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Farinole : Elus et associations soutiennent Jean-Luc De Marco


Nicole Mari le Samedi 4 Mai 2013 à 17:34

Le rassemblement de soutien à Jean-Luc De Marco, 2ème adjoint de la commune de Farinole, en Haute-Corse, où il est élu depuis 20 ans, membre de l’association « Un Soffiu Novu » et adhérent d’U Levante, a été l’occasion pour les élus et les militants associatifs présents d’exprimer leurs inquiétudes sur les pressions spéculatives dont ils sont l’objet. Ils ont affirmé, fermement et uniment, la nécessité d’une solidarité sans faille avec les élus et les citoyens menacés et leur détermination à poursuivre leur combat pour un développement maîtrisé et soucieux de l’environnement.



Plus d'une centaine de personnes, vendredi soir, sur la place de l'église de Farinole pour soutenir Jean-Luc De Marco
Plus d'une centaine de personnes, vendredi soir, sur la place de l'église de Farinole pour soutenir Jean-Luc De Marco
Ce sont trois bombages sur la RN qui fait le tour du Cap Corse, assimilant le 2ème adjoint de la commune de Farinole à l’association U Levante dont il est adhérent, qui ont suscité colère et inquiétude. Trois tags qui auraient pu paraître dérisoires si l’intensité de la spéculation foncière et immobilière n’avait plongé une île ouverte aux appétits dans un climat délétère et meurtrier, au rythme des assassinats en séries et des pressions en tous genres. Trois tags, qui, en reliant un élu local à l’association phare de défense de l'environnement, bête noire de nombreux promoteurs immobiliers, accrochent une cible potentielle dans son dos.
 
Des positions publiques
En tant que conseiller municipal, mais aussi en tant que membre de l’associu de la Conca d’Oru « Un Soffiu Novu », Jean-Luc De Marco a pris publiquement position pour défendre « l’identité de son village » face à des projets de construction sur la commune et sur la microrégion, susceptibles « de menacer les espaces et déséquilibrer les structures sociales et économiques ». Mais, c’est son statut d’adhérent à U Levante que les tags mettent en cause, quelques jours après la divulgation, sur le site Internet de l’association, d’une maison construite illégalement, sans permis, à 30 mètres de la mer, par un autre élu local. Si l’amalgame est facile, difficile pourtant d’établir un lien certain de cause à effet tant cette maisonnette, qui a mis le feu aux poudres, semble n’être qu’un prétexte, un peu comme l’arbre qui cacherait la forêt.
 
La liberté d’expression
« Je suis un citoyen et j’ai le droit de m’exprimer. Je suis un élu et j’ai le devoir de m’exprimer. J’ai relayé l’inquiétude de la population par rapport à certaines orientations prises par la Mairie sur un projet immobilier global qui prévoit des lotissements et de nombreux terrains constructibles avec des COS (coefficient d’occupation du sol) assez importants dans la zone littorale. Je me suis, également, positionné sur le développement de la Conca d’Oru où de gros projets, encore dans les cartons, posent problème. Je suis, comme de nombreuses personnes sur Farinole, un simple adhérent d’U Levante, pas un militant actif », explique Jean-Luc De Marco. 
 
Une tentative d’intimidation
Néanmoins, qu’il s’adresse à l’élu ou à U Levante, ces tags sont une tentative indéniable d’intimidation. « Stigmatiser les élus de cette manière, c’est grave, c’est même dangereux parce qu’on nous met une cible dans le dos. Mais, je n’ai pas peur, je vais continuer à défendre les villageois qui sont inquiets. Je ne suis pas contre le développement, je suis pour un développement raisonné, pas pour du n’importe quoi », affirme Jean-Luc De Marco.
Mais au-delà des élus particulièrement touchés, aucun citoyen militant n’est plus à l’abri de ces pressions. La centaine de personnes venues, vendredi soir, sur la place de l’église de Farinole, apporter son soutien à Jean-Luc De Marco ne s’y est pas trompée !
 
