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Affaire Colonna : Une Commission d’enquête parlementaire à l’automne pour faire toute la lumière sur l’assassinat


Nicole Mari le Mercredi 27 Juillet 2022 à 22:31

Comme ils l’avaient annoncé, les trois députés nationalistes corses, Jean-Félix Acquaviva, Michel Castellani et Paul-André Colombani, et six de leurs collègues du groupe LIOT ont déposé officiellement, ce mercredi, une proposition de résolution pour la création d’une Commission d'enquête parlementaire sur l'assassinat d'Yvan Colonna à la centrale d’Arles, le 2 mars dernier. Cette demande intervient la veille de la publication du rapport de l'Inspection générale de la justice. Son objectif est « de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l’administration pénitentiaire et de l’appareil judiciaire qui ont conduit à l’assassinat d’un détenu ».



Yvan Colonna, mortellement agressé à la centrale d'Arles le 2 mars 2022.
Yvan Colonna, mortellement agressé à la centrale d'Arles le 2 mars 2022.
La proposition de résolution pour la création d’une Commission d'enquête parlementaire concernant l'assassinat d'Yvan Colonna, le 2 mars dernier à la centrale d’Arles, a été officiellement déposée mercredi à l’Assemblée nationale. Cette Commission d’enquête parlementaire avait été demandée, dès le 14 mars, par le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, ex-avocat d’Yvan Colonna, douze jours après l’agression mortelle dont ce dernier avait été victime à la prison d’Arles. En accord avec la famille Colonna, il avait saisi cette opportunité que donne la loi pour éviter que l’enquête, confiée au PNAT (Parquet national anti-terrorisme), ne soit « ni étouffée, ni enterrée », avait-il déclaré à l’époque. Le calendrier électoral avait renvoyé sa mise en place après les élections législatives, les trois députés nationalistes corses, Jean-Félix Acquaviva, Michel Castellani et Paul-André Colombani, avaient obtenu que des auditions soient menées immédiatement par la Commission des Lois.
 
Toute la lumière
C’est, donc, ce 27 juillet, que les trois députés corses, assistés de six de leurs collègues du groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) dont le président du groupe et député de la Meuse, Bertrand Pancher, le député du Morbihan, Paul Molac, le député de Saint Pierre et Miquelon, Stéphane Lenormand, la député de Mayotte, Estelle Youssouffa, le député de Guadeloupe, Max Mathiasin, et le député du Nord, Guy Bricout, ont présenté la proposition de résolution « tendant à la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l’administration pénitentiaire et de l’appareil judiciaire ayant conduit à l’assassinat d’un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d’Arles ». Cette proposition se compose d’un article unique : « En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créée une Commission d’enquête, composée de trente députés, chargée d’évaluer les conditions dans lesquelles un détenu, classé détenu particulièrement surveillé, incarcéré à la maison centrale d’Arles le 19 octobre 2019 et placé à l’isolement, a pu bénéficier d’un classement en détention ordinaire, chargé d’un poste d’auxiliaire rémunéré, d’une part, et ne pas être soumis aux étapes de détection de la radicalisation en milieu carcéral, compte tenu de ses antécédents, d’autre part. Enfin, la Commission d’enquête étudiera la genèse et les conditions dans lesquelles le statut de détenu particulièrement signalé a été maintenu pour un détenu ».
 
Dès l’automne
Sa mise en œuvre est, d’ores et déjà, acté, explique Jean-Félix Acquaviva, député de la 2ème circonscription de Haute-Corse. « Cette proposition de résolution a été transmise au bureau de l’Assemblée nationale et est inscrite au Journal Officiel. Une fois que l’Assemblée nationale l’aura juridiquement validée, elle sera transmise à la Chancellerie afin que le ministère donne son avis juridique. La création de la Commission d’enquête parlementaire sera décidée en Conférence des présidents de l’Assemblée nationale en octobre prochain par la manifestation par le groupe "Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires" de ce qu’on appelle « son droit de tirage en la matière ». Les seules étapes administratives sont de l’ordre de la phraséologie par rapport à l’enquête judiciaire en cours. La Commission parlementaire sur l’assassinat d’Yvan Colonna débutera bien cet automne ». Elle durera six mois, c’est la durée obligatoire. « Six mois d’auditions, d’investigations, de demandes de pièces du dossier », précise-t-il. « Les auditionnés font des déclarations sous serment. A l’issue, nous rendrons un rapport. Une Commission d’enquête parlementaire a des pouvoirs, y compris de saisine de justice, si nous constatons des choses qui ne vont pas durant les auditions ou les investigations ». En clair, la justice sera obligée d'en tenir compte.
 
