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Thomas Pesquet à Bastia : "plus on va loin dans l'espace, plus on essaye de répondre à des questions sur nous-même"


M.V. et P.J. le Samedi 17 Septembre 2022 à 18:21

Moins d'un an après son retour sur Terre après 199 aux commandes de l’ISS, Thomas Pesquet était à la Casa di e scenze de Bastia ce 17 septembre pour inaugurer l'exposition "Explore Mars" avant de tenir une conférence devant 800 visiteurs venus l’acclamer au théâtre municipal. L'occasion pour l'astronaute français le plus populaire de l'histoire de rappeler l’intérêt des missions spatiales pour la recherche scientifique et parler de l’avenir de l’exploration spatiale européenne



Thomas Pesquet inaugurait ce samedi à Bastia l'expo "Explore Mars"
Thomas Pesquet inaugurait ce samedi à Bastia l'expo "Explore Mars"
- Venir à Bastia, en Corse, c’était important pour vous ? 
- Oui, c'est important. Après la dernière mission, j'ai essayé d'aller voir un peu tout le monde. Évidemment, je ne peux pas aller dans toutes les villes de France, mais j’ai essayé de ne pas me cantonner à Paris, et d'aller voir un peu tous les territoires, d'aller parler à tout le monde. J'ai eu la chance de voir toutes les régions de l’hexagone depuis la station. Je voulais ensuite réconcilier la vue de l'espace avec la vue de près afin de rencontrer les gens. 

- Lors de votre mission à bord de la Station Spatiale Internationale vous avez partagé beaucoup d'images de la Corse via les réseaux sociaux. C'est un territoire que vous aimez particulièrement ?
Oui, j'ai eu la chance de venir un certain nombre de fois. J'ai un très bon ami qui s'est marié ici. J'étais son témoin. Donc je ne suis pas Corse, évidemment, mais je ne suis pas non plus complètement un touriste. En plus les territoires en bord de mer et les îles, sont bien visibles depuis la station spatiale. Ils sont très faciles à repérer et photographier. J’ai eu la chance de prendre quelques photos de l’ile, de les partager. Il me semble qu'elles ont été assez laikées.

- Avec vos publications sur les réseaux sociaux, vous essayez de vulgariser les sciences et les mettre à la portée de tous...
- Oui, ce que j'essaye de faire, ce n'est pas juste de mettre des belles photos et de partager ce qu’on voit depuis la station spatiale, même si ça fait rêver un petit peu les gens...Ce qui est vraiment important c'est de partager ce qu'on y fait dans la station, car on y fait beaucoup de recherche. Donc sur les réseaux moi, je faisais une fois de temps en temps une belle photo et d'autres fois j'expliquais la recherche en physiologie, en physique des fluides, à quoi ça sert, comme on le fait ...etc. Je pense que ça a intéressé les gens. Le but de ma visite à Bastia, et de la conférence que j’ai donné est justement de diffuser un petit peu cette culture scientifique.

- C'est important selon vous d'aller à la rencontre du public, avec des initiatives comme celles-ci, pour, peut-être, créer des vocations ? 
- Moi je trouve que c'est important parce que c'est là que tout commence. En fait, c'est à l'échelle locale que l'on va rencontrer les jeunes, qu’on les intéresse et qu’on va les propulser ensuite vers des carrières, des études qui vont aller plus loin, plus haut, etc. Mais ça commence ici, au niveau local. Moi, je le sais parce que c'est ce que c'était mon histoire à moi. 
Je suis originaire d’un petit village en Normandie et mes parents, enseignants, étaient aussi acteurs de la vie locale. Ma mère s'occupait de la bibliothèque, mon père était entraîneur bénévole du club de foot. Ils m’ont toujours fait participer à la vie culturelle et c’est comme ça qui est ma passion pour l’espace. C'est grâce à des expositions comme « Explore Mars », à des conférences comme celle de samedi qu'on prend par la main les jeunes, qu'on essaie de les envoyer sur ces trajectoires là. Et puis on espère que sestrajectoires vont aller très, très haut, très, très loin.

- Les 800 places pour assister à la conférence de Bastia ont été vendues en une heure. Vous vous attendiez un tel engouement des Corses pour vous ? 
- C'est super qu’autant de monde ait souhaité participer. Malheureusement, on s'est mis dans la plus grande salle de Bastia et on l'a remplie. Quelqu’un avait proposé d'aller se mettre au stade de Furiani.Mais ça, c’était un petit peu ambitieux !!!!! Donc on a essayé d'accueillir le plus grand nombre de personnes possibles, les autres ont pu me suivre sur la chaîne You Tube de la mairie où la conférence a été diffusée. Je suis désolé pour les gens qui n'ont pas pu y avoir de place, ça veut dire qu'il faudra refaire une édition. 

