
Des routes enivrantes mais dangereuses
Trois facteurs sont identifiés pour comprendre l'accidentologie en Corse : l'état inégal des routes, les comportements des usagers qui surestiment leurs capacités, et l'utilisation d'équipements qui souvent se limitent au strict minimum. « Les routes de Corse, que ce soit les territoriales ou les départementales, sont attractives et prisées par les deux roues », pointe Cédric Hubert, officier adjoint à la sécurité des mobilités au sein du groupement de gendarmerie de Haute-Corse. « Pour l’année 2022, nous avions enregistré une forte mortalité chez les conducteurs locaux tandis que pour 2023, la proportion est plus importante chez les conducteurs extraterritoriaux », souligne-t-il.
Les motards qui débarquent sur l’île, notamment lors de la saison estivale, n’ont pas les mêmes réflexes face aux dangers qui peuvent survenir au détour d’un virage que les insulaires, à plus forte raison lorsque que l'on sait que les 7 920 km du réseau routier corse ne sont pas tous logés à la même enseigne en termes d’entretien. Yves Lopes-Velasco, le responsable de l’association Motardes & Motards di Corsica, souligne ainsi que « de gros efforts ont été réalisés ces dernières années, mais les dangers sont encore omniprésents». « Il y a énormément de nids de poule, de chaussées dégradées, sans oublier la présence d’animaux qui peuvent traverser la route », note-t-il. Autant de facteurs qui peuvent, le cas échéant, provoquer un accident pour le motard qui ne s’y attendrait pas.
La vitesse excessive et d'autres comportements dangereux, tels que les dépassements non autorisés, sont également responsables d'accidents. « La base pour un conducteur, c’est d’adapter sa vitesse en fonction du lieu dans lequel il évolue, parce qu’un accident peut survenir à n’importe quel moment », insiste Julien Guaquier, le représentant de l’association de prévention routière pour la région PACA-Corse. « Certains utilisateurs de deux roues ne sont pas conscients du danger qu’ils prennent. J’ai déjà entendu plusieurs personnes me dire qu’elles étaient aussi fortes en moto que Valentino Rossi, cela vous donne une idée de l’inconscience des gens ».
Si tous les conducteurs peuvent pécher par orgueil, Yves Lopes-Velasco met en garde contre l’amalgame qui est fait trop souvent, selon lui, entre les motards et les utilisateurs de scooter, qui n’apportent pas le même soin à leur sécurité. « Dans la grande majorité, les motards possèdent une moto destinée au loisir et à la balade, ce sont des véhicules, dont l’état des pneus, des freins et de l’éclairage sont vérifiés régulièrement. A contrario, les possesseurs de scooters utilisent leurs deux roues quotidiennement pour le côté pratique, mais leurs machines sont moins bien entretenues. Ils font principalement de petits trajets, ceux qui sont le plus dangereux, car leur attention est relâchée, et ils ont beaucoup plus d’accidents que les motards standards qui préparent leurs trajets », avance-t-il.
Une tendance qui ne correspond pas forcément à la réalité pour le capitaine Cédric Hubert, qui constate qu’en matière d’accidentologie « tous types de population, conducteurs de motos comme de scooters » sont concernées. « Il existe des personnes qui respectent le Code de la route, qui sont correctement équipées, mais qui sont victimes d’accidents pour diverses raisons, comme une vitesse excessive ou inadaptée, un moment d’inattention, une mauvaise appréciation d’une trajectoire, un animal ou un automobiliste qui n’aurait pas perçu le motard. Il ne faut pas oublier les comportements déviants, tels que les refus de priorité ou les dépassements dangereux, ainsi que les conduites addictives sont, avec la vitesse, les trois principaux facteurs d'accident. Les explications d’un accident sont donc multiples et se produisent généralement à moins de 20 kilomètres du domicile », indique-t-il.
Prévention et protection, les deux atouts du bon motard
Le Code de la route oblige les motards à porter un casque, un gilet réfléchissant et des gants, sous peine d'amende. Cependant, Yves Lopes-Velasco et les adhérents de son association militent pour que la législation en matière de sécurité routière s’aligne avec d’autres pays européens, comme la Belgique ou l'Allemagne, « où il n’est pas possible d’assurer son engin sans présenter les factures d’un blouson, d’un pantalon et de chaussures de protection ». Si ces points sont autant plébiscités par les associations de deux roues, il n’en reste pas moins un sujet clivant chez les motards, notamment lors des épisodes de fortes chaleurs qui rendent désagréable le port de vêtements lourds. Pour Julien Guaquier, bien que cela soit contraignant, il est indispensable de se protéger à moto, quelle que soit la météo, d’autant que de nos jours. « Il existe même des vêtements de moto légers et respirants. Alors oui, cela représente un investissement, mais rester en vie, ça n’a pas de prix », assène-t-il.
Enfin, et parce que la prévention peut ne pas trouver d’écho auprès des têtes brûlées, « à partir du mois de septembre, nous allons mettre en œuvre des contrôles avec des gendarmes sur des motos banalisées et qui permettront de détecter les comportements dangereux en circulation », indique le directeur de cabinet du préfet de Corse. Si les gendarmes en viennent à se fondre dans la masse pour mieux repérer les comportements à risque, c'est parce que « lorsqu'ils agissent à découvert sur des contrôles à des ronds-point par exemple, l'information de leur présence circule vite et les mauvais comportements seront dissimulés mais pas régulés », croit savoir Danyl Afsoud.
Ces contrôles, menés sur l’ensemble du territoire, saisiront en flagrant délit les mauvais conducteurs et permettront sûrement de faire évoluer les consciences chez les utilisateurs de deux roues, qui sont impliqués dans un quart des accidents de la route en Corse depuis le début de l’année.