible ». « Il ne s’agirait pas d’obtenir un refus après avoir bien négocié un texte lors de la consultation populaire », note-t-il tout en rappelant en outre que c’est le Parlement qui décidera in fine d’une réforme constitutionnelle. « La politique ce n’est pas l’idéal. Il faut trouver un compromis politique pour que nous obtenions 3/5ème du Congrès », souffle-t-il ainsi. 

Porter la parole des élus communaux

De facto, marquant la volonté d'entendre ce qu'ont à dire l'ensemble des élus, Gérald Darmanin indique tenir cette réunion « pour faire remonter au Président de la République ce qui semble important » aux maires de l’île. « J’ai besoin de vous écouter. Je peux porter votre parole auprès du Président de la République », leur assure-t-il en glissant : « Je sais ce qu’est être maire, de souffrir avec sa commune et de ne pas être toujours entendu ». « Ce n’est pas parce que Gilles Simeoni est l’interlocuteur privilégié qu’il est le seul. Les échanges avec les parlementaires et les maires sont aussi importants », insiste-t-il. Gilles Simeoni renchérira : « Il était important que nous puissions nous parler et écouter ce qu’ont à dire les maires. Nous vivons un moment que nous savons particulièrement important et probablement décisif. Rien ne pourra se faire sans la validation des Corses et la consultation des maires et présidents de communautés des communes ». 
 
Une vision partagée par le président de l’association des maires de Corse-du-Sud Jean-Jacques Ciccolini qui estime que pour construire une réforme constitutionnelle « valable et efficace il faut savoir entendre la base ». « Nous ne méconnaissons pas les enjeux sociaux, démocratiques de cette réforme, mais sans respect des territoires, l’autonomie ne sera pas une forme de progrès pour la Corse ». Son homologue de Haute-Corse, Ange-Pierre Vivoni, le président de l’association des maires de Haute-Corse, appuie pour sa part sur la nécessité d’évoquer avant tout des sujets concrets que les maires doivent gérer au quotidien à l’instar des problématiques d’eau-assainissement, d’ordures ménagères, d’urbanisme ou de crise du logement. « Ce sont des choses que nous devons résoudre. Il va falloir regarder si nous pouvons aller de l’avant à droit constant, ou s’il va falloir modifier la Constitution ». 
 
Derrière eux, une douzaine d’élus communaux prendront tour à tour la parole pour faire valoir leur position sur l’autonomie. À l’instar tout d’abord de la mairesse de Piana, Aline Castellani. « Je ne suis pas sûre que nous ayons besoin d’un statut d’autonomie pour régler les problèmes du quotidien des Corses. Je pense que nous pouvons les régler à droit constant », fait-elle valoir. Le maire de Propriano, Paul-Marie Bartoli, va même plus loin : « Si c’était le texte voté à l’Assemblée de Corse le 5 juillet qui était soumis à consultation, je ferai campagne pour le non car je pense qu’il mettrait la Corse en marge de la République », considère-t-il. François-Xavier Ceccoli, le maire de San Giuliano, relève pour sa part qu’une éventuelle évolution institutionnelle, doit être « un moyen pour tendre vers un objectif ». « Nous serons très vigilants à ce qu’in fine ce soit quelque chose qui soit utile aux Corses et qui leur garantisse une certaine sécurité », annonce-t-il. 

Une nouvelle rencontre avec les maires après la visite présidentielle

Soutien majeur de la majorité présidentielle dans l’île, le maire de Bonifacio, Jean-Charles Orsucci, considère de son côté : « Lors de la venue du Président de la République c’est un évènement important qui va se jouer. Soit on inscrit la Corse dans un nouveau cycle, soit on part à l’aventure et nous ne savons pas où nous allons ». Jean-Christophe Angelini, le maire de Porto-Vecchio, relève en outre « l’espoir qui est né autour de ce processus », en prévenant : « Je pense que nous vivons des heures compliquées, il ne faut pas que cela accouche d’un nouveau problème. La proposition du Président de la République doit réconcilier les Corses autour d’un compromis ». 
 
Loin de se cantonner au seul sujet institutionnel, cette rencontre entre le ministre et les élus communaux sera aussi l’occasion d’évoquer les problèmes auxquels ces derniers sont confrontés au quotidien. Pierre Olmeta, le maire de Bisinchi, évoquera ainsi notamment le social, le médico-social ou encore la difficulté de monter des dossiers pour créer des stations d’épuration avec des dossiers gérés une Agence de l’eau située à Lyon.  Il sera aussi question de santé et de la situation des hôpitaux de Bastia et de Sartène qui seront mise au centre de l’attention durant quelques minutes par les maires des deux communes, Pierre Savelli et Paul Quilicchini, tandis que Jean-Christophe Angelini rappellera les craintes qui pèsent autour de la maternité de Porto-Vecchio et de son éventuelle transformation en centre de périnatalité de proximité. Problématique lancinante sur l’île, la gestion des déchets reviendra également sur le devant, notamment par la voix de Louis Pozzo di Borgo, le président de la Communauté d’Agglomération Bastiaise. 
 
Au terme de près de 3 heures de réunion, assurant avoir entendu les problématiques remontées par les maires, le ministre de l’Intérieur a affirmé que des réponses devront être apportées sur les différents sujet et annonce dans un « en même temps » très macronien : « Il faut plus de libertés locales sur certains sujets et plus d’État sur d’autres ». Gérald Darmanin a en outre pris l’engagement de réunir à nouveau les élus communaux et intercommunaux après la visite du Président de la République, afin de rediscuter, à partir de son discours, sur la base de choses concrètes. Avant d’instiller un dernier message : « Si nous modifions la Constitution et les lois organiques, ce n’est pas que pour la majorité territoriale actuelle. Il faut d’abord que les oppositions et la majorité arrivent à se mettre d’accord ».