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Tribune des chercheurs de la Société des Sciences : En plein cœur de l'actualité corse


le Samedi 7 Juin 2014 à 18:13

La Société des Sciences historiques et naturelles de la Corse est une veille dame portée sur les fonts baptismaux en 1881 mais, malgré son âge plus que vénérable, elle demeure très active. Des colloques, des tribunes, une revue qui est publiée sans interruption depuis sa création : l'esprit semé par le Chanoine Letteron ne s'est jamais essoufflé et aujourd'hui, en dépit des difficultés propres à toutes les associations, la SSHNC poursuit, contre vents et marée, sa mission historique et culturelle. Sa dernière manifestation en date - La tribune des chercheurs ouverte aux docteurs et doctorants de l'université de Corse - en a administré une nouvelle preuve.



Docteurs et doctorants avec Marie-Antoinette Maupertuis (3e à partir de la gauche) et Joseph Puccini à droite.
Docteurs et doctorants avec Marie-Antoinette Maupertuis (3e à partir de la gauche) et Joseph Puccini à droite.
Une tribune qui, pour la sixième fois, s'est tenue dans la salle des délibérations du conseil général de la Haute-Corse où Jean-Baptiste Raffalli, grand animateur et défenseur du Patrimoine bastiais, représentant le président de l'assemblée départementale, a accueilli avec beaucoup de chaleur dans le propos, Joseph Puccini, le nouveau président de la société des sciences, Michel Peretti, adjoint au maire de Bastia, Paul-Marie Romani, président de l'université de Corse et Marie-Antoinette Maupertuis, professeure en sciences économiques qui était chargée de coordonner la tribune placée, cette année, sous le thème des "Dynamiques Territoriales et Développement Durable".
"Je tiens à saluer la société des sciences dans ce qu'elle est, dans ce qu'elle fait, pour ce qu'elle nous permet d'apprendre et de partager" a notamment souligné Jean-Baptiste Raffalli en relevant que le contenu de la tribune va permettre, à travers des échanges, d'apporter de nouveaux éclairages sur "les thématiques du foncier, du tourisme, de l'agriculture, de l'environnement,  domaines dans lesquelles les collectivités ont un rôle important à jouer ". D'autant que ces éclairages contribuent à qui enrichir "nos connaissances et nos visions d'élus, car ils nous incombent d'appréhender au mieux les besoins des territoires et de développer des politiques adaptées aux besoins engendrés par ces changements de société."

"En plein cœur de l'actualité"
En écho Joseph Puccini saluait d'emblée les collectivités - Assemblée de Corse, conseil général de la Haute-Corse, mairie de Bastia - qui permettent à la société qu'il préside depuis le début de l'année, de poursuivre ses activités, et l'université de Corse, partenaire privilégié depuis l'avènement de la tribune des chercheurs en 2009.
Une tribune qui cette année se trouve en plein cœur de l'actualité avec des thèmes développés par les doctorants et docteurs de l'université et axés sur l'agriculture et la pression  foncière, le tourisme et l'environnement, le développement industriel et l'environnement, l'exploitation des ressources halieutiques et la protection de ses ressources, le Padduc, et l'institutionalisation de la gestion environnementale.
Des problématiques qui se posent sur l'île qui a besoin "d'un développement économique" mais qui "aussi le devoir de protéger son environnement et sa biodiversité."

"Réelle fierté"
Paul-Marie Romani en prenant le relais a dit sa "réelle fierté" de présider cette nouvelle tribune des chercheurs, salué le président de la SSHNC, ainsi que Francis Beretti et Victor Serafini auxquels il a succédé, et, puis, parce que l'on était dans la salle Jean-Leccia évoqué la mémoire du plus proche collaborateur du président du conseil général "trop tôt et tragiquement disparu".
"Qu'il me soit permis de dire une fois de plus que l'une des grandes missions de l'université de Corse-Pascal Paoli est de contribuer à ce que ce pays abandonne, une fois pour toutes, cette voie de traverse désolante et inacceptable de la terreur et du sang versé pour retrouver le chemin des Lumières indiqué il y a plus de deux siècles par Pascal Paoli. Qu'elle s'inspire d'une société de la connaissance" a souligné le président de l'université. "
T"outes et tous chacun à notre place nous devons être persuadés que là réside la seule chance d'ouvrir un avenir serein pour la Corse et pour donner à la jeunesse insulaire, dont vous avez une représentation éminente aujourd'hui, la possibilité de se cultiver, de se former intellectuellement  et professionnellement, bref de s'épanouir …"