La solidarité des élus…
En première ligne, des élus donc, dont le président de l’Association des maires de Haute-Corse, Ange-Pierre Vivoni, le maire de Farinole Ange Cherubini et son conseil municipal, le maire d’Ogliastro Jean-Toussaint Morganti, la mairesse d’Olmeta di Capo, des conseillers municipaux de Canari comme Yves Pellegrini et même de Furiani, l’élu territoriale de Femu a Corsica Gilles Simeoni… Tous sont venus rappeler la nécessité d’une solidarité sans faille et continue avec tous les élus menacés quelque soit leur couleur politique et quelque soit l’endroit du territoire insulaire où ces menaces s’exercent.
 
… et des associations
Egalement présentes l’associu Un Soffiu Novu par le biais notamment de sa présidente, Sylvie Casalta, et de Jean Baptiste Arena, et les deux associations U Levante avec sa présidente Moune Poli et Le Poulpe avec Pierre-Laurent Santelli. Toutes sont venues défendre, avec détermination, non seulement la liberté d’opinion, mais surtout leur vision d’un développement durable et maîtrisé de la Corse. (cf réactions ci-après). Rejointes en celà par certains élus du Cap Corse et de la Conca d’Oru, inquiets de la spéculation immobilière qui, sous fond d’enjeux touristiques, commence à se déchaîner dans une microrégion jusque-là relativement épargnée par rapport à d’autres régions, comme la Balagne ou l’Extrême Sud.
 
Un élan citoyen
Les élus et les associations ont appelé à un « élan citoyen » pour réveiller les consciences. Et c’est un appel au combat pour préserver la terre que lance Jean Baptiste Arena en droit fil de son engagement politique : « En septembre, on va fêter les 70 ans de la libération de la Corse. Il y a 70 ans, des Corses ont pris les armes, ont fait le choix pour certains de leur liberté, pour d’autres de leur vie pour défendre et libérer une terre et des causes auxquelles ils croyaient. Aujourd’hui, le nouveau combat se situe par rapport au foncier et à la spéculation. Nous avons la chance, ici, de pouvoir encore sauver quelque chose. Nous devons le faire et nous serons aux côtés de ceux qui sont menacés ».
 
Travailler main dans la main
Saisissant la balle au bond, Ange-Pierre Vivoni va, lui, aussi lancer un appel « aux associations pour travailler main dans la main avec les élus parce qu’aujourd’hui, il faut éteindre l’incendie. Nous autres Cap-corsins, nous savons que quand on met le feu à la montagne, il arrive à la mer et le parcours, c’est la terre brûlée ! Nous devons arrêter de pratiquer la politique de la terre brûlée. Elus et non-élus doivent se donner la main. On ne peut pas continuer à travailler les uns contre les autres. Les vrais spéculateurs sont ailleurs, hors de Corse, et se servent de nous pour spéculer chez nous. Je dis à toute la Corse de prendre garde ».
 
Ava Basta !
Pour le président de l’association des maires de Haute-Corse, l’espoir réside dans le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) en cours d’élaboration à l’Assemblée de Corse et dont l’absence est, pour lui, « responsable de la violence actuelle ». Et, surtout, dans la mobilisation des citoyens, parfois même contre la loi quand elle va à l’encontre de l’intérêt collectif. « La Corse n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle est unie. C’est à nous de nous regrouper et de dire à un promoteur : nous sommes 1000, 2000 et, ici, vous ne construirez rien ! On doit être tous unis, droite, gauche, nationalistes, pour dire sur cette île : Ava Basta ! ».
 
N.M.

