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Assassinat d’Yvan Colonna : L’Assemblée de Corse demande à l’unanimité la levée du secret-défense


Nicole Mari le Samedi 28 Janvier 2023 à 10:21

L’Assemblée de Corse a adopté à l’unanimité une motion présentée conjointement par tous les groupes politiques, demandant la levée du secret défense dans le cadre de la Commission d’enquête parlementaire sur l’assassinat d’Yvan Colonna. Cette motion vise à soutenir la démarche engagée en ce sens par les deux députés corses, président et rapporteur de cette Commission.



L'hémicycle de la l'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
L'hémicycle de la l'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
C’est une motion importante dans la recherche de vérité et de justice concernant l’assassinat d’Yvan Colonna, le 2 mars 2022, à la maison centrale d’Arles par un détenu islamiste radicalisé, Frank Elong Abe, qui a été adoptée, à l’unanimité, vendredi matin, en fin de session de l’Assemblée de Corse. Son objectif est de soutenir le président de la Commission d’enquête parlementaire, le député nationaliste de la 2nde circonscription de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva, et le rapporteur, le député Horizons de la 1ère circonscription de Corse du Sud, Laurent Marcangeli, qui, au vu des révélations lors des auditions en cours, ont décidé de demander conjointement la levée du Secret défense concernant le rapport administratif de la DGSI et le rôle exact d’Elong Abe en Afghanistan. « Au vu des premières auditions, on s’aperçoit qu’on dépasse très largement le cadre d’une accumulation de simples maladresses. La chose la plus terrible serait que subsiste, à la fin de cette Commission d’enquête, le doute. Nous disons que le doute n’est pas permis dans cette affaire d’Etat. Trop de zones d’ombre subsistent. Nous demandons la levée du secret Défense. Nous voulons que toute la vérité soit faite et nous ne savons pas à l’heure actuelle, si c’est le chemin pris. Nous le devons à ces milliers de personnes qui sont descendues dans la rue. Nous le devons à la famille d’Yvan Colonna. Nous le devons aussi aux valeurs qui doivent supporter nos démocraties qui sont celles de justice, de vérité et de séparation des pouvoirs », explique Romain Colonna qui présente cette motion initialement déposée par Fa Populu Inseme.
 
La surprise à droite
« Nous voudrions que cette assemblée prenne position collectivement, unanimement, pour montrer que cette assemblée est derrière vous et à vos côtés », lance l’élu de la majorité territoriale à son collègue Jean-Félix Acquaviva qui siège dans le même groupe. L’unanimité ne semble faire aucun doute, vue que la demande est également par l’ancien président du groupe de droite, U Soffiu Novu, pourtant son successeur, Jean-Martin Mondoloni crée la surprise en affichant son scepticisme sur la pertinence de la demande. « Nous voulons réaffirmer ici de façon constante que nous avons une exigence absolue de vérité et que tout ce qui peut concourir à cette exigence absolue de vérité se fera avec notre soutien. Pour autant, je pense qu’il faut éviter toute initiative pouvant parasiter la Commission d’enquête. Je ne suis pas certain que ce texte soit de nature à la renforcer. On ne va pas participer au vote ». Après une suspension de séance et une réécriture conjointe du texte, tous les groupes s’associent à la motion et la votent sans commentaire, avec « le soutien total » du Conseil exécutif.
 

Jean-Félix Acquaviva : « La levée du Secret Défense est une décision politique »

Jean-Félix Acquaviva. Photo Michel Luccioni.
Jean-Félix Acquaviva. Photo Michel Luccioni.
Cette motion fut l’occasion, pour le député Jean-Félix Acquaviva, d’apporter quelques précisions. Il a d’abord confirmé que le président de la Commission d’enquête parlementaire avec le rapporteur « ont le pouvoir » de demander la déclassification de données et que l’ensemble de la Commission agrée cette demande. Et rappelé que « le champ de la commission d’enquête couvre les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire, de l’administration pénitentiaire, la gestion des DPS, le parcours d’Elong Abe et les services de renseignements. Nous ne sommes pas dans le cas d’une procédure judiciaire, mais dans le cas d’une commission d’enquête parlementaire qui a des contre-pouvoirs démocratiques et qui contrôle l’appareil judiciaire. Une initiative politique démocratique, dans le cadre du Parlement, peut recevoir un soutien à travers une motion d’une assemblée territoriale concernée.». Avant de justifier la levée du Secret Défense : « Nous sommes en train d’acter un certain nombre de dysfonctionnements et d’ambiguïtés qui altèrent nos travaux pour la recherche de la vérité. Nous avons la certitude qu’Elong Abe est un haut du spectre des fichiers radicalisés, c’est-à-dire que, parmi les quelques 500 terroristes islamistes emprisonnés dans les prisons françaises - il y en a à peu près 100 qui sortent par an -, il fait partie du haut du pavé. Cette information n’était pas connue, ni par la Commission des Lois, ni, comme nous l’avons vu hier – et c’est ce qui dénote la gravité de la situation - par les inspecteurs de la justice qui ont mené l’inspection de fonctionnement. Ils ont été catégoriques : s’ils avaient été au courant, ils auraient insisté sur le fait que c’était totalement anormal que cet individu - selon les termes de Jean-Louis Daumas, chef de l’Inspection - ait pu accéder à un travail d’emploi général au sein de la prison ». Le député fait aussi état d’autres contradictions et manquements qui inquiètent au-delà de l’agression d’Yvan Colonna : « Il est factuel qu’un certain nombre d’acteurs ont menti devant la Commission des lois sur les incidents de l’individu. Si l’hypothèse du hasard existe et qu’elle est avérée, cela veut dire que le fonctionnement de l’administration pénitentiaire et des services de renseignement est apocalyptique et qu’il y a de quoi s’inquiéter pour les 500 terroristes islamistes parce que le fonctionnement du régalien s’effondre. Il y a aussi l’hypothèse du grain de sable et l’hypothèse de la possibilité de quelque chose de commandité. Nous n’avons pas de religion, nous faisons un travail factuel ». Il est important, ajoute-t-il, que l’assemblée de Corse s’associe, « comme d’autres acteurs le feront », à cette demande pour la renforcer « parce qu’elle est de nature politique. La déclassification est une décision de la Première ministre ».
 

Texte définitif de la motion votée à l’unanimité

L’ASSEMBLEE DE CORSE
REAFFIRME solennellement l’exigence de justice et de vérité pour Yvan
COLONNA ;
SOUTIENT le président, son rapporteur et les députés de la Corse, membres de la Commission d’enquête parlementaire dans leur démarche visant à faire toute
la lumière sur l’assassinat d’Yvan COLONNA ;
DEMANDE, dans le respect des travaux de la Commission d’enquête parlementaire, la levée du secret-défense et donc la déclassification de l’ensemble des documents relatifs à Franck ELONG ABE, de même que toutes les informations détenues par les services de renseignement.