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TRIBUNE. En Corse, un nouveau féminicide passé sous silence


La rédaction le Mardi 18 Octobre 2022 à 09:01

Alors que la lutte contre les violences faites aux femmes est l’une des priorités du gouvernement et de l'exécutif corse, le meurtre d'une jeune ajaccienne, vendredi 14 octobre, dans le quartier du Finosello, est passé totalement inaperçu. On a attendu pendant plusieurs jours des réactions publiques, mais elles ne sont jamais arrivées, mis à part celles des associations féministes comme "Collages feminicides" ou des associations de prise en charge des victimes telles que Femmes Solidaires, Donne Surelle, ou encore l'Association Savannah.
"Tant de silences assourdissants et coupables aujourd’hui encore après ce nouveau drame." écrit dans une tribune Laetitia Maroccu, la présidente de Donne Surelle, qui regrette, comme on le regrette tous, "le silence de plomb qui s'est de nouveau abattu sur notre île depuis ce 14 octobre 2022."



Le 14 octobre 2022, une jeune Ajaccienne a été assassinée par son compagnon. 
Elle avait 23 ans, on pouvait la croiser dans notre ville comme on peut croiser une de nos amies, une sœur, une cousine.

Depuis le début de l’année, 103 femmes sur le territoire national ont été tuées par des hommes. 89 sont mortes parce que leurs compagnons ou ex-compagnons l’ont décidé ainsi. Elles ont toutes perdu la vie parce que femmes. Une femme meurt tous les 3 jours de cette volonté mortifère d’un homme qui a partagé sa vie.
Depuis quelques années, le terme féminicide est employé pour désigner cette cause de décès.  

En septembre 2019, Présidente de l’Association Donne e Surelle, j’écrivais déjà une tribune publiée dans Corse Matin signée par une centaine de personnes, membres de la société civile engagés, associations locales, élus locaux. C’était un appel à la mobilisation générale à l’occasion du Grenelle des violences conjugales initié par le gouvernement. Depuis 2020, je suis élue de la Ville d’Ajaccio en charge de l’Égalité femmes hommes et de la Protection de l’Enfance.

Que s’est-il passé depuis 3 ans qui a changé le fait que des femmes meurent, car femmes? 
Sommes-nous sortis du silence pour sauver des vies? 
Les hommes qui ont seuls le pouvoir d’agir sur les politiques publiques, sur les décisions de justice, sont-ils activement à nos côtés pour lutter contre ce fléau? 
Les femmes sont-elles les meilleures alliées de ces victimes? 

Tant de questions avec de tristes réponses. 

Tant de silences assourdissants et coupables aujourd’hui encore après ce nouveau drame. 

Tant que le meurtre de femmes par conjoint sera considéré comme un fait divers, comme un crime "passionnel".

Tant que le plus grand nombre (société, hommes d’État, Éducation nationale, Juges, médias…) ne s’élèvera pas massivement contre la violence, le patriarcat, les inégalités femmes-hommes : les violences conjugales, intrafamiliales, les féminicides, ne cesseront pas. Les bancs rouges et les marches blanches sont nos plus grandes manifestations d’impuissance. 

Les silences, que je qualifiais de « coupables » déjà en 2019, des personnalités publiques, les commentaires de la société que l’on retrouve parfois sous les articles de presse en disent long sur ce sujet pourtant déclaré aujourd’hui de santé publique.

 Ce nouveau féminicide a été commis pendant la semaine de l’Agora de la santé organisée dans notre île par l’ARS dont la thématique était la violence et la santé en Corse. Nous cherchons encore des solutions pour éradiquer ce fléau. Depuis mai, après Bastia, l’hôpital d’Ajaccio s’est muni d’un service spécialement dédié à l’accueil des victimes sous forme d’unité médico-judiciaire facilitant les démarches de prises en charge.

Aujourd’hui a lieu l’inauguration à Corte du Centre de Prise en Charge des Auteurs de violences conjugales. Ce combat contre la violence envers les femmes, comme peut l’être celui contre l’antisémitisme ou l’homophobie est difficile, car il est difficile et long de changer les mentalités ou de faire de l’éducation à l’égalité une priorité. 

En attendant cette "Révolution", il est vital de rappeler que se taire, c'est cautionner. Être complices. Et nous, femmes engagées, avons constaté qu'un silence de plomb s'est de nouveau abattu sur notre île depuis ce 14 octobre 2022.