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Semaine européenne des régions : La Corse, les Baléares, la Sardaigne et Gozo mettent la pression sur l’insularité


Nicole Mari le Mardi 8 Octobre 2019 à 19:49

Voyage éclair à Bruxelles pour le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse et président de la Commission des îles de la Conférence des régions périphériques et maritimes (CRPM), Gilles Simeoni, pour défendre la condition des îles auprès de l’Union européenne. Dans le cadre de la Semaine européenne des villes et régions, il a tenu, avec les Baléares, Gozo et la Sardaigne, une conférence politique sur les défis et l’avenir de l’insularité, et signé une déclaration solennelle pour leur prise en compte dans les prochaines politiques publiques communautaires. Une conférence très suivie avec la présence de nombreux députés européens.



Le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse et président de la Commission des îles de la Conférence des régions périphériques et maritimes (CRPM), Gilles Simeoni, entouré de Justyne Caruana, ministre de Gozo, Francina Armengol, présidente des Baléares, et d’Eleni Marianou, secrétaire générale de la CRPM, à Bruxelles dans le cadre de la Semaine européenne des régions et des villes.
Le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse et président de la Commission des îles de la Conférence des régions périphériques et maritimes (CRPM), Gilles Simeoni, entouré de Justyne Caruana, ministre de Gozo, Francina Armengol, présidente des Baléares, et d’Eleni Marianou, secrétaire générale de la CRPM, à Bruxelles dans le cadre de la Semaine européenne des régions et des villes.
Du lobbying. C’est ce que le président de l’Exécutif corse et président de la Commission des îles de la CRPM est venu faire à Bruxelles, mardi matin, dans le cadre de la Semaine européenne des villes et des régions. A l’initiative de Francina Armengol, présidente des Baléares, en compagnie de Justyne Caruana, ministre de Gozo, de la Sardaigne dont le président a été excusé, et d’Eleni Marianou, secrétaire générale de la CRPM, et en présence d’un parterre de députés européens insulaires dont François Alfonsi, du vice-président de la Sicile, Gaetano Armao, du vice-président du Comité des régions (COR), le Finlandais Markku Markula, et de la conseillère exécutive en charge des affaires européennes et membre du COR, Nanette Maupertuis, il a participé à une conférence, qui s’est voulue hautement politique, sur les défis et l’avenir de l’insularité et leur prise en compte dans les politiques publiques européennes. « C’est un long chemin qui a commencé il y a plus de 20 ans » remarque Gilles Simeoni. Il rappelle que, dès son accession aux responsabilités, il a décidé de se rapprocher de la Sardaigne et des Baléares et de signer un accord de coopération tripartite en novembre 2016, déjà pour « défendre nos intérêts communs dans une perspective d’intégration euro-méditerranéenne, de facilitation de la connexion des îles à leur environnement, dans le sens aussi du développement durable et du bien-être des citoyens et des peuples que nous représentons ».
 
Une déclaration solennelle
En février dernier, les présidents des trois régions avaient adressé un courrier officiel commun aux gouvernements de leurs Etats respectifs et de la Commission européenne pour obtenir la mise en place d’une clause d’insularité, notamment à travers la notion de discontinuité géographique et l’application de l’article 174 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne (UE) qui prévoit des politiques adaptées pour les territoires insulaires, « des territoires qui subissent les contraintes objectives de l'insularité - la crise économique et sociale actuelle le démontre cruellement -, mais qui ne bénéficient pas de politiques dédiées », ajoute-t-il. Un lobbying que Gilles Simeoni a poursuivi assidument dans le cadre de sa présidence à la Commission des îles et qui a été largement relayé à Bruxelles par Nanette Maupertuis, dont l’avis sur « l'entrepreneuriat dans les îles » a été adopté à l’unanimité par le COR. Ce 8 octobre, il s’agissait pour les trois îles, renforcée par l’île de Gozo, d’accentuer la pression à travers la signature d’une déclaration solennelle. « C’est une déclaration politique très importante. La Corse, la Sardaigne et les Baléares sont unies depuis le début. Là s’ajoute Gozo. La Sicile nous a aussi exprimé son soutien, ce qui est fondamental. J’espère que les demandes, que nous avons formulées, seront prises en compte et que nous serons traitées de manière différente pour avoir les mêmes droits que les citoyens du continent. Cela doit se refléter dans les fonds européens qui seront opérationnels pour la période 2021-2027 », résume Francina Armengol qui se veut résolument optimiste.

