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Louis Pozzo di Borgo : « Nous travaillons pour remettre la CAB sur les bons rails »


Nicole Mari le Dimanche 7 Février 2021 à 21:13

Louis Pozzo di Borgo, adjoint au maire de Furiani et conseiller territorial de Femu a Corsica, a été élu, en juillet 2020, président de la Communauté d’agglomération de Bastia (CAB), mettant fin à une crise politique qui avait plombé l’agglomération pendant 6 ans. Il revient, pour Corse Net Infos, sur ses premiers mois de mandat hors norme, sous crise COVID, et sur le climat social dégradé et le passif budgétaire qu’il a du gérer à son arrivée. Affichant une nouvelle gouvernance apolitique et au service des populations, il décline les enjeux, notamment pour la ville-centre Bastia, et les priorités en matière de déchets, d’économie et d’aménagement du territoire.



Louis Pozzo di Borgo, président de la Communauté d’agglomération de Bastia (CAB), 1er adjoint au maire de Furiani et conseiller territorial de Femu a Corsica.
Louis Pozzo di Borgo, président de la Communauté d’agglomération de Bastia (CAB), 1er adjoint au maire de Furiani et conseiller territorial de Femu a Corsica.
- Quels regards portez-vous sur une année 2020 hors normes ?
- C’est une année inédite dans le sens où la Corse et le monde ont connu une pandémie jamais apparue auparavant. Le monde a été, pour des raisons sanitaires, mis sous cloche économiquement, cela questionne sur les modèles de société. En Corse plus qu’ailleurs, nous nous sommes rendus compte que nous étions dépendants d’un modèle touristique qui a déjà vécu. C’est aussi une année traumatisante, anxiogène pour nos populations, notamment les personnes âgées plus sujettes aux cas graves de la COVID-19, mais aussi les jeunes, scolaires ou étudiants, qui se retrouvent, soit confinés, soit sur des cycles mixtes maison-école. Moins d’activités sportives, moins de relations familiales et amicales, une perte de repères... c’est une année qui laissera des traces. Nous devons, en tant que politiques, l’intégrer pour repenser nos futures politiques publiques.
 
- Comment avez-vous vécu, dans ce contexte, votre prise de présidence de la CAB, qui ne s’annonçait déjà pas simple en temps normal ?
- La prise de présidence s’est faite dans un calendrier très contrarié. Il est rare d’avoir un président élu au mois de juillet, juste avant la trêve estivale. La Corse sortait d’un confinement très strict, le climat n’était pas propice aux administrations et au travail, les gens avaient besoin de décompresser. Je suis arrivé dans une institution qui était, par son histoire récente, plutôt à l’arrêt avec, pour les agents, des conditions de travail très difficiles, suite à des oppositions assez fortes entre François Tatti et le reste de l’agglomération. Le climat social était pour le moins compliqué. Dès septembre, nous nous sommes attelés à renouer les relations avec les syndicats et à rencontrer tous les agents. Nous avons réinstauré le dialogue, qui manquait cruellement, recréé un climat de confiance et fait comprendre à l’institution que les élus sont là pour diriger dans le bon sens. Le second confinement a malheureusement marqué un coup d’arrêt et rajouté la problématique du télétravail qu’il a fallu appréhender et maîtriser. Nous espérons que 2021 sera une année d’un tout autre acabit afin de donner la pleine mesure de nos ambitions et rendre à la CAB le statut qui doit être le sien.

Un climat social compliqué

- Dans quel état, concrètement et financièrement, avez-vous trouvé l’institution ?
- A notre arrivée, comme je l’ai dit, nous avons trouvé une problématique Ressources humaines très marquée, du fait du climat social, mais aussi du recours aux contrats de courte durée, style CDD, assez nombreux. Il a fallu, d’abord, régler ce problème-là. Ce fut assez douloureux. On ne doit pas jouer avec les gens, ni leur promettre ce qui n’est pas tenable. Nous avons pris nos responsabilités. L’aspect budgétaire est apparu dans un second temps. La CAB était déjà en difficulté les années précédentes avec une probabilité d’effet ciseau très rapide, qui s’est accentuée en 2020 avec le confinement et la baisse des taxes des entreprises. Il a fallu puiser dans nos fonds propres pour équilibrer les budgets. La situation financière reste critique et difficile.
 
