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TRIBUNE - Violences en Corse : pour Jean-Jacques Panunzi "il faut revenir à la raison"


La rédaction le Mercredi 6 Avril 2022 à 11:48

Dans une tribune libre le sénateur LR de Corse du Sud, Jean-Jacques Panunzi, revient sur les violences qui ont éclaté en Corse après l'agression mortelle d'Yvan Colonna, le 2 mars dernier à la centrale d'Arles, et livre sa vision des événements



Jean-Jacques Panunzi, sénateur de Corse du Sud.
Jean-Jacques Panunzi, sénateur de Corse du Sud.
Les débordements survenus ce dimanche 3 avril à Ajaccio nous obligent au sursaut. 
 
Suite au décès d’Yvan Colonna, toute manipulation politique ou justification de la violence au nom de cette disparition n’a pas lieu d’être. On s’incline devant la mort, on ne l’instrumentalise pas à dessein. 
 
Pourtant, cela ne semble pas être le mot d’ordre au sein de cette partie bruyante d’une jeunesse politisée désireuse d’en découdre. La Corse n’a hélas rien à envier aux banlieues françaises à ce niveau-là. 
 
Notre île traverse des jours sombres marqués par un regain de violence et des épisodes de guérillas urbaines inédits. Oui, les évènements survenus à la prison d’Arles constituent une faute grave de l’administration pénitentiaire. Oui, le Gouvernement est resté sourd aux demandes répétées émanant des élus de la Corse pour lever le statut de DPS des trois prisonniers du commando Erignac. Oui, les Corses dans leur grande majorité considèrent que le rapprochement des détenus incarcérés sur le continent, quelle qu’en soit la raison, est légitime pour que les familles ne soient pas également des victimes collatérales. 
 
Pourtant, les excès commis par une partie des manifestants à chaque rassemblement depuis plusieurs semaines vont à l’encontre du désir de justice si revendiqué, à l’application du droit tant réclamé, et surtout, ils plongent la Corse dans l’ornière. 
 
Tous les manifestants ne sont pas en cause. Une partie seulement. On parle de « la jeunesse corse dans la rue » pour désigner les casseurs cagoulés, endoctrinés, et manipulés alors qu’il s’agit d’une minorité activiste. Quel peut-être l’avenir d’une jeunesse qui ferme les lycées qu’elle est censée fréquenter ? Studià un saria piu libertà ? qui assiège les institutions chargées du bien commun ? qui fait l’apologie du crime en érigeant en héros et en martyrs des personnes condamnées pour assassinat ? qui insulte via des tags des élus parce qu’il ne sont pas nationalistes ?
 
Dans un souci revigoré de manipulation politique, d’aucuns parlent du soutien de l’opinion insulaire envers ces agissements. Je ne le crois pas. Je pense plutôt qu’une majorité silencieuse, lasse de l’agitation politique, est effectivement désireuse de faire le deuil du traumatisme de l’affaire Erignac. De la mort de Claude Erignac à celle d’Yvan Colonna, que de drames à l’inanité pourtant lourde de conséquences, que de malheurs inutiles de toutes parts, que de plaies béantes, de veuves, d’orphelins, et il n’y a pas de mot pour désigner des parents privés de leurs enfants…
Tourner la page pour avancer. Ça passe justement par le rapprochement. Cette même majorité silencieuse ne cautionne en rien la violence inouïe qui ravage nos centres villes, les banderoles anti-françaises, les slogans infamants, les incendies de drapeaux tricolores sur le rouge desquels nos aînés ont versé leur sang en se battant fièrement à l’occasion des conflits mondiaux. Ne leur devons-nous pas le plus grand respect également ?
 
La Corse qui se lève tôt, qui travaille, qui veut ouvrir des perspectives aux générations futures, ne peut avaliser un tel chaos. A quoi rime le déferlement de haine et de destruction dans les rues d’Ajaccio, forçant à l’évacuation d’habitants mis en danger, certains malades ou âgés. 
 
« Les grandes douleurs sont muettes » disait Sénèque. Doit-on pour autant se résigner dans un silence assourdissant ? Je ne le pense pas. La violence commence où la parole s’arrête. Puisse à l’inverse le dialogue faire cesser la violence. Des commissions d’enquêtes seront chargées d’éclaircir ce qu’il s’est passé à Arles. Le dialogue est ouvert par le Gouvernement auprès des élus de la Corse. Nul ne conteste que la Corse soit elle-même, qu’elle assume son identité et que ses spécificités trouvent une réalité dans le droit. Je suis de ceux qui pensent avec ardeur que la République française peut et doit être le cadre d’épanouissement de notre île. Les nationalistes veulent-ils ce dialogue ? Ce genre d’exactions est de nature à le faire capoter. Pour ce qui me concerne, je n’entends pas participer à des réunions si autour de cette même table les élus nationalistes siégeant à l’Assemblée ne condamnent pas ces débordements et les insultes proférés envers des élus de la Corse. Toutes les obédiences nationalistes ont participé à cette dernière manifestation, y compris le Président Simeoni qui était au départ du rassemblement. En cautionne-t-il les excès ? Nous avons besoin de savoir si nous allons participer à des réunions avec des responsables qui nous considèrent comme des « collabos » !
 
L’exécutif en responsabilité depuis plus de six ans se présente comme autonomiste et semble être resté au milieu du guet, tiraillé entre l’exercice du pouvoir et la rhétorique populiste consistant à viser tous confondus l’État, la droite, la gauche, les majorités antérieures, les opposants politiques comme étant responsables des maux de la Corse. Des maux qu’il était censé panser et non orchestrer. 
Et pourtant, la Corse est à l’arrêt sur les sujets fondamentaux qui touchent au quotidien et qui relèvent des compétences de la collectivité désormais unique. Par cet incessant exercice de déresponsabilisation, dont le point d’orgue mensuel est le discours martial contre l’État du Président de l’exécutif à l’ouverture de chaque session de l’Assemblée de Corse, comment ne pouvait-on pas en arriver là ? Anatole France, le bien nommé, considérait que les modérés s’opposaient toujours modérément à la violence. La majorité territoriale cautionne-t-elle ce qu’il se passe désormais en marge de chaque manifestation avec ce que cela implique en termes de risques pour les vies humaines de part et d’autre, de dégradation de biens publics ou privés, du mobilier urbain, etc… 
 
La colère a embrasé la Corse. Et une frange de la jeunesse a ravivé l’impasse de la violence. Il est temps désormais de revenir à la raison, que l’autorité de l’Etat soit restaurée et que la Corse dans sa diversité politique s’engage dans le processus de discussion avec calme et sérénité. Nous disposons d’institutions démocratiques qui n’ont pas à se voir supplantées par le désordre de la rue. 
Je suis pleinement solidaire du maire d’Ajaccio, Laurent Marcangeli, injustement mis en cause en marge de la manifestation, et j’appelle tous les élus de la Corse à lui apporter leur soutien.