Les résumés des interventions

Michel Peretti, Paul-Marie Romani, Jean-Baptiste Raffalli, Joseph Puccini, Marie-Antoinette Maupertuis
Michel Peretti, Paul-Marie Romani, Jean-Baptiste Raffalli, Joseph Puccini, Marie-Antoinette Maupertuis
Après quoi Marie-Antoinette Maupertuis a longuement développé le contenu de la tribune des chercheurs et notamment les questions de dynamique territoriale et de développement durable qui font l’objet d’une réflexion importante depuis plusieurs années à l’université de Corse Pasquale Paoli.
On les retrouve dans les résumés des interventions des six docteurs et doctorants qui se sont succédé à la tribune tout au long de la journée.
 Caroline Tafani – Evaluation de la vulnérabilité de l’agriculture face à la pression foncière : un outil au service d’un développement territorial durable
Que l’on se situe dans un espace périurbain en pleine expansion ou sur une frange côtière touristique particulièrement attractive, le marché foncier est extrêmement tendu. Il a été montré, à maintes reprises et en divers lieux, que dans ces contextes, les espaces agricoles servent généralement de réserve foncière pour l’urbanisation. L’agriculture recule, parfois disparaît, au mieux se réarrange dans les espaces interstitiels, trouvant parfois aussi dans la demande urbano-touristique de nouveaux débouchés. Dans tous les cas, sa place évolue largement et pose question, aux agriculteurs en premier lieu, mais aussi à la société, et donc aux gestionnaires des territoires. Le foncier agricole pouvant être à la fois ressource alimentaire, patrimoine à transmettre ou réserve d’espace, les enjeux autour de sa gestion sont cruciaux : par principe de précaution, faut-il geler tout le patrimoine pour les générations futures ? Faut-il sacrifier certains lieux pour mieux en préserver d’autres ? Lesquels ? Comment hiérarchiser les zones d’intervention prioritaires ?
 Cette communication ambitionne précisément d’apporter des éléments de réponses à ces questionnements en présentant un outil d’évaluation de la vulnérabilité de l’agriculture - des agricultures - face à la pression foncière.


Mathilde Woillez – A la croisée des chemins : comparaison des trajectoires touristiques et des dynamiques organisationnelles de deux territoires insulaires méditerranéens, en Corse et en Crète.

Avec le développement d’un tourisme pas toujours maîtrisé par les populations locales, les territoires insulaires de Méditerranée sont soumis à d’importantes pressions, qu’elles soient foncières et immobilières, environnementales, économiques ou encore socioculturelles avec notamment la recomposition des sociétés locales liée aux migrations. Notre projet de thèse propose d’étudier les conditions d’émergence d’une gouvernance partagée du tourisme dans deux territoires insulaires méditerranéens, l’un en Corse -la Castagniccia Mare è Monti- et l’autre en Crète -le dème de Sitia-, dans la perspective d’une meilleure maîtrise par les sociétés locales d’un développement touristique qui soit soutenable pour le territoire. 

Cette communication s'attache plus particulièrement à retracer et à croiser les trajectoires touristiques et les dynamiques organisationnelles des deux territoires d'étude, en les replaçant dans leur contexte insulaire régional. L'objectif est d'identifier des « sujets pertinents », mobilisateurs, comme point de départ pour la construction d'une gouvernance partagée.

Julien Ciucci – Impact des politiques environnementales sur la dynamique économique des territoires
La libéralisation des échanges entre des pays pratiquant des politiques environnementales différentes peut mener à se poser différentes questions. Dans quelle mesure les politiques environnementales affectent-elles la compétitivité des firmes ? Est-ce-que les firmes industrielles polluantes se délocalisent vers les pays pratiquant des politiques environnementales moins strictes ? Ces pays se spécialisent-ils systématiquement dans les activités industrielles polluantes ? Plus généralement, ces questions reviennent à s’interroger sur la vérification de ce que la littérature économique appelle la pollution haven hypothesis. Dans cette contribution, nous présentons les réponses que l’analyse économique a tentées d’apporter à ces questions, au travers de nombreuses études empiriques et théoriques. En outre, nous verrons que la vérification de la pollution haven hypothesis est loin de faire l’objet d’un consensus au sein de la littérature.