- Quel est le volume du passif ?
- Une institution de notre taille doit investir entre 8 à 10 millions € par an environ. La CAB investissait à peine 4 millions €. Il faut agir là-dessus. Qui plus est en temps de crise, puisque l’investissement est un moteur de relance de l’économie ! Pour 2021, Il manque 1 million € pour boucler le budget. Nous travaillons pour remettre la CAB sur les bons rails. Notre ambition est de changer la donne. Cela passe, bien entendu, par la maîtrise des ressources humaines et des frais de fonctionnement déjà revus à la baisse.
 
- Dans cette situation compliquée, avez-vous pu mettre en route certaines promesses de campagne ?
- Nous avons déjà amélioré le service. L’institution était en souffrance, pas seulement d’un point de vue budgétaire, mais aussi dans ses relations avec les administrés. Les querelles intestines entre élus l’ont minée pendant des années. Le retour à un climat de confiance a permis aux agents de donner leur pleine mesure en termes d’investissement et de volonté d’aller plus loin, ils sont tous, aujourd’hui, derrière nous. Il est, donc, plus facile d’offrir un service plus efficient et plus dynamique. Ce premier point a permis aux administrés d’avoir une meilleure approche de la CAB, tant au niveau de la collecte, des infrastructures sportives que des transports. Nous avions, ensuite, promis un élargissement de périmètre et la refonte de la Délégation de service public (DSP) Transports pour rattraper le retard historique. C’est en route. Lors du dernier Conseil communautaire, nous avons validé le rapport d’intention de la future DSP Transports qui demande aux délégataires de proposer des lignes plus efficientes en tenant compte des nouveaux quartiers et de la nouvelle organisation. Ce sont de nombreux petits points qui ne coûtent pas grand chose, mais qui n’étaient pas mis en œuvre. Nous redonnons à la CAB son rôle premier qui est d’être au service de la population et non plus un outil politique.

Une conférence des maires

Le bureau de la CAB.
Le bureau de la CAB.
- Quelle est l’ambiance entre les cinq communes ? Y-a-t-il encore des tiraillements avec Ville-di-Pietrabugno ?
- Sur ces six premiers mois de mandature, il n’y a eu aucun tiraillement. Nous avons connu des débuts un peu compliqués avec Michel Rossi, mais le maire de Ville-di-Pietrabugno étant une personne intelligente et respectueuse, nous avons pu échanger. Il m’a fait part de son désappointement, je lui ai expliqué la situation, et tout est rentré dans l’ordre. Aujourd’hui, il est vice-président, et son adjoint, Jean-Michel Savelli, est président de commission. Nous avons remis sa commune au centre du jeu parce que c’était la normalité. Nous avons, également, mis en place la conférence des maires, un outil qui n’était pas utilisé précédemment. En amont du bureau, les cinq maires et le président se réunissent pour parler de façon très ouverte de tous les sujets politiques et techniques, nous réglons tous nos différends à ce moment-là. C’est pourquoi, pour l’instant, au bureau et au Conseil communautaire, les rapports sont votés à l’unanimité, à l’exception de l’opposition bastiaise.

- Quels sont les grands chantiers mis en route ?
- Le rôle premier d’une communauté d’agglomération, c’est l’économie et l’aménagement du territoire. Mais ici, nous l’avions oublié, je pense même que nous n’en avions pas conscience. Quand je suis arrivé aux responsabilités le 10 juillet, j’ai trouvé des services, pour certains, assez fournis, pour celui-ci en l’occurrence, il n’y avait que la directrice ! C’est dire le peu d’intérêt qui lui était porté ! C’est en train de changer. Nous étoffons le service. Notre projet est de réussir un aménagement du territoire cohérent pour éviter la fuite des richesses et des populations vers le Sud et l’interco voisine. Pour cela, il faut rendre Bastia attractive. On ne peut plus cautionner, tant au niveau régional que de l’agglomération, la multiplication des grandes surfaces en périphérie. Ce qui est fait ne peut être défait, un changement d’enseigne ne se maîtrise pas, mais il faut être vigilant et arrêter de délivrer des permis de construire pour des grands centres. Bastia doit redevenir ce qu’elle était : la plateforme de l’agglomération.
 
