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Pierre Alessandri : La Cour de cassation casse le jugement d’appel et statue en faveur de la semi-liberté


Nicole Mari le Mercredi 26 Octobre 2022 à 18:28

La Cour de Cassation vient de casser la décision de la Cour d’appel de Paris concernant le refus de semi-liberté de Pierre Alessandri en septembre dernier. Elle estime que l’argument invoqué de « troubles à l’ordre public » n’est pas justifié et qu’il viole les principes de liberté conditionnelle. Une nouvelle audience d’appel menée par des juges différents devrait intervenir dans les deux mois.



Pierre Alessandri : La Cour de cassation casse le jugement d’appel et statue en faveur de la semi-liberté
C’est une victoire incontestable pour Pierre Alessandri. La Cour de cassation a, ce mercredi, cassé le jugement en appel qui avait rejeté, le 29 septembre dernier, sa demande de liberté conditionnelle pour motif principal évoqué de « troubles à l’ordre public » que constituerait sa libération. C’est des cinq motifs avancés, celui que la Chambre d'application des peines avait retenu, il y a un an, en octobre 2021, pour justifier le maintien en détention des deux derniers détenus du commando Erignac, condamnés à la perpétuité, incarcérés depuis 23 ans et libérables depuis six ans. La Chambre d’application des peines estimait que cette libération conditionnelle serait « susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public, qui ne peut être envisagé sous le seul prisme de la région Corse, mais qui doit aussi être apprécié au regard des actions violentes de nature terroriste perpétrées encore à ce jour pour d'autres causes sur le territoire français ». Pierre Alessandri s’était immédiatement pourvu en cassation.
 
Un motif injustifié
La Haute-Cour de justice vient de lui donner raison en cassant le motif de « troubles à l’ordre public » et en rappelant les critères de la libération conditionnelle, affirmant que ces critères ne peuvent être écartés qu’avec des arguments complets et objectivés. « En se déterminant ainsi, par des motifs principalement tirés de la nécessité de préserver l’effectivité de la peine prononcée, et de l’insuffisante durée de la peine accomplie, étrangers aux efforts de réadaptation et de réinsertion du demandeur, ainsi qu’à son projet professionnel, et sans caractériser, de manière concrète, que sa mise en liberté serait, en elle-même, de nature à causer un trouble grave à l’ordre public, la Chambre d’application des peines n’a pas justifié sa décision », écrit-t-elle dans son arrêt. Autrement dit, la Cour de cassation estime que le projet de semi-liberté de Pierre Alessandri de travailler en journée dans une exploitation agricole et de retourner dormir, le soir, à la prison de Borgu est tout à fait recevable sur le plan des critères et que la Chambre d’application des peines n’explique pas pourquoi elle le rejette.
 
Des critères illégaux
« C’est une énorme satisfaction ! Cette décision confirme ce que nous avons toujours dit, à savoir que la motivation de la décision de la Cour d’appel pour refuser la libération conditionnelle à Pierre Alessandri ne convenait pas. Les critères invoqués n’étaient pas des critères légaux, ce sont des critères qui n’ont rien à voir avec l’application des peines et l’obligation d’accorder ou non un aménagement de peine pour un détenu. Ce sont des critères que la Cour d’appel a rajouté à la loi. C’est clairement ce que dit la Cour de cassation », se félicite Me Eric Barbolosi, avocat de Pierre Alessandri. Il salue « le travail considérable et fondamental sur ce dossier » de Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. « Ce deuxième pourvoi en cassation rebat toutes les cartes parce que sa motivation est extrêmement claire. Désormais les juges d’appel devront trouver d’autres motifs que les critères de « troubles à l’ordre public » et « d’effectivité de la peine ». La Cour de cassation, dans sa motivation, a clairement déterminé les critères qui doivent être pris en compte et ceux qui ne doivent pas l’être. Et les critères de la Cour d’appel ne sont pas des critères objectifs à prendre en compte pour savoir si oui ou non on doit accorder la libération conditionnelle. C’est fondamental parce que ce sera très compliqué pour la Cour d’appel de justifier un nouveau refus, il va falloir qu’elle trouve d’autres motivations. Ce que l’on dit depuis des années est avéré, c’est une victoire de ce point de vue-là », déclare Me Barbolosi.
 

Pierre Alessandri. Photo archives CNI.
Pierre Alessandri. Photo archives CNI.
Un arrêt important
L’arrêt de la Cour de cassation est d’autant plus important que c’est « un arrêt dit de section », c’est-à-dire que dix magistrats ont statué, et que cet arrêt fait donc autorité dans la hiérarchie des arrêts de cassation. Il a vocation à être publié. « C’est un arrêt important, ce n’est pas un arrêt qui a été pris à la légère. Il y a des critères d’importance des arrêts de la cour de cassation. J’espère très sincèrement que cet arrêt fera partie des arrêts qui feront l’objet d’une publication au bulletin officiel. Il devrait faire ensuite jurisprudence », indique Me Barbolosi. La conséquence directe est qu’un nouvel audiencement concernant la demande de Pierre Alessandri devait être programmé très rapidement. « Je ne sais pas dans quel délai, mais en principe les audiencements en Cour d’appel en matière de libération conditionnelle sont relativement brefs, peut-être dans les deux mois », précise son avocat. Cela, sans qu’aucune nouvelle évaluation soit nécessaire. Si la Cour de cassation n’avait pas infirmé le jugement d’appel, Pierre Alessandri aurait été obligé de retourner en centrale sur le continent pour refaire une nouvelle demande de libération conditionnelle, ce qui revenait à le renvoyer au point de départ.
 
