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Pourquoi le projet d’écoparc de Borgo ne coule pas de source


le Dimanche 17 Décembre 2023 à 17:00

La municipalité de Borgo porte un projet d'éco-parc le long de son principal axe urbain. Problème : les trois parcelles censées l'accueillir sur 3,6 hectares sont en zone inondable, ce qui n'est pas non plus rédhibitoire aux yeux de la loi. Alors, viable ou pas viable, ce projet ? Actuellement, il est instruit par les services de l'Etat.



La municipalité espère aménager un éco-parc dans ce champ, situé le long de l'avenue de Borgo.
La municipalité espère aménager un éco-parc dans ce champ, situé le long de l'avenue de Borgo.
Ces dernières années, l'avenue de Borgo - où passait l'ancienne RN 193 avant la quatre voies - s'est beaucoup urbanisée. Mais il y a un terrain qui a échappé à cette artificialisation. Il est constitué de terres arables avec une chênaie dans sa partie sud. Il se situe en lisière de route, quasiment en face de Monsieur Bricolage et à quelques encablures du centre commercial Corsaire. Ce terrain très vaste (7 hectares) est dans le viseur de la municipalité dirigée par Anne-Marie Natali.

Elle prévoit d'en faire le lieu de promenade des Burghisani en milieu urbain. Une sorte de poumon vert qui trouverait sa place entre les récents programmes de logements et les activités commerciales. Composé de plusieurs ilots plantés d’essences locales, l'éco-parc serait conçu comme un parcours botanique, agrémenté d'un parcours santé. D'autres activités y sont espérées : "Un théâtre de verdure, des jeux d’enfants, des aires de repos, quelques tables de pique-nique, des bancs, des passerelles, les poubelles de tri ainsi que l’éclairage public, la télésurveillance et l’arrosage", énumère l'étude élaborée par le cabinet Endemys.

Le talweg qui inquiète
 
En avril, le projet - qui prévoit aussi la création d'un parking de 200 places - avait été évoqué au conseil municipal, dans le cadre du débat d'orientations budgétaires, avec une dépense programmée de 2,3 millions d'euros pour 2023. Or, aucun chantier n'a démarré et rien ne permet d'attester, pour l'heure, que l'éco-parc verra bien le jour. Car au milieu du terrain censé l'accueillir, coule un talweg. Ce mot allemand signifie "chemin de la vallée". Autrement dit, c'est un ravin formé naturellement et qui est amené à collecter les eaux. A Borgo, il coupe le terrain en deux et le projet prévoit de l'enjamber par la pose de plusieurs parcelles.

Et selon la maire Anne-Marie Natali, ce talweg irait jusqu'à remettre en cause la totalité du projet : "Le préfet a détecté un ruisseau sur le terrain, alors que ça n'en est pas un. Ils font tout un pataquès dessus alors que le projet est viable", s'alarme-t-elle. Avant de se refermer comme une huître : "Je n'en dirai pas plus car mieux vaut se taire ici. Mais j'arrive toujours à obtenir ce que je veux et ce projet, je vais le faire quand même." Des propos surprenants de la part de l'élue, car le projet a été soumis à l'instruction de la DREAL, (la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) au début de ce mois de décembre. Ce que confirme le service communication de la préfecture de Haute-Corse : "A ce stade, le dossier est toujours en cours d'instruction et aucun a priori ne l'entoure. A l'issue de l'instruction, un avis sera rendu à madame le maire de Borgo.

Voici le talweg, ce ravin qui récolte les eaux de ruissellement et nourrit les inquiétudes de la maire de Borgo.
Voici le talweg, ce ravin qui récolte les eaux de ruissellement et nourrit les inquiétudes de la maire de Borgo.
Effectivement, la situation est complexe. Si le terrain a échappé à l’urbanisation de Borgo, c’est parce qu’il est situé « en zone partiellement inondable par ruissellement », mentionne le plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) de Borgo, en date de 2004. Le secteur, qui est entouré par les ruisseaux de l’Ombria et de Cavone, est soumis à un aléa de risques torrentiels, qui va de « modéré » à « très fort ».

La confirmation du ministre Bechu

De quoi enterrer l’écoparc ? Pas du tout. En France, il est possible d’élaborer un projet en zone inondable, dans un cadre strictement défini. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Bechu, l’a confirmé en septembre, en répondant à une question écrite d’un député qui l’avait questionné sur « la prise en compte des parcs résidentiels de loisirs et autres activités touristiques et de loisir dans les plans de prévention des risques naturels d’inondation ». La réponse de Christophe Bechu disait ceci : « Un PPRI peut permettre, sans compensation, la réalisation d’équipements sportifs, touristiques et de loisirs sans hébergement. »

Ce qui semble correspondre à la définition du projet d’écoparc de Borgo. Et le PPRI local confirme que, jusqu’à un risque d’aléa fort, sont autorisés « les aménagements de terrains de plein air, de sport et de loisirs, à condition de ne pas aggraver les risques et de ne pas faire obstacle à l’écoulement des eaux ». Mais le terrain censé accueillir l’écoparc a - on le rappelle - un aléa qui n’est pas clairement défini par le PPRI (il est compris entre « modéré et très fort »). Or, pour un aléa « très fort » de risques d’inondation, la construction d’un écoparc n’est pas autorisée…

Et en ce qui concerne le talweg, l’étude du cabinet Endemys insiste sur le fait « qu’il est asséché sur l’emprise du projet. Il recueille uniquement les eaux de ruissellement. » Face à un dossier complexe qui génère autant d’incertitudes, Anne-Marie Natali joue finalement la carte de la sagesse : « Il n’y a encore rien d’officiel. J’attends. »