 Les réactions fermes et inquiètes des élus et des associations
 
Ange Pierre Vivoni, président de l’association des maires de Haute-Corse et maire de Sisco :
« Je suis ici pour soutenir un élu parce que le président des maires doit soutenir tous les élus, quand ils sont attaqués. Aujourd’hui, Jean-Luc De Marco a été attaqué, notamment par des Tags et nous devons tous être solidaires. La solidarité commence par ce rassemblement à Farinole. La situation, malheureusement, se détériore. On est en train de tourner autour du pot. Les élus sont les premières victimes et les discours que l’on entend, quand un élu est attaqué, me déplaisent beaucoup. Je les condamne. Aujourd’hui, un élu est une cible, mais chaque citoyen aussi est visé. On ne comprend plus rien. On attend tout de l’Etat, mais l’Etat, c’est nous. On nous demande de dénoncer, mais dénoncer quoi ? Quand on ne sait rien, quand on n’a pas de preuve ! Les causes de cette violence sont nombreuses et liées. Au niveau de la loi littorale, nous avons besoin d’un consensus avec la population. Si le travail de fond, qu’est en train de faire Maria Guidicelli sur le PADDUC, avait été fait 30 ou 40 ans en arrière, on aurait eu des règles qui auraient été des garde-fous ».
 
Ange Cherubini, maire de Farinole :
« Je suis là pour soutenir un élu de mon conseil municipal, victime d’actes inqualifiables, parce qu’en démocratie, chacun a le droit de s’exprimer. Je veux, aussi, faire une mise au point par rapport à tout ce qui a été dit sur notre commune. J’ai entendu, notamment, que Farinole était une commune spéculative. Depuis 2005, les choses sont très claires. La commune a un document d’urbanisme qui fonctionne avec des règles fixées. Farinole a été l’une des premières petites communes de Corse à avoir un PLU (Plan local d’urbanisme). Malgré ces tagages condamnables, la commune est très calme et n’a aucun problème et aucun grand projet de prévu. Les constructions prévues sont conformes au document d’urbanisme. Tout est fait dans les règles ».
 
Jean-Toussaint Morganti, maire d’Ogliastro :
« Je suis solidaire avec l’association et Mr De Marco car il est anormal et insupportable qu’il soit victime de propos injurieux et de tags. Le Cap Corse est resté, jusqu’à présent, assez préservé. Mais, on commence à vouloir le dénaturer. Il faut y prendre garde, être vigilant et se positionner. Cette préservation est mise en péril, c’est pour cela que nous sommes tous là ».
 
Maurice Pasqualini, conseiller municipal à Furiani, majorité départementale :
« Je suis ici à titre personnel parce qu’un élu, dans le titre de ses fonctions, a été menacé. L’immobilier est le grand sujet à la mode en Corse. On veut à tous prix bâtir et faire passer les terrains constructibles. Des élus subissent d’énormes pressions dans toutes les communes, que ce soit du littoral ou de l’intérieur lorsqu’ils appliquent les lois littorale et montagne. Pour faire flancher un maire ou une municipalité, pour faire passer un projet, on fait n’importe quoi ».
 
Gilles Simeoni, élu territorial du groupe Femu a Corsica :
« Je veux, d’abord, manifester publiquement mon soutien total et indéfectible à Jean-Luc De Marco qui est un ami, un élu et un militant exemplaire. Ensuite, je suis là pour renforcer une mobilisation qui est nécessaire. Sans dramatiser, ni annexer les tensions ou les oppositions existantes ici, il y a un contexte général où de fortes pressions s’exercent sur tous les gens, qu’ils soient militants associatifs ou militants politiques, qui s’opposent à un certain nombre de logiques d’argent ou de spéculation. Il faut montrer de façon calme, sereine, mais en même temps déterminée que toutes les pressions, qu’elles soient de faible intensité comme l’affaire de ces bombages ou plus graves, ne nous feront pas reculer. Face à cette situation, on peut faire des choix radicalement différents. Le nôtre, publiquement assumé, est le choix de construire un pays démocratique, développé et préservant sa terre, sa langue, sa culture, son identité et son agriculture ».
 
