Jean-Félix Acquaviva, député de la 2nde circonscription de Haute-Corse, vice-président du groupe parlementaire Libertés & Territoires, secrétaire national du parti Femu a Corsica.
- Ce vote en Commission des lois, est-ce une étape importante de franchie ?
- Oui ! C’est une étape symbolique, politique et démocratique importante qui a été franchie ce mercredi matin. La Commission des lois a donné un avis favorable à l’ensemble de la proposition de loi, que nous présentions, et sur chacun des articles. Des groupes politiques ont jugé qu’il fallait, d’ici à la séance publique du 8 avril, retravailler certains articles, notamment la fiscalité et la taxe sur les résidences secondaires, et proposer des alternatives éventuelles pour sécuriser juridiquement le texte. J’ai bien précisé que nous étions sur un chemin de crête juridique. Il y a d’autre alternative à droit constant à la taxe que nous proposons et qui pourrait s’assimiler à une recette intéressante pour la Collectivité de Corse (CdC), mais aussi pour les communes. Une recette qui soit adaptée à la Corse, car il ne s’agit pas de normaliser une taxe sur les résidences secondaires qui ne correspondrait pas à la réalité insulaire. Dans l’adaptation du dispositif de droit commun, on pourrait, donc, trouver les voies et moyens d’avancer et de faire en sorte que cet article soit adopté en séance publique.
- Et pour le droit de préemption de la Collectivité de Corse ?
- Il a fait l’objet, lors des débats en Commission des lois, d’une acceptation. Il existe déjà, d’ailleurs, aujourd’hui une situation juridique qui va dans ce sens. De même pour l’autre mesure qui renforce la possibilité donnée au PADDUC d’établir, à l’instar des ESA (Espaces stratégiques agricoles), des espaces économiques et sociaux d’équilibre à l’échelle territoriale avec lesquels les SCOTS et les PLU communaux et intercommunaux doivent être compatibles. Un cheminement a convergé à la Commission des lois. Tout comme sur la question de l’expérimentation par la Collectivité de Corse pour une différenciation des règles. Cette mesure a reçu un avis plutôt bienveillant de la Commission des lois. Ce n’est malheureusement pas l’autonomie, mais c’est une première étape.
- A l’Assemblée de Corse, la droite a annoncé que la taxe sur les résidences secondaires avait été jugée, par vos pairs, inconstitutionnelle ?
- Absolument pas ! Comment la Commission des lois aurait-elle pu juger, vendredi, avant le débat de ce matin, que la loi était inconstitutionnelle ! Il faut comprendre comment se fabrique une loi. Le rapporteur, que je suis, a auditionné, pendant trois jours, un certain nombre d’experts politiques, juridiques, des bureaux d’études... et ce, flanqué de deux administrateurs de la Commission des lois. Ce sont des moyens techniques et humains qui sont mis à la disposition des députés, avec les collaborateurs, pour traduire juridiquement les éléments d’un projet de loi. Nous avons, par exemple, repris l’article concernant le droit de préemption que j’ai amendé. C’est le même article, mais je lui ai adjoint quelques termes techniques qui permettent de le sécuriser juridiquement. Par exemple, concernant la personne morale pour que les parts sociales puissent faire aussi l’objet de retransmission, ou encore le respect du droit de propriété de l’individu. Si au bout de cinq ans, le projet d’intérêt général porté par la Collectivité de Corse, au nom duquel elle préempte, ne se fait pas, on a rajouté un droit de rétrocession à la personne qui a vendu son terrain. Cette personne a un droit de préemption sur la vente que ferait alors la Collectivité. Ce sont des points que nous avons retravaillé suite aux auditions, mais le dispositif initial du droit de préemption reste identique.
- Il n’y a, donc, pas de problème de constitutionnalité ?
- Non ! Il n’y a pas de problème de constitutionnalité sur le cœur de notre proposition qui est le droit de préemption. Ni même sur le zonage par le PADDUC pour exclure les résidences secondaires, les AirBnB et autres… de certaines zones du PLU. Il y a juste, concernant la taxe sur les résidences secondaires, une interprétation potentielle d’anti-constitutionnalité. Mais elle n’est pas garantie à ce jour ! La Collectivité de Corse, contrairement à d’autres régions françaises, a déjà des taxes spécifiques : par exemple, la taxe sur le transport ou la taxe sur les tabacs. La Commission des lois a validé le principe de cette taxe, tout en disant, par la voix de certains groupes politiques, qu’il faut travailler à des alternatives de taxe pour sécuriser le dispositif. Donc, d’ici au 8 avril, nous allons travailler à trouver des alternatives dans le but d’aboutir à un dispositif qui soit opérationnel. Nous verrons alors quelle sera la position du gouvernement qui n’est pas représenté en Commission des lois. C’est la principale problématique.