- Après une mandature à couteaux tirés, un nouveau chapitre s’ouvre donc entre la CAB et Bastia ?
- Oui ! Je suis très heureux de travailler avec Pierre Savelli. Bastia est la ville centre, le moteur de la CAB. C’est un paramètre qu’on ne doit pas perdre de vue. Le précédent président avait été, pour des enjeux électoraux, un frein pour Bastia. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Je ne fais pas de politique à la CAB, je dirige l’institution, et mon rôle est de mettre en musique la volonté de tous les maires pour le bien de l’agglomération et des populations.

Bastia au centre du jeu

- Quels sont les enjeux pour Bastia ?
- Le premier est les déchets. Bastia était le grand oublié du tri au porte-à-porte. Nous allons renforcer les effectifs, mettre des brigades d’ambassadeurs de tri pour développer intra-muros le tri au porte-à-porte et la gestion des bio-déchets. Le second enjeu est de revoir la concession de service public sur les transports. Bastia, qui représente plus de 70% de la population de l’agglomération, doit avoir un service très efficient, répondant aux attentes des habitants. Nous travaillons ces dossiers avec Pierre Savelli. Bastia a besoin aussi d’infrastructures sportives de haut niveau parce qu’elle doit être une destination touristique, sportive et culturelle. La ville doit drainer de la population, de la richesse et des touristes pour toute l’agglomération. Elle est au cœur de tous les projets. Si Bastia va, tout ira !
 
- Pourtant dans l’agglomération, ce sont les communes du Sud qui tirent la croissance. Comment gérer des développements disparates ?
- Dans l’histoire de la CAB, il y a eu deux époques. L’ère Zuccarelli où toutes les politiques publiques étaient centrées sur Bastia, les communes périphériques, pour ne pas dire annexes, voyaient le train passer sans jamais s’arrêter. C’était inacceptable ! La dernière mandature a, pour des raisons politiciennes et électorales, fait l’inverse : Bastia a été mis de côté au bénéfice des autres communes. Aujourd’hui, pour trouver le juste équilibre, il faut simplement admettre qu’une intercommunalité, où que ce soit en France, c’est une ville-centre avec des communes périphériques. La ville-centre doit être le moteur afin que son rayonnement irrigue les communes périphériques en termes d’économie, de richesse, de culture et de tourisme. Nous trouverons cet équilibre rapidement parce que nous sommes tous, maires ou vice-présidents, sur la même longueur d’onde. Nous avons l’ambition de démontrer à très court terme que cet esprit d’agglomération portera ses fruits et que chacun en tirera un bénéfice assez substantiel.
 
- Comment rendre Bastia attractive ?
- On a tendance à oublier que si Ajaccio est la capitale administrative de l’île, Bastia reste la capitale économique. Elle possède un patrimoine bâti exceptionnel qui n’est pas suffisamment mis en valeur, ainsi que des pôles d’activité très fort. Du Cap Corse jusqu’à Marana-Golu, de nombreuses entreprises créent de la richesse. La CAB va acquérir 2000 m2 de surfaces sur le port de Toga, et y proposer des bureaux pour faire revenir les entreprises et redonner à Bastia une attractivité économique qu’elle n’aurait jamais du perdre. Nous avons été labellisés sur le dispositif « Territoire d’industries » qui permet, via des financements, d’accompagner la modernisation des entreprises avec de nouveaux outils de production. Nous avons présenté le rapport au Conseil communautaire et étendu la réflexion jusqu’à Marana-Golu de façon à créer un vrai pôle économique. Concernant le tourisme, nous présenterons rapidement une idée très forte : une maison méditerranéenne des sports de plein air Mer et montagne. Il y a de nombreux atouts à développer à travers quelques actions bien ciblées.