Une victoire encourageante
« C’est une victoire judiciaire extrêmement importante, d’autant que les cassations sont rares statistiquement », se réjouit Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse. « La Cour de cassation, qui est la plus haute juridiction française, a sanctionné la décision par laquelle la Cour d’appel a cru pouvoir justifier le maintien en détention de Pierre Alessandri. C’est, premièrement, un double désaveu sur le principe de l’arrêt et sur la motivation retenue. Deuxièmement, cela signifie qu’il va y avoir rapidement une nouvelle audience. Si le droit est appliqué de façon loyale, notamment sur les documents qui disent la réalité de la situation en Corse, c’est-à-dire que le trouble à l’ordre public est généré par le maintien en détention et pas par la liberté comme on l’a dit dans la motion que nous avons votée à l’unanimité à l’Assemblée de Corse, le 30 septembre dernier, nous avons toutes les raisons d’espérer que l’on va enfin venir à l’application du droit, c’est-à-dire la semi-liberté. Et si c’est bon pour Pierre Alessandri, c’est bon pour Alain Ferrandi. C’est un élément très encourageant ».
 
Une suite positive
Une satisfaction partagée pour Jean-Baptiste Arena, conseiller territorial du groupe Core in Fronte : « Selon les premières informations que nous avons eu par la famille et les avocats de Pierre Alessandri, c’est une très bonne nouvelle qui augure d’une suite enfin positive. Les nouveaux juges d’appel, qui seront désignés, ne pourront plus reprendre les mêmes motifs de risque de « trouble à l’ordre public », systématiquement invoqués pour refuser la libération conditionnelle de Pierre Alessandri et d’Alain Ferrandi, puisque ces arguments ont été infirmés par la Cour de cassation. Ils ne peuvent non plus revenir sur les autres motifs qui ont été délaissés par la Cour d’appel. Nous attendons maintenant la date de la nouvelle audience et nous espérons que le même arrêt sera rendu dans le cas d’Alain Ferrandi qui s’est aussi pourvu en cassation ». L’élu indépendantiste espère que la loi sera enfin appliquée et que rien n’empêchera plus la libération des deux détenus.
 
L’espoir d’une libération
Un espoir dont se fait également écho la Ligue corse des droits de l’Homme, dans un communiqué : « En annulant le refus d’aménagement de peine de Pierre Alessandri, la Cour de cassation dit enfin la loi. En effet, dans son arrêt, elle observe que « sans caractériser, de manière concrète, que sa mise en liberté serait, en elle-même, de nature à causer un trouble grave à l’ordre public, la Chambre criminelle des peines n’a pas justifié sa décision ». En résumé, la Cour de cassation s’oppose à la décision arbitraire de la Chambre criminelle. Désormais, il revient à la Cour d’appel de statuer dans un délai de deux mois. Il semble aujourd’hui difficile qu’elle puisse refuser une libération conditionnelle de Pierre Alessandri, sauf à vouloir s’entêter et ainsi résister par quelque moyen artificiellement invoqué, à l’arrêt de la Cour de cassation et donc à la loi. La Ligue des droits de l’homme ose espérer qu’il n’en sera pas ainsi ».

Une solution politique
Satisfaction enfin du côté du PNC qui « prend acte avec intérêt » dans un communiqué de cette décision judiciaire : « La Cour de cassation vient, ce jour, de décider que la demande de liberté conditionnelle de Petru Alessandri devait être réexaminée. U Partitu di a Nazione Corsa prend acte avec intérêt et satisfaction de cette décision. Si pour l'heure, nous demeurons prudents, nous la saluons et en appelons encore une fois à la libération de Petru et plus globalement, de tous les prisonniers politiques. Cette opportunité peut s'inscrire dans la démarche voulue par les élus de la Corse, aux fins de reprise d'un dialogue sincère et de la construction d'une solution politique. Pour le PNC, le temps de la liberté et de la paix est clairement venu. Construisons-les, enfin ! ».
 
Une émotion unanime
L’annonce du énième refus de la demande de liberté conditionnelle de Pierre Alessandri avait suscité l’émotion et la colère dans l’île, entrainé la suspension de la session de l’Assemblée de Corse des 29 et 30 septembre dernier et le vote à l’unanimité d’une position commune de protestation, déclarant que c’était le maintien en détention de Pierre Alessandri et d’Alain Ferrandi qui était fauteur de troubles et non le contraire. « LAssemblée de Corse et le Conseil exécutif de Corse considèrent que cest au contraire aujourd’hui le maintien en détention de Pierre Alessandri, comme celui dAlain Ferrandi, qui pourraient être générateurs dun tel trouble », déclarait le communiqué. Les deux détenus avaient été transférés à Borgu après l’assassinat d’Yvan Colonna par un détenu islamiste à la centrale d’Arles en mars dernier. Le refus de la libération conditionnelle de Pierre Alessandri avait également porté un sérieux coup d’arrêt au processus de discussion sur l’autonomie engagé avec l’Etat en juillet dernier, à la suite du drame d’Arles et de la crise qui lui a succédé, et annulé la visite dans l’île du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, les 6 et 7 octobre derniers. La balle est, donc, désormais, dans le camp de l’Etat puisque la Chambre d’application des peines s’est appuyée sur un rapport du Ministère de l’Intérieur qui pointait ces fameux « troubles à l’ordre public » et que ce dernier a les moyens de réactualiser les pièces produites qui ne tiennent pas compte de la réalité actuelle de la situation en Corse.
 
N.M.

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