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Prostitution : Le problème abordé collectivement, et pour la première fois, en Haute-Corse


le Jeudi 15 Octobre 2015 à 15:18

Une journée d’information et de sensibilisation sur le thème de la « Prostitution et la Traite des Etres humains » a eu lieu pour la première fois mardi en Haute-Corse. La journée, inscrite dans le cadre d’un partenariat fort entre l’Etat (DDCSPP/Mission départementale aux droits des femmes et à l’égalité) et le conseil départemental de Haute-Corse, s'est déroulée dans la salle de délibération du Conseil départemental de Haute-Corse à Bastia.



Cette journée a réuni des professionnels des divers champs concernés : sécurité, justice, santé, social, éducation et monde associatif
Cette journée a réuni des professionnels des divers champs concernés : sécurité, justice, santé, social, éducation et monde associatif
Les débats ont  été animés par deux intervenants du dispositif national d’accueil et de protection des victimes de la traite  Ac.sé (Accueil sécurisé) de l’association ALC (Accompagnement Lieu d’accueil Carrefour éducatif et social), reconnu comme acteur privilégié pour la formation desde l’association ALC (Accompagnement Lieu d’accueil Carrefour éducatif et social), reconnu comme acteur privilégié pour la formation des professionnels par le Plan d’action national : Patrick Hauvuy, directeur du pôle PHI et Federica Marengo, coordinatrice du dispositif National AC.Sé de l’association.

Cette journée a réuni des professionnels des divers champs concernés : sécurité, justice, santé, social largement représenté, éducation et monde associatif. Elle a permis d'aborder collectivement et pour la première fois,  le sujet de la prostitution dans ses différentes formes, causes et conséquences afin de permettre aux professionnels du territoire de disposer de repères dans l'identification et l'accompagnement des personnes en situation de prostitution et/ou victime de traite des êtres humains.

L’action a répondu a une véritable attente et un réel besoin, 90 inscriptions dont toutes les demandes n’ont pu être satisfaites.
Après la présentation du dispositif et des missions de l’association ALC, le programme s’est déroulé en posant le cadre légal et la définition de la « prostitution », les régimes juridiques, la législation française, lois du droit français, en conformité aux textes européens et internationaux : Le Plan d’action national contre la traite des êtres humains (2014-2016) prenant en compte toutes les formes d’exploitation ainsi que les objectifs poursuivis, la proposition de Loi contre le système prostitutionnel déposée le 10 octobre 2013 à l’assemblée nationale et réexaminée en 2ème lecture par le sénat le 14/10/2015.
Ce texte répond à 4 enjeux : lutter contre les réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains, renforcer les droits des victimes et permettre de sortir de la prostitution, donner à notre société les moyens d’une éducation à la sexualité qui éclaire les jeunes sur le respect mutuel et le désir partagé et faire prendre conscience au client qu’il est le complice d’un véritable esclavage et des réseaux mafieux

S’en est suivi  la projection du film « Prise de vies » témoignages de  personnes en situation de prostitution ; les facteurs de risques et les  facteurs déclenchant l’entrée et la sortie de la prostitution ; le phénomène de la prostitution en France : l’évolution des publics en France depuis 40 ans et l’émergence du phénomène de la traite des êtres humains; l’identification et l’accompagnement des personnes en situation de prostitution et/ou victimes de traite des êtres humains. Des échanges avec les participants ont eu lieu et ont permis de libérer la parole sur les observations faites sur le territoire.

Ce qu'il faut savoir

Dominique Nadaud, Déléguée départementale Haute-Corse aux droits des femmes et à  l’égalité et Alain Thirion, préfet de Haute-Corse
Dominique Nadaud, Déléguée départementale Haute-Corse aux droits des femmes et à l’égalité et Alain Thirion, préfet de Haute-Corse
La traite des êtres humains représente, selon l’office des nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) 32 milliards de dollars par an, dont 3 milliards d’€ pour l’Europe. 79% des victimes de la traite des êtres humains sont victimes d’exploitation sexuelle, 18% sont soumises dont 3 milliards d’€ pour l’Europe. 79% des victimes de la traite des êtres humains sont victimes d’exploitation sexuelle, 18% sont soumises au travail forcé et 3% à d’autres formes d’exploitation. Enfin, 25% des victimes  de la traite dans le monde sont des enfants. Universelle, la traite des êtres humains est une violation  manifeste et brutale des droits de l’homme.


La France, pays principalement de destination des victimes de la traite, est devenue, en raison de son positionnement géographique, un important pays de transit. Elle doit faire face à l’extension des réseaux criminels transnationaux. La majorité des victimes de la traite est exploitée dans le cadre de réseaux de proxénétisme (Europe de l’Est, Nigeria, Brésil, Maghreb et Chine). On estime entre 20 000 et 40 000 femmes prostituées sur le territoire (90% d’étrangères).
Les défis sont connus : identification des victimes encore embryonnaire, dispositif de lutte très inégalement organisé selon les territoires, peu de poursuites engagées, des victimes elles-mêmes ne faisant pas valoir leurs droits et insuffisamment protégées.
Le gouvernemental a opté pour une politique coordonnée contre la traite  sous toutes ses formes d’exploitation. La création en 2012 de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) s’est concrétisée par l’élaboration du 1er Plan d’action national dédié, en lien avec les associations impliquées sur ce sujet.

La journée a illustré combien la prostitution est une violence en soi Les rapports sexuels non désirés ont un impact sur la santé physique et psychique des personnes prostituées. C’est également un univers dominé par la violence celle des clients et celle des réseaux mafieux qui la contrôlent. Une étude récente (Prostcost mai 2015) révèle que les personnes prostituées sont à minima 6 fois plus exposées au viol et 7 fois plus au risque de suicide  par rapport à la population globale; la surconsommation de médicaments, d’alcool, de tabac et de drogue est très importante. La prostitution s’organiserait  pour 30% dans la rue, 8% indoor (bars à hôtesses, salons de massage) et 62% par internet.

Et en Corse ?

Patrick Hauvuy
Patrick Hauvuy
En Corse la prostitution reste un sujet tabou et ne dispose d’aucune visibilité. Des retours de terrain (associations, travailleurs sociaux…) font part de situations de prostitution occasionnelle (prostitution dite de fin de mois) ou de conduites sexuelles chez des jeunes filles pouvant s’en rapprocher. Il existe sur le territoire également un certain nombre de bars à hôtesses (« caboulots ») accueillant le plus souvent des femmes d’origine étrangère. Enfin la Corse connaît des flux de population significatifs, notamment liés à l’activité touristique .Cependant à ce jour aucune étude ne permet d’objectiver le phénomène dans son volume et ses formes. Au niveau local Il est fait état de peu ou pas de faits de proxénétisme. Il n’existe pas de mode de prostitution de rue qui porte atteinte au respect de l’ordre public.
Le service aux droits des femmes et à l’égalité sollicite depuis 3 ans des moyens auprès de son service central afin de pouvoir conduire une étude-action permettant de donner de la visibilité à la prostitution en Corse. La journée du 13 octobre est une première réponse. Une phase de formation pour des professionnels et un temps de diagnostic partagé est d’ores et déjà prévu en 2016.
Cette journée s’est clôturée par la présence et une intervention de Alain Thirion, préfet de Haute-Corse.