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Variant Delta : Une autre vague de contamination est possible en Corse, selon Mylène Ogliastro


Pierre-Manuel Pescetti le Vendredi 2 Juillet 2021 à 16:33

En France, le variant Delta (indien) est en train de supplanter le variant Alpha (britannique) et selon les autorités sanitaires sera bientôt largement majoritaire dans le pays. Ce vendredi 2 juillet, le ministre de la Santé Olivier Véran a précisé que le Delta représente « près d’un tiers » des nouvelles contaminations en France. Le Portugal instaure de nouveau un couvre-feu nocturne dans plusieurs dizaines de communes, la Tunisie confine partiellement et plusieurs départements du sud de la France prolongent les restrictions sanitaires.

Ce variant représente-t-il un risque en Corse alors que nous entrons au cœur d’une saison estivale qui devrait battre des records de fréquentation ? Mylène Ogliastro, virologue et chercheuse à l'Inrae de Montpellier et vice-présidente de la Société française de virologie, a répondu aux questions de CNI



Mylène Ogliastro, virologue et chercheuse à l'Inrae de Montpellier.
Mylène Ogliastro, virologue et chercheuse à l'Inrae de Montpellier.
 - Qu’est-ce qui différencie ce variant Delta des autres déjà rencontrés depuis le début de la crise sanitaire ?
 - Ce variant Delta, appelé auparavant variant Indien, se différencie par son cocktail de mutations. Une vingtaine environ qui le rendent beaucoup plus transmissible. On savait déjà que le variant britannique se transmettait avec plus de facilité mais celui-ci est un cran au-dessus : il est environ 40 % plus transmissible. L’autre élément, son caractère virulent et sa capacité à provoquer des cas graves n’ont pas encore été prouvés mais le calcul est simple : plus le virus se transmet facilement, plus il y a de cas et plus il y a de chances d’être confrontés à des cas graves.

 - Pourquoi inquiète-t-il autant les autorités sanitaires européennes ?
 - Plus un virus se transmet et plus il se diversifie. La crainte c’est de le voir muter encore et encore jusqu’à atteindre, par hasard, une mutation le rendant plus résistant au système immunitaire. C’est dans l’ordre des choses, pour échapper à la contrainte, un virus va s’adapter pour survivre. Cette adaptation c’est la mutation. Certaines ne présentent aucun avantage pour le virus et sont éliminées naturellement, d’autres vont venir le renforcer et lui permettre de survivre.

- Qu’en est-il de sa résistance aux vaccins ?
- Pour l’instant ils fonctionnent. Certaines mutations vont amener une baisse d’efficacité mais on reste autour des 90 % pour un patient ayant reçu les deux doses prescrites et après le temps nécessaire à la création de l’immunité, environ deux à trois semaines. Concernant l’adaptation des vaccins comme c’est le cas pour la grippe, nous n’avons pas assez de recul. Peut-être faudra-t-il les renouveler. Si c’est le cas, la périodicité pour ce type de virus est différente de celle de la grippe. Les injections devraient être plus espacées. Mais encore une fois, il faut prendre plus de temps pour analyser tout cela.

- La Tunisie reconfine partiellement, le Portugal instaure de nouveau un couvre -feu, plusieurs départements du sud de la France prolongent les restrictions sanitaires. Doit-on s’inquiéter en Corse ?
- Oui car le risque zéro n’existe pas même si les dispositifs de contrôle des entrées sont importants.  Mais je pense que les gens ont pris ce réflexe de se protéger. Il faut favoriser les extérieurs et ne pas oublier les gestes barrières. Avec la vaccination, c’est le meilleur moyen de se protéger.

 - 41 % de la population corse a reçu ses deux doses de vaccins. Est-ce assez quand on sait que la saison estivale draine des milliers de touristes ?
 - Non. Ce n’est pas assez surtout dans un paysage sanitaire où les variants sont présents. En Corse il y a déjà un bon taux de personnes fragiles vaccinées et c’est une bonne chose. Mais si on veut arriver à battre ce virus il faut continuer nos efforts de vaccination. Chacun d’entre nous doit rester conscient qu’une autre vague de contamination est possible.  

- Ne faut-il pas profiter de notre insularité pour couper toute chaîne de propagation ?
- Dans un monde idéal oui, mais cela voudrait dire qu’il n’y a aucune entrée ni sortie. C’est aux politiques de décider mais cela me paraît impossible. Cependant, les moyens de lutte et de contrôle modernes semblent être une partie de la solution surtout quand les frontières naturelles sont aussi marquées que celles de la Corse, d’où l’importance du pass sanitaire. Il faut apprendre à vivre avec ce risque de pandémie car celle que nous connaissons actuellement ne sera pas la dernière.