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Tous les trois mois, une coopérative transporte en voilier des produits corses sur le Continent


le Dimanche 17 Mars 2024 à 17:45

Jeudi matin, un voilier chargé de pomelos et de vin corse a quitté le port de Bastia, direction Marseille. Voilà désormais quatre ans que la coopérative Bourlingue & Pacotille propose une alternative au transport maritime de marchandises. Une alternative sans CO2 (ou presque), qui remet la Corse au cœur des grandes routes maritimes commerciales de la Méditerranée.




Jeudi, cet équipage 100 % féminin a quitté Bastia pour Marseille, à bord d'un voilier chargé de pomelos et de vin corses.
Jeudi, cet équipage 100 % féminin a quitté Bastia pour Marseille, à bord d'un voilier chargé de pomelos et de vin corses.
Ils sont environ quatre-vingt, vivent sur le pourtour du bassin méditerranéen, ont des métiers divers et sur leur temps libre, ils  transportent des marchandises… en voilier ! Un bateau qui - pas besoin de vous faire un dessin -  est sensiblement moins polluant qu’un cargo. « Le transport maritime, ça représente l’empreinte carbone d’un pays comme l’Allemagne, donc il y a des choses à faire », confirme Nicolas Rousson, cofondateur de Bourlingue & Pacotille.  Concrètement, lors d’un transport, l’équipage passe « 90 % du temps à la voile et 10 % au moteur, donc ça fait 90 % d’économie de CO2 ».

Des voiliers que Bourlingue & Pacotille se font prêter : « Aujourd’hui en France, les voiliers sont quasiment inutilisés. Ils naviguent onze heures par an en moyenne. Or, il y a un million de bateaux immatriculés pour seulement 250 000 places de port. Alors nous, on va voir les propriétaires en leur disant : confiez-nous votre bateau, il va être utile, et avec l’argent des ventes, on vous le remettra en état. »

"Ca a du sens"

L’initiative est saluée des deux mains par Paul Coursimault. Le directeur de l’entreprise de conseil en environnement, Innoveol, est à l’origine du programme Corse Maritime Bas Carbone. « Bourlingue & Pacotille propose un transport de marchandises qui est totalement décarboné. Ca a du sens de le faire en voilier car la Corse n’est pas très loin du Continent. Et ça permet d’exporter des produits qu’on ne trouve pas forcément ailleurs qu’en Corse. » Comme des noisettes de Cervione ou du miel de châtaignier.

Depuis que la coopérative sillonne la Méditerranée en voilier, la Corse est un passage incontournable : « On y passe à chaque fois quand on remonte de Sicile ou de Sardaigne », souligne Nicolas Rousson, à raison d’un voyage par trimestre en moyenne. Sur place, les bénévoles de Bourlingue & Pacotille vont à la rencontre des producteurs corses : « On passe du temps avec eux, on leur explique notre démarche. L’idée est de mettre en valeur les produits des personnes qui mènent une agriculture raisonnée en Corse. » Pour l’heure, Nicolas Rousson transporte le labeur d’une « douzaine d’agriculteurs corses ». Jeudi, un équipage 100 % féminin est reparti à Marseille avec des pomelos de la coopérative Alimeria, basée à Linguizzetta et avec du vin du domaine Nicolas-Mariotti-Bindi, d’Oletta.

Un projet de voilier-cargo

La quantité transportée n’excède jamais la tonne : « Par rapport aux containers qui peuvent transporter 20 tonnes, c’est très symbolique », convient Nicolas Rousson. Conscient de ses limites, Bourlingue & Pacotille a un projet de rénovation d’un voilier-cargo qui pourrait transporter jusqu’à 25 tonnes de marchandise. « On travaille sur le financement, c’est un projet à 600 000 euros ». 

A destination, une vente est systématiquement organisée, « au cul du voilier », après avoir été annoncée sur le site internet de la coopérative.  « On a aussi fait des marchés, comme à Calvi, où on a vendu des produits qu’on avait récupéré en Sicile ou en Sardaigne. Généralement, c’est du vin, de l’huile d’olive, des céréales... » Bourlingue & Pacotille achemine aussi, de l’Allier, la farine d’un boulanger de Bonifacio, qui a choisi ce mode de transport alternatif par conviction environnemental, en dépit des coûts de transport plus onéreux qu’il représente.

Il reste désormais à changer d’échelle : « On échange avec la collectivité de Corse pour proposer ce service décarboné, on a rencontré Flora Matteï (la conseillère exécutive en charge du transport), rapporte Nicolas Rousson. Il y a un grand intérêt de leur part, mais ce n’est pas simple, car il y a une délégation de service public. »

En voilier, « on met généralement 48 heures pour faire Marseille – Bonifacio, poursuit le cofondateur de la coopérative. Mais ça peut varier, car en Méditerranée, les conditions de navigation sont toujours compliquées. Soit il y a beaucoup de vent, soit il n’y en a pas assez. » A l’heure où les élus corses réfléchissent à intensifier les coopérations transfrontalières, Bourlingue & Pacotille leur offre, dans le fret, une voie toute tracée : « On est dans un bassin méditerranéen qui manque de liens entre toutes ses îles. Ce transport à la voile permet d’en faire. »