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Méditerranée en surchauffe : la vie sous-marine autour de la Corse en danger


David Ravier le Mercredi 19 Juillet 2023 à 20:25

Si le thermomètre s’emballe à la surface, les eaux entourant la Corse sont à un niveau anormalement élevé, ce qui crée un risque mortel pour la vie sous-marine.



Les températures caniculaires qui frappent la Corse depuis ce mardi ne touchent pas seulement les êtres humains. Sous la surface aussi, la chaleur se fait ressentir. "Nous avons déjà battu un record de température à l'échelle mondiale", explique Lovina Fullgrabe, responsable scientifique à la Station de recherche sous-marine et océanographique (Stareso) à Calvi. "En juin 2023, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) a annoncé que les océans avaient atteint des "températures de surface sans précédent", dépassant de 0,2 °C celles de l'année précédente."


 
   

La faune et la flore suffoquent

Au mois de juin, la température des eaux en Méditerranée était de 25,5°C, soit en moyenne trois degrés de plus qu'entre 2014 et 2020.  Sur une échelle de temps plus large, cette augmentation représente de 4 à 5 degrés de plus que la moyenne saisonnière des trente dernières années. Cependant, bien que les températures actuelles exercent une pression considérable sur les espèces marines, elles restent pour le moment en deçà de ce qui s'est produit lors de l'année caniculaire de 2003, qui a été catastrophique tant pour les humains que pour la faune marine.
Ce constat a des répercussions significatives sur la vie sous-marine, comme le souligne Lovina Fullgrabe. "Lors d'une canicule, ce sont principalement les organismes fixes qui en souffrent, car ils n'ont d'autre choix que de subir ces nouvelles conditions thermiques. Les coralligènes, les gorgones, les éponges et les bryozoaires seront donc les premiers à connaître une mortalité massive, car en plus de devoir faire face au stress thermique, ils doivent également faire face à un stress nutritionnel."
Pour que ces espèces puissent avoir accès à leur source de nourriture, il est essentiel de réguler une zone de transition invisible appelée la thermocline. Cette zone, qui se situe entre les eaux chaudes en surface et les eaux froides en profondeur, varie en fonction des saisons et doit être suffisamment étroite pour maintenir une abondance de nourriture. Cependant, actuellement, la zone chaude est trop étendue, ce qui limite la présence de nutriments en quantité suffisante à faible profondeur. Selon la responsable scientifique de Stareso, "de nombreuses espèces mobiles se réfugieront dans les eaux froides" pour survivre.

La canicule marine sur l'année 2022. Crédit photo: Stareso.
La canicule marine sur l'année 2022. Crédit photo: Stareso.

La chaleur qui sévit actuellement en Méditerranée peut entraîner des conséquences en cascade pour la faune et la flore marine. "À long terme, en plus de l'acidification des mers et de l'augmentation de la salinité, nous pouvons également nous attendre à une diminution de l'oxygène. Heureusement, ces tendances sont encore très faibles pour le moment", souligne la responsable de Stareso. Cependant, la situation n'est pas idéale, car tant que la chaleur en surface ne se calmera pas, l'équilibre naturel ne sera pas atteint. "Il y a un lien étroit entre le comportement de l'atmosphère et celui de l'eau. Plus il y a de CO2 dans l'atmosphère, plus il sera absorbé par les océans, ce qui entraîne leur acidification", explique Lovina Fullgrabe. Il en va de même pour l'excès de chaleur dans l'atmosphère. En d'autres termes, c'est la chaleur de notre environnement qui provoque le réchauffement des mers et des océans.


La floraison de la flore marine, un bon indicateur du réchauffement des eaux 
Cette vague de chaleur en surface est la conséquence des activités humaines et du rejet massif de CO2 dans l'atmosphère. Les fortes températures sont également attribuables aux changements climatiques en cours, tels que le phénomène d'El Niño, qui réchauffe les eaux de l'océan Pacifique avant de se propager dans le reste du monde, et qui est prévu pour durer une grande partie de l'année. Sous la surface, ces changements de température sont observés de près. C'est notamment le cas de l'évolution des herbiers de Posidonie, qui constituent l'écosystème avec la plus grande capacité de séquestration du CO2 au mètre carré. Leur limite de survie thermique est d'environ 29°C. Au-delà de cette température, les faisceaux qui composent cette algue ne peuvent plus effectuer la photosynthèse, la plante ne peut plus se nourrir et finit par mourir.
Comme l'ont déjà observé Lovina Fullgrabe et ses collègues, lors de certains épisodes de canicule, les herbiers de Posidonie fleurissent et produisent des fruits appelés "olives de mer", capables de germer pour créer un nouvel organisme doté d'un nouveau génome mieux adapté à ces nouvelles conditions de vie. "L'été dernier, tous les herbiers de Méditerranée étaient en fleurs. Au-delà de la beauté de ce spectacle, cela reflète un état de stress visant à créer un organisme capable de résister à différentes conditions environnementales", explique la chercheuse.

Pour l'instant, les chercheurs de Stareso constatent que les herbiers situés jusqu'à 10 mètres de profondeur montrent une meilleure résilience face à ces températures élevées que leurs homologues plus profondément enracinés. Il reste maintenant à déterminer si les futures floraisons des herbiers de Posidonie seront capables de générer une adaptation qui ralentira la rapidité du changement climatique, qui semble s'installer durablement.
Fleurs de Posidonie. Crédit photo: Stareso.
Fleurs de Posidonie. Crédit photo: Stareso.