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​Scontri di i territorii : « La ruralité peut définir de nouvelles perspectives »


Laurent Hérin le Samedi 23 Mars 2024 à 10:28

Ce 18 mars, s’est tenu, au Campus Mariani de l’université de Corte, une journée d’étude autour de l’art dans la ruralité. A l’heure de profondes mutations territoriales, ces rencontres ont permis de faire le point sur les structures en place, les développements et les innovations à venir



La table ronde du matin rassemblait plusieurs acteurs culturels de l'île © LH
La table ronde du matin rassemblait plusieurs acteurs culturels de l'île © LH
« La culture dans le territoire est au cœur des prérogatives de l’Université » lance Davia Benedetti, maître de conférences, chercheuse, anthropologue et artiste. Cette dernière représente le président de l’Université de Corse. Elle poursuit : « Quand on pense rural, on pense à la désertification. Plusieurs problématiques persistent : le transport, comment amener l’offre culturelle dans ces territoires reculés, etc. » Elle évoque également le poids d’Internet qui modifie notre rapport au territoire et à la culture. « La culture identitaire et artistique change. Homme nature, homme, société. C’est un sujet riche pour grande journée » conclut-elle avant de laisser la parole au cortenais Petru Anto Filippi militant associatif impliqué dans l’association Praticalingua : « La Corse est éminemment rurale. Or, la ruralité est souvent associée à un désert culturel. Au-delà de l’aspect saisonnier, il y a un impact pérenne de la culture qui peut transformer durablement le territoire. C’est à intégrer dans nos politiques culturelles. »

« La culture, c'est la règle, l'art, c'est l'exception »

Josepha Millazo et Fabien Danesi se lancent dans un chjami e rispondi © LH
Josepha Millazo et Fabien Danesi se lancent dans un chjami e rispondi © LH
Avant la première table ronde du jour, Josepha Millazo, géographe diplômée d'Aix-Marseille et Fabien Danesi, directeur du FRAC de Corse, se lancent dans un "chjami e rispondi". L’occasion de soulever plusieurs questions autour de l’art et la ruralité : comment lier le local et le global, avec des vases communicants ? Comment rendre attractifs les espaces ruraux ou encore, comment l’art permet le développement territorial ? « Ce n’est pas un problème de statut, mais d’échanges territoriaux » insiste Fabien Danesi avant de citer Jean-Luc Godard : « La culture, c'est la règle, l'art, c'est l'exception. » Le directeur du FRAC poursuit : « Il faut penser la logique économique et la question de la crise climatique. Il va falloir savoir délaisser les anciens modèles de types urbains. La ruralité peut définir de nouvelles perspectives. » A ses yeux, la Corse est un territoire urbain l’été et rural l’hiver, qui se contracte pendant l’automne et pendant l’hiver. « En arrivant ici, on ne pense pas cette temporalité. On est, avec la Corse, au cœur d’une contradiction » conclut-il avant de laisser la parole aux intervenants de la première table ronde animée par Evelaine Fontana. Plusieurs intervenants se relayent à la tribune : Ariane Brioist, chargée de mission à l’école des arts décoratifs de Paris, l’artiste Laetitia Carlotti, Amandine Joset-Battini, photographe anthropologue ou encore Geneviève Lodovici, coordinatrice de la fabrica culturale Casell’arte à Venaco, Marie-Paule Santini, administratrice de CNCM Voce à Pigna et Antoine Viviani de la fabrica culturale Providenza dans le Nebbiu. Chacun à leur tour, ils présentent leurs structures, les actions mises en place et les enjeux de demain qu'ils s'apprêtent à relever.

« Agissons sur le territoire »

Des moments de détente et d'échanges entre les tables rondes © LH
Des moments de détente et d'échanges entre les tables rondes © LH
Si l'absence des élus est évoquée à plusieurs reprises, la directrice de la culture, Andrée Gouth-Grimaldi a bien fait le déplacement et assiste à tous ces échanges. C’est aussi Jean-Joseph Albertini, enseignant en Arts à l’Université de Corse, qui apporte sa pierre à l’édifice en détaillant la résidence, « Créer à partir du territoire », pensée autour de l’exploration des matériaux endémiques. Chacun constate qu'il existe « une constellation de projets dans toute la Corse », comme le souligne Antoine Viviani, mais prend aussi conscience qu'il faut s'appuyer sur le collectif.
Un discours également porté par les intervenants de l'après-midi qui engagent le débat autour de la communication et de la médiation. La table ronde « Partager, diffuser et rayonner » accueille Alain Di Meglio, enseignant, Dominique Marcellesi, Liza Maignan, commissaire d’exposition et autrice, Élodie Pinet, enseignante en Arts, Marie-Laure Poveda, directrice de l’Aria et Jean-Sébastien Steil, directeur du centre culturel "Les arts de lire" à Lagrasse. Ce dernier expose, à travers le cas précis de son association, les sept différences entre le rural et l'urbain.
Les échanges se poursuivent avec la dernière table ronde de la journée qui rassemble Benoît Regent, maître de conférences à l'Université Côte d’Azur, François-Aimé Arrighi, directeur de l’EHPAD de Vicu et du FAM de Guagnu, Raphaël Besson, directeur de Villes Innovations, Marie-Flora Sammarcelli du Festival du film de Lama et l'artiste David Raffini. Après avoir, eux aussi, présenté leurs structures ou leur travail, ils échangent autour des « dynamiques artistiques en milieu rural et développement territorial. » L'occasion, pour un des participants, de rappeler que « nous ne sommes pas sur un domaine porteur puisque seulement 2 % des touristes avouent venir en Corse pour ses musées, loin, très loin derrière le patrimoine naturel. »
Tout au long de cette journée, plusieurs acteurs culturels présents dans le public amènent leurs lumières comme Francis Marcantei du Tavagna club ou Tony Casalonga. Ce dernier cite une des figures de la littérature portugaise, Miguel Torga : « Qu’est-ce que l’universel ? C’est le local moins les murs. » Une citation sur laquelle rebondit Fabien Danesi : « Ce qui me plaît dans cette journée, c'est que l’art n’a pas été réduit à l’objet. C’est avant tout des pratiques et des expériences. La possibilité de cheminer de manière alternative par rapport à d’autres pratiques capitalistes, touristiques, etc. Se joue dans les interstices de nos territoires, la possibilité de l’émancipation. »
Cette rencontre se termine par une visite, très à propos, de l’exposition du Frac, A terra di u Cumunu (lire ici). A la fin de la journée, tous veulent voir plus loin et s’accordent à dire qu’il y avait une vraie nécessité à discuter de cette thématique : « Il faut s’appuyer sur la culture pour développer un territoire, communiquer et mesurer l’impact de l’action culturelle mise en place. Mesurer les défis qui nous attendent et comment appréhender ces grandes transitions, notamment écologiques. Nous ne sommes pas en retard, nous ne sommes pas illégitimes. Il faut penser un nouvel espace de création dans un monde qui décélère. L’art et la ruralité, c’est l’avenir ! »