- Les parlementaires LREM présents en Commission n’ont-ils pas donné la tendance ?
- Ils ont voté certains articles et sont restés réservés sur d’autres. Ils l’ont fait pour donner des signes à la Corse de leur volonté de construire avec nous quelque chose de pertinent. Mais cela ne veut pas dire que c’est la position du ministère concerné. La rencontre en séance avec le gouvernement n’est pas gagnée ! Il y a quand même un bras de fer politique en perspective ! Néanmoins, le gouvernement va se retrouver en difficulté sur le fait de refuser tout ce que nous proposons. Notre proposition de loi contre la spéculation foncière et immobilière est une façon de lui dire qu’on ne peut pas attendre la prochaine réforme constitutionnelle pour agir. Beaucoup de choses mériterait évidemment d’être inscrites dans la Constitution, ce qui nous permettrait de mieux agir dans la maîtrise du foncier, mais si on attend la prochaine réforme constitutionnelle qu’on souhaite de nos vœux, il se passera entre 5 et 10 ans. Il y a urgence ! Il faut commencer à cheminer de manière forte à droit constant à travers des dispositifs de maîtrise et d’une politique qui permet de réguler la situation foncière et immobilière, l’accession sociale à la propriété et le logement social. Ce discours a été entendu sur le plan politique par la Commission des lois et par l’ensemble des groupes, à l’exception des Républicains qui ont été foncièrement contre.
- Pourquoi le groupe LR a-t-il voté contre ?
- Le groupe LR a avancé des arguments faussement juridiques, notamment une rupture d’égalité entre les Corses et les autres citoyens. Ce n’est pas du tout notre proposition de loi ! C’est même hors-cadre d’un point de vue juridique, et cela a été considéré comme tel par d’autres groupes politiques. Un seul député républicain à converger avec nous, Guillaume Larrivé. Entre une abstention bienveillante, des votes favorables ou très favorables, il y a eu une convergence politique qui allait des Communistes, à la France insoumise, aux Socialistes, à l’UDI, au Modem, à LREM, et même au groupe Agir qui était, au début, plus réticent. Une convergence très forte sur le constat que nous faisions et même sur les pistes que nous proposions, même si les abstentions soulignaient qu’il fallait, comme je l’ai dit, les peaufiner, les travailler d’ici à la séance publique. Cela veut dire que cet acte politique n’est pas neutre !
- Pensez-vous que gouvernement le prendra en compte ?
- Le gouvernement ne peut pas dire « Non » à tout, pour de fausses raisons ! Il ne peut pas dire « Non » à la démocratie qui s’est exprimée en Corse et qui veut des solutions sur ce problème-là. Il est obligé de le prendre en compte un tant soit peu, si la démocratie est une notion qui existe ! Non seulement nous sommes des élus de la Corse, élus démocratiquement, non seulement nous arrivons en séance de Commission des lois avec l’avis favorable de l’Assemblée de Corse, non seulement nous avons auditionné et réécrit un certain nombre de choses dans ce texte, mais, en plus, nous avons obtenu l’avis favorable de la Commission des lois, donc de la grande majorité des groupes parlementaires constitués de l’Assemblée nationale. Il y a, quand même, qu’on le veuille ou non, de notre point de vue, une nécessité démocratique pour le gouvernement à prendre la main que nous lui tendons, l’ensemble de ces éléments renforçant le poids démocratique de notre main tendue. Souvent le gouvernement brandit l’argument de la constitutionnalité à tort et à travers, sans rentrer dans la définition technique qui permettrait d’innover en prenant appui sur le statut particulier actuel de la Corse. Notre proposition permet une avancée avec des moyens proportionnels, capables de contrecarrer les scandales de la spéculation foncière et immobilière. L’offre de compromis, que nous mettons sur la table, est aujourd’hui renforcée, c’est maintenant au gouvernement de faire sa part du chemin.
- Qu’allez-vous faire pour préparer ce bras de fer politique ?
