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Macron en Corse : Une visite en demi-teinte


Jacques RENUCCI le Mercredi 7 Février 2018 à 18:20

Pour le Président de la République, qui inscrira la Corse dans la Constitution, le "dialogue" portera essentiellement sur le développement économique



Macron en Corse : Une visite en demi-teinte
On attendait beaucoup, et sans doute trop, de la visite du Président de la République en Corse. Mais comment en aurait-il été autrement ? D'interlocuteur en interlocuteur au plan national, les élus territoriaux avaient épuisé leur réserve de paroles, leur souci de convaincre, et le moins que l'on puisse dire est que leurs propositions n'avaient pas soulevé d'intérêt. Emmanuel Macron devenait donc l'ultime recours pour qu'un échange constructif ait enfin lieu. En deux étapes, le bilan final, malgré quelques avancées vertueuses, aurait pu se résumer en une frustration teintée d'amertume. Chacun jugera en fonction de ses attentes...


Un début crispé
Au même moment, le parti présidentiel perd deux législatives partielles et la cote du chef de l’État, après un embellie, repart en chute libre. Si l'opinion salue son action à l'international, elle l'accuse d'être distant au niveau du pays, et peu à l'écoute des préoccupations des territoires. Aujourd'hui, ce ne sont pas certains Corses qui diront le contraire. A l'issue d'un séjour chaotique, basé sur un calendrier improvisé à la hâte, il est probable que l'île dans son ensemble, et pas seulement ceux qui avaient la charge de proposer leur programme, a ressenti, du moins le premier soir, un sentiment de déception. Il faut dire que l'entame du voyage était déjà placée sous le signe de la crispation, en partie parce que le Chef de l’État n'avait pas apprécié la manifestation qui avait précédé sa visite, où il avait vu comme une forme de pression. Mais, avant tout, le Président se fait une idée bien arrêtée de la politique à la mode insulaire. Cette politique selon lui ne sent pas très bon, et Macron ne goûte pas les effluves « d'arrière-cuisine. » Mais il lui a bien fallu faire avec.

 

Vengeance d’État
Le premier jour, il ne s'est adressé publiquement ni aux élus aux affaires, ni à la population corse, mais à la Nation, à charge pour elle d'apprécier à sa juste valeur la fermeté d'un président qui sait bien serrer les mâchoires, prendre le regard fixe et relever le menton. La situation était particulière : le président avait à inaugurer la place Claude Erignac avec la veuve du préfet assassiné. Il était difficile de dissocier le politique du mémoriel en foulant ces « lieux maudits », selon les mots de Dominique Erignac. Qui pourrait en vouloir à cette femme, dont la vie semble s'être arrêtée il y a vingt ans, de ressasser une douleur ravivée par les circonstances? Personne ; mais on ne doit pas non plus l'instrumentaliser ni en faire l'incarnation de la vengeance d’État face à une cause « implaidable, inexplicable. »
Le jour anniversaire, le Président avait soufflé le froid ; il n'avait rencontré Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni qu'en fin de journée, et les nationalistes voyaient là un signe qui laissait mal augurer du lendemain.

 

Solidarité nationale
Le second jour, devant un parterre de maires, Emmanuel Macron a appliqué une formule qui lui a réussi par le passé : analyser une situation et formuler des propositions en fonction de cette analyse. Un postulat de départ : la Corse a une spécificité, une culture, une histoire, mais elle est aussi au cœur de la République, « elle doit y inscrire son avenir . » Le Président est formel : il n'y a pas de réussite de la Corse si l’État n'y tient pas son rôle. Dans ses missions régaliennes d'abord, avec en premier lieu la lute contre l'insécurité et la délinquance. La recette tient en quelques mots : tolérance zéro et moyens de lutte renforcés. Quant à la solidarité nationale, elle sera à l’œuvre dans la lutte contre les incendies, le secteur de la santé, la prise en charge des personnes âgées.

Le Président souligne qu'avant tout l’État et la collectivité doivent œuvrer dans un esprit de partenariat, un partenariat élargi à tous les autres acteurs institutionnels du territoire. Sur le logement, sujet épineux s'il en est, Emmanuel Macron écarte la notion de statut de résident, insoutenable tant du point de vue de la Constitution que du droit européen  ; en revanche, l’État interviendra en accompagnement des acteurs locaux, dans l’ingénierie ou l'adaptation des règles, à partir d'un diagnostic économique réalisé par le ministère concerné. Il en va de même pour l'agriculture, à orienter dans le bon sens en fonction des spécificités locales.

 

Identité et Constitution
De toute façon, quel que soit le domaine, la règle est simple : à la collectivité de prendre l'initiative – elle en a les moyens – et l’État l'accompagnera. Jusqu'à un certain point... En matière de fiscalité, par exemple, comment souhaiter une autonomie fiscale et demander encore plus à la solidarité nationale ? « Il n'y a pas de République magique », souligne le Chef de l’État, qui bascule sur la partie politique de son intervention, touchant ainsi quelques une des revendications nationalistes. Pour lui, l'identité corse ne doit pas être un ferment de division, comme la langue qui sera encouragée avec des moyens accrus, même si pour l'instant les résultats ne sont pas conformes aux attentes ; « demeurer dans le giron de la République ne signifie pas perdre son âme », dit-il. A la logique de l'entre-soi, il préfère l'ouverture sur le monde méditerranéen, où l'île jouerait le rôle de vitrine environnementale. Emmanuel Macron va d'ailleurs proposer que la prochaine réunion du Med7 (France, Italie, Espagne, Grèce, Chypre, Malte, Portugal) se tienne en Corse.


Enfin, comme point d'orgue de son intervention, le Président a annoncé qu'il était favorable à l'inscription de la Corse dans la Constitution, avec la réforme de l'article 72 qui sera soumise au printemps dans le projet de loi constitutionnelle. Il voit dans cette demande une marque de confiance en la République. Il reste à se mettre rapidement au travail sur le sujet, du côté de la collectivité comme des services de l’État.