Un principe d'égalité
C’est qu’il y a urgence ! Les négociations budgétaires, suspendues un temps par les élections européennes, ayant reprises, les lobbies s’organisent et s’activent de tous côtés. Les îles méditerranéennes ont peu de temps pour faire entendre leurs voix et forcer Bruxelles à mieux comprendre leurs besoins. « Notre rencontre d’aujourd’hui est fondamentalement politique. Nous sommes là pour dire que nous sommes viscéralement des Européens et que nous croyons à l’Europe. Nous pensons que le projet européen est fédérateur. Dire que nous espérons plus et mieux de l’Europe, cela veut dire que nous croyons dans le projet politique, économique et social européen. Mais nous considérons qu’en l’état des propositions du budget post 2020, nos besoins ne sont pas assez considérés. Certaines régions insulaires cumulent les critères exigés par l’article 174 alors que chacun d’entre eux pris séparément justifie l’application de cet article. La Commission des îles a déjà beaucoup travaillé au plan technique pour lister ces contraintes et énoncer des propositions pour y remédier ». A la Commission européenne qui objecte qu’il y a autant de contraintes différentes qu’il y a d’îles, il rétorque : « Nous avons une communauté de contraintes qui doit amener une communauté de solutions ». Il insiste que le fait que « la Méditerranée est un endroit stratégique où se jouent des enjeux prioritaires. Nous ne demandons pas une rupture d’égalité avec les autres citoyens européens, mais au contraire, l’application du principe d’égalité. Les problèmes des transports ou du développement économique sont des contraintes objectives. Nous ne sommes pas des territoires ultrapériphériques, mais des territoires périphériques et excentrés, nous demandons que l’UE prenne en compte ces contraintes par l’insertion d’une clause d’insularité dans les politiques et donne un contenu concret à l’article 174 ».
 
Des îles en première ligne
Une clause que la fragilité des îles méditerranéennes, touchée de plein fouet par toutes les crises qui traversent l’Europe – crise migratoire, pollution, protection de l’environnement, réchauffement climatique, contraintes économiques, déclassement social… – rend quasiment vital. Les îles, bien plus vulnérables au dérèglement climatique et ultra-dépendantes des transports aériens et maritimes, craignent d’être pénalisées par les nouvelles stratégies de développement durable. « Notre économie est fragile. Nous devons affronter les problèmes. Nous sommes en première ligne de la crise migratoire - la Méditerranée est devenue un cimetière -, de la crise de l’environnement - la mer Méditerranée est très polluée… Nous cumulons les désavantages économiques et sociaux alors que nous devrions exploiter les opportunités que le bassin méditerranéen nous offre. Pour résoudre cela, il faut collaborer entre îles et devenir un hub de développement. Mais, nous ne sommes pas soutenus », estime la présidente des Baléares dans un vibrant plaidoyer. « Les îles méditerranées sont confrontées aux problèmes de toute l’UE, mais l’UE a oublié notre situation périphérique. Nous dépendons toujours de l’espace maritime, nous sommes un carrefour avec d’autres continents. Il y a une barrière physique entre nous et le continent, il est parfois difficile de mettre en œuvre des solutions, mais nous devons les trouver. Nous devons agir de façon plus coordonnée. Notre succès peut être celui de l’UE. Nous avons beaucoup à apporter dans la lutte pour la réduction des déchets, contre la pollution maritime ou la mise en place de transports propres. C’est bien d’avoir la croissance économique, mais si on ne peut pas la pérenniser, cela ne sert à rien ! ».