Jean-Baptiste Arena, membre de l’associu Un Soffiu Novu :
« Je suis, avant tout ici, à côté d’un ami qui est, ensuite, un militant d’Un Soffiu Novu, la démarche que nous avons engagée, il y a deux ans, au moment des élections cantonales sur la microrégion. C’est un honnête homme et un travailleur qui est, aujourd’hui, montré du doigt parce qu’il a dénoncé certains projets. A travers lui, c’est l’association U Levante, dont il est militant, qui a été visée. Mais, par les temps qui courent en Corse, le militantisme est périlleux. Il y a des listes qui circulent avec des noms de personnes qui s’opposent à certains projets immobiliers et à une certaine vision de l’avenir de cette microrégion. Cette menace se matérialise, aujourd’hui, par des bombages qui mettent un nom sur une cible potentielle. C’est très grave. Les deux régions du Cap Corse et du Grand Nebbiu ont la chance d’être épargnées, depuis quelques années, par certains drames. Un débat démocratique s’est instauré. Il serait dommage d’arriver à d’autres pratiques comme celles qui existent en plaine orientale ou dans l’Extrême Sud ».
 
Sylvie Casalta, présidente de l’associu Un Soffiu Novu :
« Il est naturel que nous soyons présents, d’une part, parce qu’on a stigmatisé un élu par rapport à son adhésion à une organisation publique impliquée dans la protection environnementale. C’est grave parce que ça met en cause la liberté d’opinion et un élu représentatif de sa population très inquiète de l’avenir qui se profile. D’autre part, c’est un membre d’Un Soffiu Novu qui a été au départ de la création de cette démarche, l’a amplifiée avec nous et a travaillé dans la volonté de promouvoir un développement structuré et maîtrisé. Aujourd’hui, on a tendance à employer le terme de développement quand on voit du béton. Depuis quelques mois, l’équilibre social et économique de la Conca d’Oru est menacé parce qu’on construit partout. La Conca d’Oru devient un lieu symptomatique comme le sont d’autres endroits de Corse, elle est visée par ce contexte spéculatif qui est en pleine expansion. La démission de l’Etat a favorisé les projets douteux. Nous nous opposons fermement à ce type de développement et proposons une alternative. Nous nous sommes engagés à protéger ce patrimoine identitaire et nos ressources. Nous sommes déterminés dans notre combat pour les générations futures. Nous continuerons à travailler et à nous positionner, indépendamment de tout parti politique ».
 
Moune Poli, présidente de l’association U Levante :
« Dans cette affaire, il y a un déni de droit. Qu’on le veuille ou non, il y a une maison construite sans permis à 30 mètres de la mer par un élu local, censé défendre l’intérêt collectif et non pas personnel. Par ailleurs, Mr De Marco a été montré du doigt, livré à la vindicte en disant qu’il était adhérent de notre association. U Levante est une association publique qui se bat pour des intérêts collectifs et qui réussit de nombreux combats. Même si c’est inquiétant de voir des gens livrer à la vindicte populaire, l’important est d’être là, d’être sûrs de nos actions, de les faire dans l’intérêt collectif et de continuer en toute sérénité. Nous n’avons pas peur parce que nous sommes très nombreux, le mouvement a de l’ampleur, compte plus de 800 adhérents sur l’île et de nombreux soutiens qui font des dons. Il est populaire. Si on touchait à l’un d’entre nous, les autres se lèveraient derrière. Nous attendons beaucoup du PADDUC qui sera un point de droit majeur, mais il y a beaucoup de pression pour qu’il aille dans le sens d’une désanctuarisation de la Corse et qu’il permette de construire beaucoup comme si l’économie résidentielle était la solution ».
 
Pierre-Laurent Santelli, membre de l’association Le Poulpe et du Collectif pour la loi littorale :
« Nous sommes venus apporter notre soutien à Jean-Luc De Marco par rapport aux évènements qui se passent sur la commune de Feringule. On l’a fustigé pour s’être élevé contre un projet inique sur sa commune. Au-delà de ce cas précis, nous sommes là pour soutenir tous ceux qui se lèvent en Corse, associations ou simples citoyens, pour lutter contre tous les projets iniques qui visent à la privatisation d’espaces publics à des fins personnelles ou à des intérêts privés. Les pressions sont énormes. Ce n’est pas pour autant que notre combat s’arrête. Nous sommes très déterminés et très soutenus par la population et par des partis politiques ».

Propos recueillis par Nicole MARI