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Le protoxyde d'Azote, le gaz hilarant qui attire les jeunes corses


Livia Santana le Vendredi 27 Mai 2022 à 20:07

Depuis deux ans, le protoxyde d'Azote connu dans les boîtes de nuit de l'île comme "le ballon", est une "drogue" qui procure un effet euphorisant et qui est très prisée des jeunes corses. Mais sa consommation peut entraîner des séquelles neurologiques et cardiovasculaires. Il y a quelques jours, une bastiaise de 19 ans a été victime d'un grave malaise après en avoir consommé. Core in Fronte est monté au créneau pour dénoncer l'usage de ce gaz et organise une manifestation ce samedi 27 mai sur la place du marché de Bastia à 11h30



Photo : gendarmerie de Corse
Photo : gendarmerie de Corse
Il y a un peu moins de cinq ans, le protoxyde d’azote était connu pour son usage médical, lors d'anesthésies au bloc opératoire, ou culinaire. Ce gaz est contenu dans les siphons à Chantilly pour former une mousse aérienne et onctueuse.Depuis quelque temps, les jeunes ont détourné son utilisation pour « s’amuser » en soirée et ressentir un effet « délirant » l’espace de quelques secondes. Cela fait environ 4 ans que « les ballons » de gaz hilarant qui procurent un effet euphorisant sont vendus au prix de 10 euros dans certains établissements festifs de nuit de l’île. 

Pourquoi ce terme de ballons ? 

Tout simplement, car ce gaz est d’abord propulsé dans un ballon gonflable pour être ensuite inhalé. Il provoque une sensation d’ébriété, euphorisante, une distorsion auditive et visuelle qui s’effacent au bout de moins d’une minute. La courte durée des effets secondaires et la légalité de son achat minimisent la gravité de sa consommation, pourtant des risques importants pour la santé existent.
Il y a une semaine, à Bastia, une jeune de 19 ans a été victime d’un grave malaise et de convulsions après avoir inhalé du protoxyde d’azote en soirée. La jeune femme a été hospitalisée mais n’a pas porté plainte contre l’établissement où se vendaient les ballons. Toutefois, sa famille a alerté le parti politique Core in Fronte qui a tenu à dénoncer publiquement ce phénomène de plus en plus présent en Corse. « Nous demandons aux patrons de bar d’arrêter de cautionner la vente de ballons dans leurs établissements. Cela met en danger notre jeunesse, cela démocratise la drogue, il faut que cela s’arrête », lance Félix Benedetti membre du parti.
 
Quels risques ?
 
Pour le moment, il semblerait que les accidents graves liés à la consommation de protoxyde d’azote soient peu nombreux sur l'ile. Aux urgences de l’hôpital d’Ajaccio, le phénomène est encore peu connu des médecins. « Je n’ai pas encore eu de cas », assure le docteur Tuls, urgentiste à la Miséricorde.
Pourtant, des risques immédiats existent. Selon le site du gouvernement drogues.gouv cela peut causer par exemple : un manque d’oxygène, une perte de connaissance, une brûlure par le froid du gaz expulsé, de la désorientation, des vertiges et des chutes. En cas de consommations répétées et à intervalles rapprochés et ou à fortes doses cela peut causer de sévères troubles neurologiques, hématologiques, psychiatriques ou cardiaques. A noter que sa consommation associée à d’autres produits comme de l’alcool ou d’autres drogues augmentent les risques.
 
Légal ou pas ?
 
La consommation de cette drogue est devenue de plus en plus intense durant la crise Covid. Sur le continent, les jeunes se procuraient légalement des douilles de gaz dans les magasins de cuisine spécialisés ou sur internet pour les consommer lors de fêtes privées ou sur la voie publique. C’est cette amplification du phénomène qui a d’ailleurs poussé les parlementaires à se saisir de la question en juin 2021. Avant cette date, un flou juridique existait autour de l’achat et de la consommation du protoxyde d’azote. Depuis près d’un an, la loi interdit d’une part de « vendre ou d'offrir du protoxyde d’azote aux mineurs, quel que soit le conditionnement, dans tous les commerces ; les lieux publics et sur internet. » La violation de cette interdiction est punie de 3 750 € d'amende. D’autre part, il est interdit de « provoquer un mineur à faire un usage détourné d'un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs ». Cette fois, l’amende s’élève à 15 000 €. La vente de protoxyde d’azote a aussi été interdite dans les débits de boissons et les débits de tabac (3 750 € d'amende).
 
 
Qu’est-ce qui est fait en Corse ?
 
Pour freiner la consommation de cette drogue, certaines grandes communes comme Marseille, Nancy, Annecy, Toulouse et plusieurs d’Ile-de-France ont pris avant que la loi sorte un arrêté municipal pour interdire la vente du « proto » aux mineurs ainsi que la consommation de ce gaz sur la voie publique. En Corse, aucune municipalité n’a pris cette mesure. « Nous n’avons pas observé, pour l’instant, de phénomène de masse comme cela peut être le cas dans d’autres villes », assure la mairie de Bastia. En Corse, le phénomène semble contenu aux établissements de nuit. Les services de police veillent tout de même à sensibiliser collégiens et lycéens quant à l’usage de cette substance. « Cela fait partie de notre plan de prévention contre l’usage des drogues », précise Laetitia Prignot, directrice adjointe de la sécurité publique.