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Michel Castellani : « Nous avons su imposer la question corse comme un problème politique majeur à résoudre »


Nicole Mari le Mardi 25 Janvier 2022 à 16:29

C’était son premier mandat parlementaire. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a bataillé sur tous les fronts, tant en Commission des finances que dans l’hémicycle du Palais Bourbon où il se classe parmi les 150 députés les plus actifs. Michel Castellani, député nationaliste de la 1ère circonscription de Haute-Corse, membre du groupe parlementaire Libertés & Territoires, et militant du parti Femu a Corsica, revient, pour Corse Net Infos, sur ces cinq années à l’Assemblée nationale. Discret, mais pugnace, cet économiste, professeur des universités et militant autonomiste depuis toujours, n’a jamais rien lâché, avec ses deux confrères, sur tout ce qui touchait à la Corse. Avec quelques victoires à son crédit, comme la loi du 5 mai qui porte son nom et le Crédit d’impôt investissement. En juin prochain, il sollicitera un nouveau mandat.



Michel Castellani, député nationaliste de la 1ère circonscription de Haute-Corse, membre du groupe parlementaire Libertés & Territoires, militant du parti Femu a Corsica.
Michel Castellani, député nationaliste de la 1ère circonscription de Haute-Corse, membre du groupe parlementaire Libertés & Territoires, militant du parti Femu a Corsica.
- Comment se sont passées ces cinq années à l’Assemblée nationale ?
- Cette élection au poste de député a d'abord marqué une rupture dans ma vie personnelle, familiale et professionnelle. J'ai eu à m'adapter à un rythme de vie et à un environnement nouveaux. J'ai eu aussi à absorber les codes de l'Assemblée nationale et débattre avec beaucoup de personnes que je n'avais jamais fréquentées auparavant. Ces cinq années ont été intenses, passionnantes et passionnées.
 
- Vous êtes depuis longtemps militant nationaliste et vous avez exercé divers mandats politiques. Qu’avez-vous appris ou retenu de votre mandat de député ?
- Par rapport aux mandats municipaux et régionaux la dimension change. Par la nature des débats, par le niveau de pression et par l’exposition médiatique. Par l’échelle aussi. Dans mes mandats, j’ai toujours fait partie des Commissions des finances. A Bastia, la mesure était la centaine de milliers d’euros, à la région le million d’euros. A l’Assemblée nationale, c’est le milliard d’euros. J’ai surtout retenu que les choses ne sont pas simples, qu’il est extrêmement difficile de les faire évoluer, mais qu’on peut y mettre tout son cœur.
 
- Lorsque vous, Nationalistes, avez été élus, l’opposition locale objectait que vous seriez inaudibles. Ce fut tout le contraire. Acquérir cette légitimé, ce fut un vrai challenge ?
- Nous avons avec Jean Félix Acquaviva et Paul André Colombani des façons d'agir, des Commissions, des caractères différents. Mais, au total, nous sommes complémentaires. Il est exact qu'au début, nous étions regardés un peu comme des bêtes curieuses. Nous avons su briser ce mur de verre. Aujourd'hui, nous dialoguons avec tous, sans problème particulier. Nous avons su poser la question corse dans toute sa profondeur, et l’imposer comme un problème politique majeur à résoudre.
 
- On l’a vu avec le vote de la loi du 5 mai et l’action pour le rapprochement prisonniers. Pensez-vous que votre travail de lobbying a désarmé les a priori ?
- Oui ! Pas mal d'a priori sont tombés. Il a fallu fournir beaucoup d'efforts de pédagogie en public et en privé. Notre message a avancé, et la question Corse est mieux appréhendée dans la sphère politique, députés et ministres compris. Mais il y a encore pas mal d'incompréhension, dans la société notamment, et encore du chemin à parcourir...
 
- Au-delà du symbole, la loi du 5 mai, est-ce un marqueur politique important ?
- J'avais promis au Collectif, et je m'étais promis à moi-même, d'aller vers cette reconnaissance officielle du drame du 5 mai. Beaucoup de députés en avaient parlé sans le faire. Moi, je n'ai rien dit, mais je suis allé au bout. J'ai dû beaucoup convaincre pour obtenir l'unanimité des groupes, et résister à la pression des instances du foot français. J'ai pu le faire aussi grâce à l'appui du groupe Libertés & Territoires.