- Nous allons continuer le travail pour que la convergence, qui s’est faite jour en Commission des lois avec les groupes parlementaires, se manifeste de manière encore plus forte et plus large en séance publique, en cas de réticence du gouvernement. Nous avons une certaine capacité à démocratiquement peser pour que cette question-là débouche le 8 avril, ou, à défaut, débouche dans la loi de décentralisation 4D qui arrivera en discussion au Parlement en septembre-octobre. Le travail, que nous avons fait jusqu’à aujourd’hui, démontre la crédibilité de notre démarche.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Oui ! C’est une étape symbolique, politique et démocratique importante qui a été franchie ce mercredi matin. La Commission des lois a donné un avis favorable à l’ensemble de la proposition de loi, que nous présentions, et sur chacun des articles. Des groupes politiques ont jugé qu’il fallait, d’ici à la séance publique du 8 avril, retravailler certains articles, notamment la fiscalité et la taxe sur les résidences secondaires, et proposer des alternatives éventuelles pour sécuriser juridiquement le texte. J’ai bien précisé que nous étions sur un chemin de crête juridique. Il y a d’autre alternative à droit constant à la taxe que nous proposons et qui pourrait s’assimiler à une recette intéressante pour la Collectivité de Corse (CdC), mais aussi pour les communes. Une recette qui soit adaptée à la Corse, car il ne s’agit pas de normaliser une taxe sur les résidences secondaires qui ne correspondrait pas à la réalité insulaire. Dans l’adaptation du dispositif de droit commun, on pourrait, donc, trouver les voies et moyens d’avancer et de faire en sorte que cet article soit adopté en séance publique.
- Et pour le droit de préemption de la Collectivité de Corse ?
- Il a fait l’objet, lors des débats en Commission des lois, d’une acceptation. Il existe déjà, d’ailleurs, aujourd’hui une situation juridique qui va dans ce sens. De même pour l’autre mesure qui renforce la possibilité donnée au PADDUC d’établir, à l’instar des ESA (Espaces stratégiques agricoles), des espaces économiques et sociaux d’équilibre à l’échelle territoriale avec lesquels les SCOTS et les PLU communaux et intercommunaux doivent être compatibles. Un cheminement a convergé à la Commission des lois. Tout comme sur la question de l’expérimentation par la Collectivité de Corse pour une différenciation des règles. Cette mesure a reçu un avis plutôt bienveillant de la Commission des lois. Ce n’est malheureusement pas l’autonomie, mais c’est une première étape.
- A l’Assemblée de Corse, la droite a annoncé que la taxe sur les résidences secondaires avait été jugée, par vos pairs, inconstitutionnelle ?
- Absolument pas ! Comment la Commission des lois aurait-elle pu juger, vendredi, avant le débat de ce matin, que la loi était inconstitutionnelle ! Il faut comprendre comment se fabrique une loi. Le rapporteur, que je suis, a auditionné, pendant trois jours, un certain nombre d’experts politiques, juridiques, des bureaux d’études... et ce, flanqué de deux administrateurs de la Commission des lois. Ce sont des moyens techniques et humains qui sont mis à la disposition des députés, avec les collaborateurs, pour traduire juridiquement les éléments d’un projet de loi. Nous avons, par exemple, repris l’article concernant le droit de préemption que j’ai amendé. C’est le même article, mais je lui ai adjoint quelques termes techniques qui permettent de le sécuriser juridiquement. Par exemple, concernant la personne morale pour que les parts sociales puissent faire aussi l’objet de retransmission, ou encore le respect du droit de propriété de l’individu. Si au bout de cinq ans, le projet d’intérêt général porté par la Collectivité de Corse, au nom duquel elle préempte, ne se fait pas, on a rajouté un droit de rétrocession à la personne qui a vendu son terrain. Cette personne a un droit de préemption sur la vente que ferait alors la Collectivité. Ce sont des points que nous avons retravaillé suite aux auditions, mais le dispositif initial du droit de préemption reste identique.
- Il n’y a, donc, pas de problème de constitutionnalité ?
- Non ! Il n’y a pas de problème de constitutionnalité sur le cœur de notre proposition qui est le droit de préemption. Ni même sur le zonage par le PADDUC pour exclure les résidences secondaires, les AirBnB et autres… de certaines zones du PLU. Il y a juste, concernant la taxe sur les résidences secondaires, une interprétation potentielle d’anti-constitutionnalité. Mais elle n’est pas garantie à ce jour ! La Collectivité de Corse, contrairement à d’autres régions françaises, a déjà des taxes spécifiques : par exemple, la taxe sur le transport ou la taxe sur les tabacs. La Commission des lois a validé le principe de cette taxe, tout en disant, par la voix de certains groupes politiques, qu’il faut travailler à des alternatives de taxe pour sécuriser le dispositif. Donc, d’ici au 8 avril, nous allons travailler à trouver des alternatives dans le but d’aboutir à un dispositif qui soit opérationnel. Nous verrons alors quelle sera la position du gouvernement qui n’est pas représenté en Commission des lois. C’est la principale problématique.