- Elargir la CAB aux communes du Sud était une promesse de campagne. Où en êtes-vous ?
- La situation globale nous a empêché d’avancer sur le sujet, non par manque de volonté des uns ou des autres, mais parce qu’il y a tellement de dossiers urgents en termes sanitaires et économiques que nous avons retardé les discussions. Nous sommes déjà en contact très étroit avec les intercos voisines de Marana-Golu et du Capicorsu pour créer des passerelles et mutualiser certains moyens comme les infrastructures sportives ou le transport. Nous avons tous conscience qu’il faut réduire les coûts et faire des économies d’échelle pour retrouver des capacités d’investissement. Nous espérons avancer au cours de la mandature avec Marana-Golu avec qui nous partageons une typologie d’agglomération identique. Mais, pour qu’un mariage fonctionne, il faut être deux. Cela se construit sur la confiance et dans le temps. Culturellement en Corse, on n’est pas prêt à fusionner une commune ou une interco avec une autre. Il faut, donc, tout étudier, les bénéfices pour les uns et les autres, donner envie… A partir de là, cela se fera tranquillement.

Le tri généralisé au porte-à-porte

La collecte des déchets.
La collecte des déchets.
- A propos des déchets, quelles sont vos relations avec le Syvadec ? Comptez-vous le réintégrer ?
- Les relations sont très bonnes. Nous ne pouvons pas casser le lien avec cet outil qui a toute sa légitimité. Avec la conscience politique et les responsabilités qui sont les nôtres, nous allons réintégrer très rapidement la structure et apporter notre pierre à l’édifice et notre vision.
 
- Mais ce sont deux visions différentes ?
- Il n’y a pas de vision à avoir au Syvadec ! C’est un outil qui a été créé pour appliquer le plan de la Collectivité de Corse (CdC) en termes de traitement des déchets. La CdC rédige un plan qui édicte les règles et s’impose aux deux grands acteurs en termes opérationnels : le SYVADEC pour la partie traitement et les intercos pour la partie collecte. Si la CdC décide qu’il n’y a plus de centre d’enfouissement et pas d’incinérateur, le Syvadec n’a pas son mot à dire. C’est là que le bât a blessé pendant la mandature précédente. Le président du Syvadec de l’époque n’était pas enclin à appliquer le plan de la CdC, aujourd’hui Mr Gianni a l’air de très bonne composition. Il s’est engagé dans nos discussions à appliquer le plan. Je lui fais toute confiance pour continuer sur ce chemin-là.
 
- Etes-vous favorable à l’implantation d’usines de surtri, à l’instar d’Aiacciu et de la CAPA ?
- Je ne suis pas opposé aux usines de surtri - nous en avons prévu une dans le Grand Bastia, associée à un méthaniseur pour produire de l’énergie -, mais leur dimensionnement pose question. L’usine d’Ajaccio est dimensionnée pour traiter environ 100 000 tonnes de déchets. Sachant que la Corse en produit environ 150 000 tonnes par an, cela veut dire que cette usine va obérer totalement le tri. C’est tout l’inverse qui doit se passer ! Nous devons mettre en place un tri généralisé au porte à porte et affiner le tri par une usine de surtri. Une usine, telle qu’elle est prévue à Ajaccio, viendrait tuer dans l’œuf le principe même de tri généralisé. On ne peut pas avoir des intercos qui font, comme la CAB ou Calvi-Balagne, 30% ou 35% de tri, et d’autres comme la CAPA qui font 10%. Un tel écart n’est pas possible ! Cela veut dire qu’il y a un problème d’investissement des intercos. Donc, réglons le cas des biodéchets, accentuons le tri et, ensuite, ces fameuses usines peuvent intervenir pour affiner la démarche.
 
- Les élus de l’opposition affirment que la population n’est pas prête à trier. Est-ce votre avis ?
- La population de la CAB est-elle trois fois plus prête que celle de la CAPA puisqu’elle trie trois fois plus ? C’est une question de volonté, il ne faut pas faire de politique sur les déchets ! Le tri est générationnel, il s’apprend. Si nous mettons en place les bons outils et la pédagogie, il n’y a pas de raison qu’il ne progresse pas très vite. De toute façon, la généralisation du tri a été acté par la loi et les directives européennes avec des objectifs très forts en termes de biodéchets : d’ici à 2023, 70% des biodéchets devront être collectés et traités. Ces biodéchets produisent des substances nocives et olfactives, c’est la principale problématique en termes d’enfouissement. Nous sortons d’un historique très traumatisant pour les populations : Tallone, Vico, Viggianellu… La ruralité n’a plus envie d’accueillir tous les déchets de Corse ! C’est une réalité qui se comprend. La loi impose aussi de ne plus parler de centre d’enfouissement, mais de centre de stockage. Mais pour avoir un centre de stockage, encore faut-il trier et séparer les flux, notamment les biodéchets et les fermentescibles qui doivent être traités à part, via des plateformes !

