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Gilles Simeoni : « Une enquête parlementaire est le seul moyen pour que l’affaire d’Yvan Colonna ne soit pas étouffée »


Nicole Mari le Lundi 7 Mars 2022 à 21:05

Le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, réagit à la conférence de presse du PNAT (Parquet national anti-terrorisme) concernant la tentative d’assassinat d’Yvan Colonna. Il explique à Corse Net Infos qu’il n’a aucune confiance dans les enquêtes en cours et que le seul moyen de savoir la vérité est une enquête indépendante. Pour lui, le seul responsable de la violence est l’Etat et le seul moyen de désamorcer la tension est d’obtenir la vérité, le rapprochement des prisonniers et une solution politique globale. Il lance un appel à tous les Corses pour œuvrer à l’apaisement.



Le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, à la manifestation, dimanche à Corti, en compagnie de la présidente de l'Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis. Photo Michel Luccioni.
Le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, à la manifestation, dimanche à Corti, en compagnie de la présidente de l'Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis. Photo Michel Luccioni.


- Qu’avez-vous pensé de la conférence de presse du PNAT ?
- Cette intervention du PNAT pose beaucoup plus de questions qu’elle n’apporte de réponse. J’en retire deux aspects essentiels. Le premier porte, d’abord, sur l’auteur des faits et son mobile qui est à vérifier. Le Parquet présente le blasphème et le mobile terroriste comme un fait acquis, mais ce n’est pas parce que l’auteur des faits le dit que c’est vrai. C’est, donc, à vérifier. Ensuite, par quel cheminement, l’agresseur en est-il arrivé là ? Beaucoup de questions se posent. Le deuxième aspect porte sur le déroulement des faits avec la confirmation que la scène a duré, en elle-même, huit minutes et que c’est l’agresseur, lui-même, qui a donné l’alerte. Comment cette tentative d’assassinat a-t-elle pu se passer dans ces conditions-là ? C’est totalement antagoniste avec le fonctionnement normal d’un établissement pénitentiaire ultrasécurisé et avec le statut de DPS des deux prisonniers. Comment l’agresseur a-t-il pu être auxiliaire dans ces conditions ? Il n’y a pas de réponse.
 
- Est-ce pour cela que vous réitérez avec force votre demande d’enquête parlementaire ?
- Oui ! Quand on a l’expérience et l’histoire que l’on connait notamment en Corse, aussi bien en matière d’enquêtes administratives que d’enquêtes menées par l’Antiterrorisme, on sait la nécessité d’un regard impartial et indépendant. Ma demande d’une Commission d’enquête parlementaire, qu’elle émane de l’Assemblée nationale ou du Sénat, ou des deux, est encore fortement confortée dans sa légitimité et dans sa nécessité par ce qui a été dit et ce qui n’a pas été dit par le Parquet antiterroriste, hier. Cette enquête parlementaire est le moyen principal que l’on a d’obtenir que l’affaire ne soit ni enterrée, ni étouffée. Même si avec une enquête parlementaire, on n’aura pas de garantie d’obtenir la vérité, ce qui est sûr, c’est que sans enquête parlementaire, on ne la saura jamais !
 
- Le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, dit qu’il n’est pas opposé au principe, mais l’a renvoyée en juin. Comment réagissez-vous ?
- Avec le député Jean Félix Acquaviva, nous lui avons fait savoir que ce n’était pas possible d’attendre juin. Nous regardons s’il y a une possibilité technique de réunir une Commission à l’Assemblée nationale, dans les délais, parce que le temps est un facteur fondamental. Nous travaillons sur l’option d’une enquête diligentée par la Commission des lois avec des auditions, comme cela a été fait pour le scandale Orpéa, où elle s’en est saisie de suite. Cela avance bien. De son côté, le sénateur Paulu Santu Parigi, avec la sénatrice des Bouches-du-Rhône, Marie-Arlette Carlotti, a déjà déposé une demande au Sénat. Comme le Sénat n’est pas renouvelé, il peut mettre en place une Commission. De toute façon, je maintiendrais ma demande qu’une instance indépendante puisse venir investiguer, en dehors de l’enquête administrative et de la justice antiterroriste auxquelles je ne fais absolument pas confiance.
 
- Quelle est votre réaction après la manifestation de dimanche à Corti et les incidents qui l’ont émaillée ?
- Cela a été une mobilisation extraordinaire, sans précédent, à l’initiative des syndicats étudiants et de la jeunesse. L’ampleur de la participation et la diversité des gens qui étaient là montrent bien que c’est le peuple corse tout entier qui est, à la fois, bouleversé et scandalisé par cette affaire. Quant aux incidents, on est aujourd’hui dans une logique de tension qui, malheureusement, part de loin, qui a été installée et renforcée par l’attitude de l’État depuis des années et surtout depuis des mois. Cette affaire de tentative d’assassinat d’Yvan est, aussi bien, dans sa genèse, dans son déroulement que dans ce qui s’est passé depuis, un facteur d’aggravation considérable. Aujourd’hui, la situation est tendue à l’extrême. Le seul moyen de désamorcer durablement cette tension est, d’abord, d’obtenir la vérité, la justice, l’application du droit, le rapprochement immédiat des prisonniers, et, plus globalement une solution politique, que la démocratie soit respectée et le suffrage universel, pris en compte.
 
- Vous avez lancé un appel à la société corse et à tous les autres groupes politiques. Pourquoi ?
- J’ai lancé un appel solennel à la société corse toute entière. Et, j’ai pris l’initiative de proposer à la présidente de l’Assemblée de Corse, au CESEC et aux présidents de groupes de réunir tous les acteurs, l’ensemble de la société civile, l’université, la jeunesse, les associations, les groupes culturels, les autorités morales… tout ce qui compte dans l’île pour essayer de tout faire que la Corse ne bascule pas dans une logique de violence et d’affrontement. Mais pour que nous soyons entendus, il faut que l’Etat renonce à sa politique funeste qui nous conduit dans le mur. La balle est dans son camp.
 
- Vendredi, vous n’aviez eu aucun contact avec le gouvernement. En avez-vous eu depuis ?
- Non ! La tentative d’assassinat a eu lieu mercredi matin, et je n’ai toujours eu aucun contact avec un quelconque membre du gouvernement.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.