- A la Commission des finances, vous avez beaucoup bataillé pour in fine arracher des mesures budgétaires pour la Corse, comme le crédit d’impôt. Est-ce une satisfaction ?
- C’est le cœur même de notre action. Quand je contre Bercy, puis en Commission des finances, puis dans l’hémicycle, l’amendement qui visait à taxer à 20% les vins produits et consommés en Corse, c’est une victoire qui, à elle seule, rentabilise mon mandat. Car le coup aurait été catastrophique ! Quand je contre à deux heures du matin un amendement, qui, sans ma présence, aurait été adopté en 30 secondes, de transfert de 9 millions d’euros de reliquat du PEI (Plan exceptionnel d’investissement pour la Corse) vers Paris. Ou que j’arrive au bout de la loi du gel des matchs le 5 mai. Ou que je bagarre des semaines et des mois pour le PTIC (Plan de transformation et d'investissement pour la Corse) ou le CIIC (Crédit d'impôt pour les investissements en Corse). Ou que nous arrachons 50 millions d’euros sur le contentieux Corsica Ferries. Ou que nous popularisons dans l’hémicycle les grands problèmes qui président à l’avenir de la Corse. Ou quand nous pesons pour une société française plus juste et moins bureaucratique.

- Cette mandature a été un bras de fer contre le gouvernement qui a bloqué sur quasiment tout. Que regrettez-vous le plus ?
- Il y a eu des grands rendez-vous manqués. La réforme constitutionnelle brutalement arrêtée et la loi 3DS pleine de vide. L’absence d’empathie pour la Corse. Le non rapprochement des prisonniers. Le blocage sur langue et les écoles immersives. Plus largement, les mesures restrictives de liberté, les mesures anti sociales…
 
- Vous êtes aussi beaucoup intervenu sur des questions nationales. Qu’est-ce qui vous a paru le plus important à défendre ?
- Je me suis efforcé d’intervenir sur tous les grands sujets nationaux et internationaux. J'ai défendu tout ce qui allait dans le sens d'une société plus solidaire, moins bureaucratique, respectueuse des personnes, et moins prédatrice sur l'environnement. J'ai bagarré contre une ouverture internationale dévastatrice et pour une convergence fiscale et sociale dans l'Union européenne. Pour une meilleure maîtrise des budgets publics. Et puis, j'ai défendu obstinément les intérêts de la Corse et des Corses.
 
- Justement, vous aviez fait une promesse aux électeurs : celle de ne pas décevoir leur confiance. Quel bilan législatif global pouvez-vous tirer de votre action collective ?
- Je ne peux répondre que pour moi, mais je suis sûr que cela serait valable pour mes collègues. J'ai eu le souci permanent de respecter ma profession de foi et de tenir mes engagements. Quantitativement, cela se traduit par 1200 interventions longues dans l’hémicycle et 450 en Commission des finances. Au-delà des chiffres qui témoignent d’un travail considérable, il y a la crédibilité du député et l’engagement pour la défense de principes que je considère comme fondamentaux.
 
- A moins de 80 jours des présidentielles, quel regard portez-vous sur le quinquennat Macron ?
- Je regrette profondément la différence qu’il a pu y avoir entre les annonces du candidat Macron et le modus operandi du président. S’il venait à être réélu je souhaite qu’il évolue fortement.
 
- Si vous êtes réélu député, quel projet ou quel sujet remettrez-vous en priorité sur la table ?
- Il reste beaucoup de travail à faire. Par exemple, chercher à avancer en matière d’infrastructures et d’équipement pour la Corse. Pour moi, le dossier principal sera celui de l’hôpital de Bastia. Régler, enfin, la question des prisonniers. Avancer aussi sur le plan institutionnel, non par plaisir de faire de la surenchère, mais pour doter la Corse des moyens de mieux gérer ses grands problèmes économiques, sociaux et culturels. Et aussi être au service des citoyens, de nos communes, de nos entreprises, de nos institutionnels, comme je l’ai été durant cinq ans. Ce sont les électeurs qui jugeront si j’ai été un député méritant ou pas.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.