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Sécheresse : les inquiétudes des agriculteurs corses


Julia Sereni le Vendredi 15 Juillet 2022 à 17:16

La sécheresse s’aggrave en Corse. Mercredi 13 juillet, la Haute-Corse est passée en état d’alerte renforcée. De quoi préoccuper les agriculteurs, car le manque d’eau, couplé à la chaleur, peut avoir de lourdes conséquences sur leurs exploitations.



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Fabien Lindori, éleveur ovin à Venzolasca, ne cache pas son inquiétude. « Si je ne peux pas arroser une parcelle d’herbe pour les brebis, le risque est énorme. Vu le prix de l’aliment et du fourrage, si je dois tout acheter, ce sera très difficile, la trésorerie est à sec », s’alarme-t-il. « Nous les éleveurs, nous aimons nos animaux, ne plus pouvoir les alimenter, ce serait dramatique », poursuit-il. Si la situation perdure, pour l’agriculteur, le risque est « à la fois économique, écologique, mais également au niveau du bien-être animal ».

L'éleveur n’est pas le seul à déplorer les conséquences du manque d’eau et des fortes chaleurs. Déjà en juin dernier, Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), syndicat professionnel majoritaire dans la profession agricole en France, estimait que le risque de pertes de rendement est de l’ordre de « 10 à 30 % » selon les régions, car « les céréales sont sèches, brûlées » par les températures excessives.

Des mesures de limitation

Face au risque de pénurie en eau, la préfecture, en concertation avec l’Office d’équipement hydraulique de Corse, la chambre d’agriculture de Haute-Corse et les représentants des filières, a pris des mesures de limitation  de l’usage de l’eau aux professionnels de l’agriculture.
 
Une diminution de la consommation chiffrée à hauteur de « 400 000 mètres cubes par semaine, avec pour conséquence une interdiction de l’arrosage par les professionnels à raison d’un jour par semaine ». Jeudi 14 juillet, premier jour de mise en application de la mesure, « 60 000 mètres cubes d’eau ont été économisés », selon le président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse José Colombani. « Nous en attendions 100 000. Nous espérons donc faire chuter encore la consommation et ainsi gagner les mètres cubes nécessaires pour passer l’été », indique-t-il.

« Nous manquons de stocks d’eau »

Économiser l’eau, c’est une question de survie pour les agriculteurs. « Si les tuyaux sont vides, on ne peut pas faire autrement. Notre but c’est d’avoir de l’eau en septembre », assure Fabien Lindori. Mais si les restrictions s’imposent, elles peuvent aussi avoir un impact sur les exploitations agricoles. Sur l’île, les cultures pourraient-elles être menacées ? « Forcément, si la restriction est trop forte on peut avoir des soucis, peut-être pas la perte de la culture, mais une diminution de sa productivité », explique José Colombani.
 
Dans ce contexte, le président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse se dit « inquiet ». « Mais cela fait vingt ans que je le suis ! », lâche-t-il. « Cela fait un an qu’on tire la sonnette d’alarme, nous avons des sécheresses hivernales couplées à des sécheresses estivales, et nous manquons de stocks d’eau », abonde Fabien Lindori.

Le plan hydraulique comme solution ?

Pour José Colombani, la solution, c’est d’investir dans un plan hydraulique. « La Corse reçoit huit milliard de mètres cubes d’eau par an en général, soit la même quantité d’eau que la Sardaigne. Or, celle-ci a une capacité de retenue d’eau de 2 milliards de mètres cubes et la Corse, 100 millions », argumente-t-il. Le président de la chambre d’Agriculture de Haute-Corse déplore l’absence de soutien de l’État au plan Acqua Nostra 2050. « En ce moment, un plan hydraulique est mis en oeuvre à la Réunion, entièrement financé par l’État, à hauteur de 980 millions d’euros. Il y a une injustice », estime-t-il.
 
En attendant de trouver une solution à l’épineux problème de la gestion de la ressource en eau, Fabien Lindori espère que les mesures préfectorales permettront de conserver un stock suffisant pour passer l’été. « Si tout le monde joue le jeu, on arrivera jusqu’à mi-septembre mais quand on voit l’utilisation de certains particuliers, il y a de quoi être sceptique… », conclut-il.