"Ce que nous apportons avant tout, c'est un éclairage" indique Eugène Gherardi, le directeur de l'UMR LISA au sein de l'université de Corse. Pour lui, la tribune des jeunes chercheurs sert de tremplin, aussi bien pour les doctorants qui feront leur première apparition publique pour certains, que pour démontrer l'utilité des disciplines qu'ils étudient sur des problématiques actuelles. "Nous voulons montrer que sur une question d'actualité comme celle du réchauffement climatique, les sciences humaines et sociales telles que l'histoire, l'anthropologie ou encore la géographie peuvent apporter de la profondeur et un regard neuf sur le sujet. Grâce à ces tribunes, les doctorants ont la possibilité d'exposer toutes les données utiles à la prise de décisions".
Les chercheurs choisis pour monter sur scène sont en pleine rédaction de leur thèse, et le sujet sur lequel ils interviennent en représente une infime partie. Pour autant, si aux yeux du grand public, les sciences humaines et sociales peuvent être perçues comme moins légitimes que les sciences "dures" pour répondre à ces questions, leur réflexion peut servir de support à d'autres disciplines. "L'histoire par exemple, ne sert pas qu'à raconter le passé, elle offre aussi la possibilité de trouver, non pas des réponses aux questions que nous nous posons actuellement, mais de savoir comment les anciennes sociétés ont fait pour s'adapter et résoudre des problèmes qui peuvent apparaître comme similaires aux nôtres", souligne le président de l'UMR LISA.
Les chercheurs qui participeront à cette manifestation seront mis en avant dans la publication annuelle de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, qui paraîtra dans le courant de l'année 2023. "Cette tribune est un bon moyen pour les chercheurs de se faire connaître localement, ce qui n'est pas toujours évident. Le défi pour ces doctorants est de communiquer sur des travaux qui sont en cours d'élaboration, et de prouver que même en sciences humaines et sociales, les chercheurs ne sont pas déconnectés de l'actualité", conclut Eugène Gherardi.
- La Société des sciences historiques et naturelles de la Corse vous a demandé d’aborder le sujet des grands changements qui traversent notre société. De quelle manière allez-vous décliner ces thématiques dans La Tribune des jeunes chercheurs?
- L'idée de la Tribune des jeunes chercheurs, c'est vraiment d'exposer les éléments du futur projet du laboratoire UMR LISA. Parmi les sujets sur lesquels nous travaillons, il y a la nature qui s’inscrit dans les sciences humaines, mais également ce qui concerne ces différents terrains que sont l’évolution de la ruralité, l’agriculture ou l’autonomie alimentaire. Notre travail consiste à mieux penser le rapport entre la culture, le patrimoine et l'histoire que les anciens nous lèguent et voir quels éléments de ce patrimoine culturel peuvent nous aider à envisager des solutions pour l'avenir de la Corse dans la Méditerranée.
- Pour cette 14e tribune des jeunes chercheurs, vous avez choisi de baser votre intervention sur le « contrat naturel » pour la Corse à l’heure des grands changements climatiques. Qu’est-ce que vous entendez par là?
- Pour le contrat naturel, je m’appuie sur l'ouvrage éponyme écrit par le philosophe Michel Serres. Selon lui, en tant qu’humain, nous nous servons de la nature, à tel point que nous la sacrifions en l’exploitant intensivement. La nature est un élément que nous transformons, mais qui, à mesure que nous la modifions, nous oblige à reconsidérer notre rapport vis-à-vis d'elle. Nous devons absolument voir les choses d'une manière globale, car ce qui touchera la Corse ne nous concerne pas uniquement. Par exemple, l’ouragan qui s'est formé en Méditerranée l'année dernière à cause de la hausse des températures n'est pas imputable à la Corse, c'est un élément global dû au réchauffement climatique qui nous affecte localement, il faut donc changer d'échelle et repenser la localité dans un ensemble plus vaste.
- Selon vous, que devrions-nous changer pour que l’île réussisse ce « contrat naturel » ?
- Pour que ce contrat naturel s’opère, nous devons comprendre qui nous sommes et ce qui nous entoure. Il est primordial de renouer un lien avec notre passé car il nous disait beaucoup de choses. Il faut savoir prendre soin de nos espaces forestiers, aménager les territoires sur le même modèle que nos anciens, revenir au sens des mots afin de mieux comprendre ce qu'était la dynamique de la Corse d'antan. En somme, nous devons revenir à cette culture ancestrale qui nous confère des savoirs sur la nature et qui ne nous en sépare pas.
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