Le cap de la crise sanitaire

- Quelle est, pour vous, la priorité immédiate ?
- C’est de passer le cap de la crise sanitaire. Quoi que l’on imagine, si on ne sort pas de cette crise sanitaire et, donc, par effet domino, de la crise économique qui s’annonce, nous n’arrivons à rien. Aujourd’hui, nous, élus de terrain, naviguons à l’aveugle, à l’image du gouvernement qui ne donne pas de ligne directrice. Nous devons nous adapter de semaine en semaine, de conférence de presse ministérielle en conférence de presse ministérielle, pour mettre nos dispositifs à niveau. Notre rôle est d’être aux côtés des petits commerçants, de relancer l’économie, mais aussi d’accompagner les populations qui sont, aujourd’hui, en état de fragilité et d’isolement. Nous allons, via le service des sports, proposer des choses un peu novatrices qui permettront aux gens de se revoir et de se rencontrer, via les transports, pour assurer une mobilité en toute sécurité.
 
- Le président Macron a refusé le plan Rilanciu de l’Exécutif corse et renvoyé les élus discuter avec le préfet sur des appels à projets. Discutez-vous ?
- La lettre du Président de la République fait fi du statut particulier de la Corse. La Collectivité unique à des compétences très spécifiques, il n’est pas envisageable d’avancer sans cette institution. Le président de l’Exécutif doit être au centre du jeu et donner les grandes lignes, les intercos, qui sont les représentantes d’un territoire, et les communes doivent être associées à la table des discussions. Mais il n’est pas possible d’envisager une discussion bilatérale entre un président d’interco et un préfet, il manque forcément un échelon supra, celui de la CdC. C’est en cela que l’esprit de cette lettre me dérange. Pour autant, l’aspect politique, même si nous le dénonçons, ne doit pas venir ralentir la relance économique et le sauvetage de nombreux foyers ou entreprises.
 
- Le plan France Relance semble peu adapté à la Corse. Que pouvez-vous solliciter ?
- Pas grand-chose ! C’est un plan national qui ne tient pas compte de la spécificité de la Corse et de notre structure économique qui est constituée à 90% de TPE ou de PME. Nous n’avons pas les grandes entreprises qui vont mobiliser la majeure partie des aides. Qui plus est, cette fameuse doctrine des aides « au fil de l’eau – premier arrivé, premier servi » va permettre aux très grosses intercos et aux très grosses régions, qui ont beaucoup d’ingénierie, de mobiliser immédiatement des fonds sur des projets qui sont déjà dans les tuyaux ou qui peuvent être mis en œuvre très rapidement. A notre niveau, ce n’est pas possible. Le gros du volume des fonds de France Relance va échapper à la Corse. Il nous faut un plan et des mesures spécifiques. C’est en cela que le plan Salvezza est intéressant, il adapte les aides au tissu économique insulaire.
 
- Les élus locaux fustigent l’hyperjacobinisme du gouvernement qui impose sans consulter les territoires. Est-ce aussi votre sentiment ?
- C’est le premier gouvernement qui s’est annoncé girondin et qui a fait du jacobinisme à outrance. Il nous parle de la loi 3D qui n’arrive toujours pas et qui n’arrivera pas sous ce mandat présidentiel. Les échéances électorales rendent le calendrier très contraint pour faire passer de nouvelles lois. Les maires et tous les élus de terrain sont les laissés pour compte de ce mandat, sauf qu’au moment où tout va mal, on se rend compte qu’ils sont les maillons indispensables de la chaîne de décision. Cela ne suffit pas ! Pour qu’un maire ou un président d’interco puisse avoir un pouvoir d’action, il faut que celui-ci soit inscrit dans la loi. Il faut qu’il ait des compétences à faire valoir, sans devoir se retourner vers un Préfet qui, même avec la meilleure volonté du monde, est là pour une durée déterminée, 18 à 24 mois, et n’a pas la connaissance du territoire. Nous avons besoin, pour être au plus près des populations, d’une autonomie d’action au sens large qui doit intégrer les compétences des mairies et des agglomérations.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.