- Les parlementaires LREM présents en Commission n’ont-ils pas donné la tendance ?
- Ils ont voté certains articles et sont restés réservés sur d’autres. Ils l’ont fait pour donner des signes à la Corse de leur volonté de construire avec nous quelque chose de pertinent. Mais cela ne veut pas dire que c’est la position du ministère concerné. La rencontre en séance avec le gouvernement n’est pas gagnée ! Il y a quand même un bras de fer politique en perspective ! Néanmoins, le gouvernement va se retrouver en difficulté sur le fait de refuser tout ce que nous proposons. Notre proposition de loi contre la spéculation foncière et immobilière est une façon de lui dire qu’on ne peut pas attendre la prochaine réforme constitutionnelle pour agir. Beaucoup de choses mériterait évidemment d’être inscrites dans la Constitution, ce qui nous permettrait de mieux agir dans la maîtrise du foncier, mais si on attend la prochaine réforme constitutionnelle qu’on souhaite de nos vœux, il se passera entre 5 et 10 ans. Il y a urgence ! Il faut commencer à cheminer de manière forte à droit constant à travers des dispositifs de maîtrise et d’une politique qui permet de réguler la situation foncière et immobilière, l’accession sociale à la propriété et le logement social. Ce discours a été entendu sur le plan politique par la Commission des lois et par l’ensemble des groupes, à l’exception des Républicains qui ont été foncièrement contre.
- Pourquoi le groupe LR a-t-il voté contre ?
- Le groupe LR a avancé des arguments faussement juridiques, notamment une rupture d’égalité entre les Corses et les autres citoyens. Ce n’est pas du tout notre proposition de loi ! C’est même hors-cadre d’un point de vue juridique, et cela a été considéré comme tel par d’autres groupes politiques. Un seul député républicain à converger avec nous, Guillaume Larrivé. Entre une abstention bienveillante, des votes favorables ou très favorables, il y a eu une convergence politique qui allait des Communistes, à la France insoumise, aux Socialistes, à l’UDI, au Modem, à LREM, et même au groupe Agir qui était, au début, plus réticent. Une convergence très forte sur le constat que nous faisions et même sur les pistes que nous proposions, même si les abstentions soulignaient qu’il fallait, comme je l’ai dit, les peaufiner, les travailler d’ici à la séance publique. Cela veut dire que cet acte politique n’est pas neutre !
- Pensez-vous que gouvernement le prendra en compte ?
- Le gouvernement ne peut pas dire « Non » à tout, pour de fausses raisons ! Il ne peut pas dire « Non » à la démocratie qui s’est exprimée en Corse et qui veut des solutions sur ce problème-là. Il est obligé de le prendre en compte un tant soit peu, si la démocratie est une notion qui existe ! Non seulement nous sommes des élus de la Corse, élus démocratiquement, non seulement nous arrivons en séance de Commission des lois avec l’avis favorable de l’Assemblée de Corse, non seulement nous avons auditionné et réécrit un certain nombre de choses dans ce texte, mais, en plus, nous avons obtenu l’avis favorable de la Commission des lois, donc de la grande majorité des groupes parlementaires constitués de l’Assemblée nationale. Il y a, quand même, qu’on le veuille ou non, de notre point de vue, une nécessité démocratique pour le gouvernement à prendre la main que nous lui tendons, l’ensemble de ces éléments renforçant le poids démocratique de notre main tendue. Souvent le gouvernement brandit l’argument de la constitutionnalité à tort et à travers, sans rentrer dans la définition technique qui permettrait d’innover en prenant appui sur le statut particulier actuel de la Corse. Notre proposition permet une avancée avec des moyens proportionnels, capables de contrecarrer les scandales de la spéculation foncière et immobilière. L’offre de compromis, que nous mettons sur la table, est aujourd’hui renforcée, c’est maintenant au gouvernement de faire sa part du chemin.
- Qu’allez-vous faire pour préparer ce bras de fer politique ?
- Nous allons continuer le travail pour que la convergence, qui s’est faite jour en Commission des lois avec les groupes parlementaires, se manifeste de manière encore plus forte et plus large en séance publique, en cas de réticence du gouvernement. Nous avons une certaine capacité à démocratiquement peser pour que cette question-là débouche le 8 avril, ou, à défaut, débouche dans la loi de décentralisation 4D qui arrivera en discussion au Parlement en septembre-octobre. Le travail, que nous avons fait jusqu’à aujourd’hui, démontre la crédibilité de notre démarche.
Propos recueillis par Nicole MARI.