 

L'observation et la protection de la terre restent les priorités de l'Agence spatiale européenne

Est-ce que vous pensez qu'il y a un nouveau regain de la conquête spatiale de la part des scientifiques ? 
Je pense que oui. Après la mission sur la Lune il y a 50 ans, on a construit une station spatiale. Et ce n’est quand même pas une mince affaire d'avoir des gens qui vivent dans l'espace depuis plus de 20 ans de manière permanente. Donc on a vraiment apprivoisé cet espace proche de la terre. Maintenant qu'on a fait ça, qu'on sait faire ça, il est temps d'aller un peu plus loin. Et cette fois ci, de le faire de manière un peu plus durable, un peu plus permanente. Donc ce qu'on veut faire, c'est retourner sur la Lune, mais vraiment y faire une base d'habitation comme on peut avoir par exemple en Antarctique. Une base de recherche afin d’utiliser les ressources in situ. On sait qu'il y a de l'eau sous forme de glace, donc on pourrait s’en servir pour la vie humaine, mais aussi pour faire du carburant de fusée, de l’hydrogène, de l’oxygène. On veut y retourner sur la Lune en coopération internationale, pas juste pour y planter un drapeau, mais pour y rester et cela sera possible, car il n'y a jamais eu autant d'acteurs, et de pays qu'y se lancent à la conquête de l’espace. 

Quelle est la priorité pour l'agence spatiale européenne ? 
On a tous la même priorité dans toutes les agences spatiales du monde : c’est l'observation de la terre, c'est la protection de la terre et cela représente le plus gros budget. Aller un peu plus loin dans l'espace, qui représente moins de 10 % du budget de l'Agence spatiale européenne. C’est l'équivalent de 2 € par an et par citoyen européen. Avec ça, on arrive à faire quand même pas mal de choses, on pense donc que c'est raisonnable. Et puis surtout, tout en donnant la priorité à la protection de la terre et aux problèmes du présent, il ne faut pas non plus hypothéquer l'avenir. Donc il faut se donner ce petit budget pour essayer de faire en sorte de permettre des choses dans le futur qui auront des retombées positives.

Bientôt la Lune et puis Mars

Thomas Pesquet a A casa di e scenze
Thomas Pesquet a A casa di e scenze
- Après la station spatiale, la Lune ?
- Ce serait super. Mais, je ne serai pas le seul candidat... Il a un programme qui est en partance pour la Lune, la fusée SLS qui est sur le pas de tir. Le 27 septembre, on va essayer de la lancer pour un vol d'essai inhabité, ensuite le programme de la NASA baptisé Artémis devrait ramener l'Homme sur la Lune avec un vol tous les ans. Et d'ici à 2030, sur les quatre ou cinq premiers vols, on parle de trois Européens qui pourraient avoir un rôle à jouer dans ces missions-là. J'espère d'avoir cette chance, mais comme moi tous mes collègues, évidemment, vont aussi se porter volontaires. C'est ça « le jeu » au sein de l'Agence spatiale européenne. Mais ce qui est bien, c'est que l'Europe fasse partie de ce projet et que la France a son rôle à jouer.

-  Et après la Lune....Mars. En quoi la présence humaine sur Mars pourrait-elle faire progresser la science spatiale ? 
- Aller sur Mars, ça apporterait énormément. Les scientifiques qui ont construit le robot Curiosity sont frustrés, ils ont dit "on attend vraiment que les humains soient sur Mars". Pourquoi ? Parce que si on regarde Curiosity, elle avance de quelques mètres par jour, quelques kilomètres sur toute la durée de la mission. Si on mettait des humains, comme pour la mission Apollo sur la Lune, les petits Rovers pouvaient faire 36 kilomètres par jour, 400 kilomètres de roche. Donc le retour scientifique, en serait décuplé. La difficulté aussi par contre. Mais on est tous convaincus que c'est le retour scientifique serait énorme, c'est pour ça qu'on a décidé d'y aller sur Mars. 
On y allant, o
n va pouvoir répondre à des questions fondamentales.  Peut-on perdre notre atmosphère comme c'est arrivé à Mars ? Comment la vie se crée ? Comment disparaissent les choses qui vont encore une fois nous servir à nous sur la Terre ? Une chose est certaine : plus on va loin dans l'espace, plus on essaye de répondre à des questions sur nous-même.