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Prix du fret maritime : Le RN appelle l’Etat à "assumer ses responsabilités"


La rédaction le Dimanche 24 Septembre 2023 à 11:56

A l'occasion d'une conférence de presse ce samedi 23 septembre à Bastia, les représentants insulaires du Rassemblement National, a dénoncé les tarifs prohibitifs du transport maritime des marchandises et plaide pour des réformes structurelles afin de "remédier à cette situation inéquitable". Le porte-parole du parti, François Filoni, revient aussi pour CNI sur les défis auxquels la Corse est confrontée dans le domaine des transports.



Patrick Ciccoli, Nathaly Antona, François Filoni, Dominique Casta
Patrick Ciccoli, Nathaly Antona, François Filoni, Dominique Casta
- Vous avez abordé la question des tarifs du transport maritime des marchandises vers la Corse, nettement plus élevés que ceux vers d'autres îles méditerranéennes...
- Oui, dans le cadre de l'actuelle délégation de service public (DSP) desservant les ports corses depuis Marseille, le prix pour le consommateur, également appelé chargeur, s'élève à 40 € par mètre linéaire (ml) de marchandises transportées. À cela s'ajoute la compensation de service public (CSP) d'environ 50 €, portant le coût total du fret vers la Corse à 90 € par mètre linéaire de marchandise. Ainsi, le coût d'une remorque standard de 12 mètres atteint la somme considérable de 1 080 €. Comparant ces tarifs exorbitants avec ceux pratiqués pour desservir d'autres îles en Méditerranée, Filoni a souligné un écart significatif. Par exemple, pour la desserte de la Sardaigne, les tarifs moyens se situent à 29,05 € par mètre linéaire, avec une CSP de 9,21 €, pour un coût total de 38,26 €. Pour les îles Baléares, le tarif fret moyen est de 30,5 € par mètre linéaire, soit un coût de 372 € pour une remorque standard de 12 mètres. 

- Pouvez-vous expliquer cette disparité ?
- Pour la Corse, le mal est profond et vient de très loin, bien avant l’arrivée des nationalistes aux affaires en 2015.Pour comprendre la situation, il faut remonter l’histoire de la dotation de continuité entre la Corse et le continent créée en 1976 par Jacques Chirac. Son objectif initial était de gommer le handicap de l’insularité de la Corse en tous domaines. Cependant, cette décision de subventionner les transports entre la Corse et le continent s’est trouvée en contradiction avec les règles de concurrence et de libre échange édictées par la Commission européenne en 1996. La compagnie exerçant la délégation de service public (SNCM) se voit obligée de rembourser un indu de subvention de 440 M € jugé illégal par la Commission européenne. Cette décision et sa non-gestion ont entrainé son dépôt de bilan et sa reprise houleuse devant le tribunal de commerce de Marseille en novembre 2015, par la compagnie MCM (ROCCA) pour une somme dérisoire de 3,7 M€. 
Alors que la valeur réelle de l’ensemble de la flotte de la SNCM était estimée par les experts à 230 M€ et que la Commission européenne avait décidé de ne pas réclamer aux futurs repreneurs l’amende de 440 M€ au titre des aides publiques « indues » à la condition que le prix de la cession des navires corresponde au prix du marché et ne fausse pas la concurrence. Quatre mois après l’acquisition de la SNCM par la MCM, son PDG a cédé ses parts à son adversaire commercial, la Corsica Linea.
Les nationalistes, aux commandes de la Région depuis 2015, avaient promis une maison de cristal grâce à la création d’une compagnie régionale, pour une maitrise totale des transports et des coûts par la Corse. Celle-ci a disparu de leur programme devant le poids du Consortiumpropriétaire de la Corsica Línea fondé par un parterre de patrons qui tiennent la grande distribution en Corse.


- Vous affirmez qu'une épée de Damoclès pèse toujours sur la Corse, pourquoi ?
- L’État, qui est théoriquement le responsable in fine du contrôle de légalité des délibérations prises par la Collectivité, reste muet sur ses lourdes responsabilités passées. L’avenir judiciaire des transports de fret, lui, reste plus qu’incertain. La première menace tient à l’enquête de la Commission européenne, ouverte le 28 février 2020, sur les trois délégations de services publics accordées en 2019. La deuxième concerne la reprise de la SNCM qui contrevient aux prescriptions édictées par la Commission Européenne pour sa reprise. Les risques étant grands pour les repreneurs d’être redevable des dettes et des amendes futures de la SNCM (440 M€ aides publiques indus). 
  
- Quelles solutions proposez-vous pour sortir de cette situation ?
- Il faut, dans un premier temps, que les services de l’Etat assument leurs responsabilités de contrôle des marchés publics. L’ensemble des élus doit tout faire pour lutter contre les monopoles économiques, sources de "prix très élevés". Avec + 14% sur le prix de l’alimentaire dans l’île, malgré une TVA minorée à 2,1% contre 5,5% au niveau national, la Corse est une des régions les plus chères de France, alors qu’elle occupe la peu enviable 1ère place de région la plus pauvre de métropole. Le prix des transports de marchandises étant le plus cher des pays de l’OCDE et du bassin méditerranéen, il pèse très lourd pour l’établissement du panier alimentaire des Corses auquel il faut ajouter les 24% d’augmentation des prix sur deux ans.
La piste du modèle sarde, basé sur une concurrence loyale et non faussée avec un coût total de 39 € le mètre linéaire, doit être étudié tout comme le modèle des Iles Baléares qui privilégient l’aide aux chargeurs plutôt qu’aux opérateurs maritimes, conduisant à une réduction significative à la fois du tarif du fret et du montant de l’aide publique avec un coût total de 31 € le mètre linéaire. Cela démontre que des solutions existent pour la Corse.
 
- Concernant l’appel d’offre de l’aérien, le poids de la réglementation européenne et l’offre de son concurrent semble mettre en difficulté la compagnie régionale ?
- Pour le Rassemblement national les chose sont claires : nous sommes pour la préférence nationale et le localisme concernant les marchés publics. Malheureusement pour les personnels de Air Corsica, notre position n’est pas la loi. L’histoire dit que David a vaincu Goliath. Cependant, le David Corse, lui, a les mains menottées par la réglementation européenne pouraffronter le Goliath libéral espagnol. Les élus auront une lourde responsabilité : faire le choix de l’emploi en Corse et sauver environ 1000 familles, avec un risque très important de condamnation très lourde par la Commission européenne ou céder face à la loi du plus fort.  La rentabilité des sociétés low-cost telle que Volotea avec 26 personnels pour un avion face aux 56 pour Air Corsica explique la grande différence dans les appels d’offres, + 46 M€ pour Air Corsica. Ce qui se joue dans cette affaire c’est la casse des statut sociaux au profit d’une société ubérisée. C’est aussi la dépossession, par l’Europe du fric, du pouvoir du peuple de choisir au travers de ses élus leur modèle de société. Le RN sera aux côtés des Corses qui veulent sauver leurs emplois, mais fera tout avec ses députés pour obtenir la modification de la loi concernant les appels d’offres avec la préférence nationale et le localisme concernant les services publics.