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Projet de loi sur la fin de vie : "une petite avancée" pour l'ADMD en Corse


le Mardi 2 Avril 2024 à 15:28

Souhaité par Emmanuel Macron, le projet de loi sur la fin de vie doit faire l'objet d'un examen parlementaire ces prochaines semaines. Il ne parle pas "d'euthanasie", mais "d'aide à mourir". Au nom de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité, le délégué en Corse, Robert Cohen, estime que ce texte va un peu plus loin que la loi Claeys-Leonetti, mais il reste circonspect.



Robert Cohen est le délégué de l'ADMD en Corse.
Robert Cohen est le délégué de l'ADMD en Corse.
- Que pensez-vous du projet de loi qui va être examiné par le Parlement ? En quoi va-t-il plus loin que la loi Claeys-Leonetti de 2016 ?
- Officiellement pour l’ADMD, c’est une petite avancée. Ce projet de loi va plus loin car on introduit une aide active à mourir. Mais elle ne va pas beaucoup plus loin non plus. Le problème, c’est que la décision finale incombe toujours au corps médical, alors que c’est le patient qui devrait l’avoir. Pour moi, c’est un peu gênant. Ensuite, il est écrit dans la loi que la personne doit avoir la pleine conscience dans sa décision. Ce qui veut dire que les directives anticipées, on ne les prend plus en compte. Jusqu’à maintenant, quand le patient n’avait plus sa conscience, la personne de confiance, avec les directives anticipées, pouvait dire : voilà ce que voulait la personne qui m’a confié cette mission. C’est à double tranchant.

- Vous dites que le projet est inapplicable en l’état. Pourquoi ?
- Car il est dit aussi qu’il faut avoir un pronostic vital à court terme ou à moyen terme. Le problème, c’est que quelqu’un qui a la maladie de Charcot ou de Parkinson peut vivre vingt ou trente ans avec cette maladie, qui est très invalidante. Et il y a aussi le cas de Vincent Lambert. Il était pompier, il avait 32 ans au moment de son accident de moto. Qu’est-ce qui se passé ? Il est resté dix ans dans le coma avant que la justice ne tranche. Il a été débranché à 42 ans, mais il aurait pu vivre jusqu’à 85 ans.

- Mais comment garantir la pleine conscience d’un malade qui serait atteint, par exemple, d’Alzheimer ?
- Les malades d'Alzheimer n’ont plus leur pleine conscience, en effet. Et moi, ça me gêne beaucoup, car je ne vois pas comment on pourra faire appliquer les directives anticipées quand la nouvelle loi sera adoptée.

- On comprend bien que ce projet de loi vous laisse mitigé. Quelles sont vos attentes ?
Une loi comme en Belgique, c’est ce qu’on demande. La loi belge est parfaite. Elle ne demande pas de pronostic vital. Elle dit que les souffrances physiques ou psychologiques doivent être insupportables, c'est tout. Il n’y a pas de court terme, pas de moyen terme. Pas de pleine conscience.

- Ce projet de loi ne souhaite pas graver dans le marbre les mots « euthanasie » ou « suicide assisté ». Ce sont les mots « aide à mourir » qui ont été préférés. Est-ce que ça vous dérange ?
- Ca m’amuserait presque. Ca veut dire qu’on n’emploie pas les bons mots. Euthanasie, ça veut dire étymologiquement « la bonne mort »…

- Le texte prévoit une clause de conscience pour les médecins qui ne souhaiteraient pas participer à la procédure. Qu’est-ce que ça vous inspire ?
- Je pense que c’est normal, c’est comme pour l’IVG (l’interruption volontaire de grossesse, NDLR). Je pense qu’en France, les médecins appliqueront la loi, globalement, même s’il y a une clause de conscience.

Photo d'illustration
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- Le texte prévoit aussi « des soins d’accompagnement » qui précéderont les soins palliatifs. Cela désigne la prise en charge précoce des douleurs jusqu’aux soins palliatifs. Cela manquait, selon vous ?
- Ca a l’air simplement logique et de bon sens… Et je pense que ça doit déjà plus ou moins se faire. Un médecin sérieux, digne de ce nom, ne va pas laisser souffrir son patient. Il va tout mettre en oeuvre pour que vous ne souffriez pas et pour vous accompagner au mieux psychologiquement. A l’ADMD, nous sommes pour la généralisation des soins palliatifs. Il n’y a que 20 ou 25 % de gens ayant besoin de soins palliatifs qui en ont. Mais une unité de soins palliatifs, ça coûte cher. On n’est pas là pour souffrir. Si on peut être soulagés, on ne va pas dire non.

- Le 19 mars, en assemblée plénière, les évêques de France se sont opposés à ce projet de loi, car ils estiment qu’il est plus humain de soulager la souffrance par des soins palliatifs, que de mettre un terme à la vie. Qu’en pensez-vous ?
- Oui, quand on peut soulager la souffrance. Mais ils oublient qu’il y a des maladies qui ne le permettent pas. De toute façon, la fin de vie, c’est d’abord un débat de société. Que ce soit les évêques, les imams ou les rabbins, ça ne les concerne pas. La décision doit revenir à celui qui est malade et qui souffre.