Corinne Idda – Prise en compte de l’espace et des comportements stratégiques dans un modèle bioéconomique d’exploitation des langoustes en Corse
 Les modèles d’exploitation des ressources halieutiques sont principalement basés sur le modèle fondateur de Schaefer (1957) dans lequel la dynamique de la biomasse est caractérisée par un taux de croissance intrinsèque et par la présence d’une capacité de charge de l’environnement. Pendant longtemps les économistes se sont limités à une vision simplifiée des processus biologiques. Les nouveaux paradigmes en biologie considèrent que la population de poissons est distribuée de manière hétérogène dans l’espace. A partir de ces nouveaux développements en biologie, les économistes ont peu à peu intégré la dimension spatiale dans les activités bioéconomiques. Lorsque l’on considère que l’espace est hétérogène, les activités économiques telles que la pêche ne peuvent plus être considérées comme réparties au hasard dans l’espace : cette répartition devient alors le résultat d’un calcul économique d’optimisation de la rente des différents agents. En effet, ceux-ci choisissent leur zone de pêche en fonction des coûts d’opportunité caractérisant les diverses zones possibles, ces derniers étant fonction de la densité de biomasse présente dans chaque zone. Il est alors déterminant, afin de connaître les densités de biomasse dans les différentes zones d’un espace de pêche, d’intégrer les mouvements des espèces étudiées. En effet, non seulement la ressource croit à des taux différents dans les différentes localisations mais, par instinct de survie ou pour des raisons liées à la reproduction, les individus des diverses espèces se déplacent. Ces migrations peuvent influencer les comportements des agents économiques en modifiant leur choix de zone de pêche. Pour cet ensemble de raisons, il est nécessaire d’utiliser un modèle prenant en compte les caractéristiques spatiales de la ressource et de l’industrie de la pêche. C’est dans cette perspective que nous entendons développer un modèle dans lequel l’espace est hétérogène et les zones sont interconnectées par le biais de phénomènes de dispersion des ressources halieutiques. 


Pierre-Antoine Tomasi – L’objectif de convergence territoriale à travers le PADDUC : perspectives de développement du pouvoir normatif régional
En septembre 2013, l’Assemblée de Corse adoptait par 46 voix sur 51 le rapport issu des travaux de la commission des compétences législatives - plus communément appelée commission « Chaubon » - relatifs à l’évolution institutionnelle de la Corse. En matière d’organisation territoriale, les conclusions de la commission actent de nouveau le principe de territorialisation des politiques publiques qui semble, depuis plusieurs années, faire l’objet d’un consensus politique. La mise en place de « territoires de projets » ayant pour finalité de s’inscrire dans le cadre d’une « stratégie de développement structurante ». Pour ce faire, la commission recommande de fixer un « objectif de convergence et d’harmonisation entre les territoires » dont le futur Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) devrait constituer la matrice.
Si l’on peut convenir que la construction d’infrastructures ou la mise en place d’incitations financières au développement à travers un système de subventions peuvent participer d’une politique de rééquilibrage territorial, il nous paraît digne d’intérêt que d’évaluer les possibilités d’atteindre l’objectif  de convergence territoriale à travers le pouvoir normatif régional. Autrement dit, par la fixation de prescriptions opposables aux tiers comme aux collectivités de rang inférieur.
Quoique le droit des collectivités territoriales en France soit commandé par les principes d’égalité et  de non-tutelle entre celles-ci, le droit de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire a posé les bases d’une possible hiérarchisation entre normes locales autour du principe de « compatibilité ». Par ailleurs, l’actuel projet de loi de décentralisation envisage de renforcer le caractère prescriptif de différents schémas en matière de développement économique et de transports.
A la lumière de ces évolutions, il s’agira d’envisager à travers cette communication  les perspectives de réduction des inégalités territoriales via le Padduc, dont le plan d’aménagement et de développement durable (Padd) a été adopté à une large majorité au mois de février dernier. 

Claire Graziani Taugeron – Dynamiques associatives et institutionnalisation de la question environnementale : étude comparative Corse – Îles de la Madeleine (Québec)
 
L’objet de ce travail de thèse est d’établir comment et à quel niveau les revendications environnementales portées par des associations de défense de l’environnement peuvent s’inscrire dans l’agenda des politiques publiques.
Le projet, mené à une échelle insulaire, nous pousse à nous interroger sur les conditions de l’implication dans la démarche de défense de l’environnement. N’y a t-il pas, en Corse, comme au Québec, un sentiment d’insularité et d’altérité qui pousse les acteurs à prendre part aux débats et aux mobilisations environnementales ? On peut émettre l’hypothèse que le désir de préservation des territoires n’est pas entièrement lié à une conscience écologique accrue mais s’inscrit aussi dans une démarche liée au sentiment d’appartenance au lieu, propre aux insulaires.
 Lors de cette présentation, nous exposerons les objectifs de cette recherche et l’intérêt d’une méthodologie appuyée sur l’Ecologie humaine, dans le sens où l’individu est influencé par son (ses) environnement(s) (environnement naturel, interpersonnel, social et culturel), pour tenter de comprendre pourquoi et à l’appui de quels moyens la population se mobilise pour son environnement, ou plutôt contre des projets estimés néfastes pour l’environnement.