Des zones d’ombres
Dans l’exposé des motifs justifiant la demande d’une Commission parlementaire, les neuf députés insistent sur les conditions obscures et la sauvagerie de l’agression et surtout la facilité avec laquelle l’agresseur, l’islamiste Franck Elong Abé, a pu agir. « L’auteur des faits, codétenu hautement dangereux, est un djihadiste notoire, arrêté en 2012 en Afghanistan par l’armée américaine et remis aux autorités françaises en 2014. Ce dernier possède, de surcroit, un parcours carcéral chaotique au travers de différentes prisons françaises où l’on dénombre de nombreux incidents graves (tentatives d’incendie de cellule, prise d’otage, violences...). C’est pourquoi, après ces cinq années de prison houleuses, il est légitime de s’interroger sur les conditions dans lesquelles les autorités pénitentiaires ont pu décider de l’aptitude de l’intéressé à exercer la fonction d’auxiliaire de service rémunéré. Comment, peu de temps après son arrivée en 2019 à la maison centrale d’Arles, a-t-il pu se retrouver sans surveillance en présence d’un autre détenu, frappé du statut de détenu particulièrement signalé (DPS) comme lui ? », est-il écrit. Franck Elong Abé a été mis en examen pour assassinat terroriste. « Il y a beaucoup de zones d’ombre dans le déroulé des faits et dans la gestion du parcours d’Elong Abé », affirme Jean-Félix Acquaviva.
 
Une clémence ?
Les députés font également remarquer que les premières auditions menées par la Commission des Lois de l’Assemblée nationale en mars dernier du directeur de l’administration pénitentiaire, Franck Ridel, de l’ancienne directrice de la maison centrale d’Arles, Corinne Puglierini, et de l’actuel directeur, Marc Ollier, qui venait à peine de prendre ses fonctions au moment des faits, « n’ont pas permis de saisir réellement la forme de clémence dont a bénéficié l’auteur des faits de la part des dirigeants de l’établissement d’Arles, compte tenu de son parcours. Le journal Le Monde, dans son édition du 5 avril 2022, révèle des éléments prouvant que l’administration pénitentiaire a dissimulé, lors des auditions, plusieurs sanctions dont a fait l’objet l’auteur du meurtre durant son incarcération à Arles. Des documents internes de l’établissement pénitentiaire répertorient notamment 29 incidents violents. C’est pourquoi, compte tenu des zones d’ombre qui sont apparues au fil du temps, une commission d’enquête parlementaire est nécessaire pour établir toute la vérité et la justice sur les faits commis. L’objectif de la création de cette Commission d’enquête est donc d’y contribuer, notamment en ce qui concerne les éléments et capacités de
détection et /ou de dissimulation de l’assassin dans les mois qui ont précédés
la commission des faits, tout en revenant sur la genèse du statut de Détenu
particulièrement signalé attribué à Yvan Colonna
 ».
 
De la vigilance
Ce n’est pas un hasard si le dépôt de la résolution intervient la veille de remise à la Première Ministre, Elisabeth Borne, du rapport de l'Inspection générale de la justice. « On a officialisé la proposition de résolution la veille de la publication du rapport de l’Inspection générale de la justice pour montrer que la vigilance parlementaire suit les enquêtes internes parce que le rapport de l’Inspection générale de la justice est de l’ordre de l’enquête interne », confirme le député Acquaviva. Cette « inspection de fonctionnement » avait été décidée, dès le lendemain de l’agression mortelle. « Elisabeth Borne va se charger de communiquer ce rapport, d’abord, à la justice - la famille d’Yvan Colonna y aura évidemment accès – et, ensuite, publiquement », avait annoncé le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer, Gérald Darmanin, la semaine dernière lors de sa visite dans l’île. Concernant l’enquête parlementaire, il avait déclaré dans un entretien vidéo à CN I : « Le gouvernement n’a rien à cacher. Tout le monde répondra, c’est une obligation constitutionnelle, à toutes les questions des parlementaires.  Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’endroits dans le monde où sur le même fait, un fait ignoble, l’assassinat d’Yvan Colonna, que j’ai moi-même qualifié, de terrorisme islamiste - Il y a un gros doute que ce soit un vrai assassinat terroriste islamiste - il y ait trois enquêtes, administrative, judiciaire et peut-être parlementaire. Toute la vérité sera connue pour tous les Corses et tous les Français ». Aucune nouvelle, par contre, n'a filtré, pour l’instant, de l’enquête judiciaire.
 
N.M.