L’exemple de Gozo
C’est bien l’avis de la ministre de Gozo, membre du gouvernement de Malte qui a pris la question de l’insularité à cœur pendant sa présidence de l’UE. « Il faut dépasser la réglementation rigide et obtenir une certaine flexibilité et un cadre adéquat ». Justyne Caruana prend son île en exemple, la plus petite de l’UE, pour expliquer les défis auxquels les insulaires sont confrontés « Les difficultés sont considérables, la dépendance absolue à l’île de Malte. Malgré cela, nous connaissons un développement économique sans précédent : 5% de la croissance de Malte, Gozo est un contributeur net au PIB national. Malte a développé un paquet de mesures infra-sectorielles pour Gozo concernant l’accès aux infrastructures, à la connectivité, à la numérisation pour mieux explorer des secteurs à haute valeur ajoutée. Les aides d’Etat sont importantes pour compenser les handicaps structurels. Elles doivent être garanties pour créer le meilleur environnement économique possible. Elles donnent des résultats : l’économie de Gozo s’ouvre à l’intelligence artificielle et au tourisme de la santé, l’île est la nouvelle plaque tournante de l’innovation avec la participation de Microsoft et de Google. Son développement va de pair avec la protection de son environnement et de ses paysages, moins de gaspillage et la promotion d’une île sobre en carbone et une croissance bleue. La transition énergétique est très importante pour les îles et essentiel pour l’UE. Il faut que les fonds de transition soient suffisants et que les îles ne soient pas oubliées ».
 
Des territoires pilotes
Pour Justyne Caruana, la coopération avec les autres îles est fondamentale, c’est pourquoi Gozo a rejoint le trio originel. « Nous sommes confrontés chaque jour à des défis et nous devons partager nos expériences pour arriver à un résultat rapide. Nous voulons envoyer un message fort à l’UE : nous sommes petits, mais résistants et résilients, nous sommes forts. Et si l’UE veut se rapprocher des citoyens, comme elle le dit, elle doit nous entendre. Etant petits, nous pouvons avancer de manière rapide, nous pouvons être des territoires pilotes ». L’union faisant la force, la déclaration est ouverte à toutes les îles qui voudraient s’y agréger. Les députés européens présents assurent de leur soutien pour garantir la visibilité des îles sur l’agenda européen. Le député européen de la France Insoumise, le Réunionnais Younous Omarjee, président de la Commission du développement régional, a déjà demandé que la question de l’insularité soit étendue à toutes les îles. « Nous devons créer un guichet unique pour que toutes les questions relatives aux îles soient prises en compte et vérifier que les îles utilisent tous les outils à leur disposition », ajoute Eleni Marianou. « Tous les citoyens européens doivent avoir tous les droits. Certains pays comme l’Espagne ont mis au point des politiques de discrimination positive qu’il faudrait généraliser. Nous souhaitons un livre blanc qui reprenne l’article 174 et acte la clause d’insularité avec l’indice de périphéricité ».
 
Une stratégie opérationnelle
Pragmatique, Gilles Simeoni propose, donc, d’être « le plus opérationnel possible. Nous pouvons décliner la stratégie autour de quatre directions : auprès du Comité des régions, en profitant aussi de la présence de la Finlande pour réfléchir sur le thème de l’économie, de l’entrepreneuriat, de l’innovation et de la transition énergétique où les systèmes insulaires ont quelque chose à apporter, notamment en matière d’économie circulaire. Nous devons prendre des initiatives en matière de lutte contre la pollution, notamment plastique ». Ensuite auprès du parlement européen. Il agrée la proposition du député Alfonsi d’organiser une réunion de travail entre les députés insulaires et la CRPM dont l’assemblée générale se tiendra dans 15 jours à Palerme en Sicile. Egalement de saisir l’opportunité de la présidence croate qui interviendra en janvier  2020 : « La Croatie est un état insulaire, nous devons profiter de ses 6 mois de présidence pour acter un certain nombre d’avancées ». Enfin d’intensifier les rapports avec la commission. «  Nous sommes mobilisés. Nous avons besoin du soutien des états membres de rattachement. Le chemin est tracé. Reste à nous donner les moyens de réussir rapidement ».
 
N.M.