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Dans une Corse autonome, quels échanges maritimes et aériens avec la Sardaigne ?


le Lundi 11 Mars 2024 à 16:35

Samedi à Bunifaziu, une centaine de Corses, mais aussi quelques Sardes, ont assisté à une réunion publique organisée par Femu a Corsica. En parallèle du processus d'autonomie, l'exécutif corse regarde vers l'Italie, vers la Sardaigne en particulier, pour imaginer les dessertes aériennes et maritimes de demain. Comment faire en sorte que deux îles si proches, et qui se sont pourtant tenues si éloignées l'une de l'autre ces cinquante dernières années, cessent de se tourner le dos ? Les élus ont avancé leurs arguments et propositions.



La réunion publique a attiré une centaine de personnes, samedi à Bonifacio.
La réunion publique a attiré une centaine de personnes, samedi à Bonifacio.
Flora Mattei, conseillère exécutive à l'Assemblée de Corse, présidente de l'Office des transports : "En avril à l’assemblée de Corse, je  présenterai un rapport qui mandate l’Office des transports à ne plus se suffire de la desserte aérienne et maritime entre la Corse et la France continentale, mais bien à intégrer des missions transfrontalières pour établir des liaisons transfrontalières, notamment avec l’Italie. Le traité du Quirinal (signé le 21 novembre 2021 entre la France et l’Italie) excluait de fait les territoires insulaires. Nous nous sommes battus pour que la Corse et la Sardaigne puissent également bénéficier du cadre de ce traité.  Celui-ci a été installé en septembre et il y a eu de grands débats sur les différents projets qui pourraient voir le jour à court terme. Les différents projets que la Corse a présentés, comme le métro aérien entre Cagliari, Olbia, Bastia, Pise et Aiacciu pour faire au moins un aller-retour par jour entre la Corse, la Toscane et la Sardaigne, ont suscité de vifs intérêts.
Il est important aussi de noter que, en 2024, nous allons faire de l’achat de flux, ce qui va nous permettre de nous ouvrir vers l’Italie. Rome pourrait être une destination privilégiée depuis les aéroports corses."


Antonio Moro, conseiller aux transports de la région autonome de Sardaigne : "Il y a ce paradoxe que deux îles voisines et situées au centre de la Méditerranée n’ont rien fait ensemble durant ces cinquante dernières années, ce qui les a pénalisées toutes les deux. La Sardaigne est l’unique île de Méditerranée à ne pas avoir de compagnie aérienne. Relier la Corse et la Sardaigne serait bénéfique pour les deux économies touristiques. Il est vrai que l’Europe n’aide pas les îles. C’est une question de volonté politique."

 François Alfonsi, député européen : "L’autonomie, c’est la seule façon de surmonter les difficultés, y compris techniques, dans les relations transfrontalières entre la Corse et la Sardaigne, quand ces difficultés sont ignorées par la France et l'Italie.  En Corse, de temps à autre dans les milieux économiques, j’entends des voix qui ne sont pas très favorables au rapprochement entre la Corse et la Sardaigne. Notre secteur du bâtiment se retrouverait concurrencé. Ce sont des visions à courte vue qui entretiennent l’immobilisme.
Au niveau européen, il faudra des fonds. Et faire en sorte que les propositions qui viennent de nos îles soient mieux entendues à Bruxelles. Le Parlement européen a approuvé notre demande pour un pacte des îles. Malheureusement, il n'a pas encore pu être mis en place."

 
Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio : "Nos amis sardes s’occupent de la liaison maritime avec la Corse depuis longtemps, c'est pourquoi leur faire la leçon me met mal à l'aise, car nous, on a été totalement défaillants, Corses comme Français.  Mais il convient d’entrer dans ce débat, sinon on n’avancera pas. Les bateaux que nous avons à disposition en ce moment, c’est inacceptable en 2024. Ils sont peu fiables, totalement obsolètes, chers, pas confortables, pollueurs… On est à mille lieues d’une politique environnementale de fiabilité. Au moment où nous travaillons sur l’autonomie, un conseiller exécutif de Sardaigne (Antonio Moro), nous explique ici même que le système qu’il envie, c’est le système de la Corse et de la France. La Sardaigne, c’est 40 millions d’euros de continuité territoriale pour 1,5 million d’habitants. La France, c’est 190 millions d’euros pour 300 000 habitants.  Je crois aujourd’hui qu’il vaudrait mieux enlever 3 à 5 millions d’euros d’enveloppe de continuité territoriale sur le continent français et les rapatrier sur une vision avec la Sardaigne.  Un bateau, aujourd’hui, pour faire une traversée dans des conditions acceptables entre Bonifacio et Santa Teresa, c’est 15 millions d’euros par an. Qu’est-ce que c’est à l’échelle de la Corse et la Sardaigne ? Rien du tout.
Par ailleurs, il y a des lobbyings qui s’exercent sur tous les mouvements politiques pour empêcher que cela se fasse. Par des personnes qui ont peur, peut-être à raison. Oui, il y a une fiscalité en Sardaigne qui n’est pas la même que la nôtre, y compris dans le domaine social, ce qui fait que si on des coûts à 20 ou 30 % moins chers, on pourrait se retrouver en difficulté. Mais mettons tout sur la table pour qu’enfin, on puisse prendre une décision en notre âme et conscience. Ces gens qui sont dans le bâtiment, qui vendent des parpaings, du goudron… Je préférerais qu’on les invite à travailler dans une SEM (société d'économie mixte) dans laquelle ils investiraient, plutôt que de rester encore renfermés sur nous-même."


Jean-Félix Acquaviva, député Femu a Corsica : "On ne va pas se raconter d’histoires. Le principal problème, c’est le spectre de l’irrédentisme. Cette peur maladive de l’État français que l’on reprenne la langue avec les territoires voisins  est pour moi la principale raison de ces échanges inexistants entre Corse et Sardaigne, même si je partage aussi le constat pour les lobbies. Le traité entre la France et l'Italie nous permet d’avoir un cadre de relations entre deux états, et qui nous permet de dire qu’aujourd’hui, ce n’est plus la guerre, ce n’est plus le spectre de l’irrédentisme. Il y a un état d’esprit différent, les armes se sont un peu baissées. Et demain, les choses iraient plus vite si nous avions l’autonomie fiscale. La continuité territoriale française, en volume, c’est vrai, est plus important que l’Italienne. Mais une dotation de continuité territoriale reste constante, même quand les coûts de carburant explosent. Or, si la Corse se dote d'une économie fiscale et budgétaire, nous aurions une enveloppe de continuité territoriale de 374 millions d'euros, en lieu et place des 187 que l'on perçoit actuellement. Pourquoi ? Parce que nous avons une croissance démographique relativement très élevée et une attractivité touristique très importante. Et on pourrait utiliser cette enveloppe pour imaginer des services publics transfrontaliers."