Émile Zuccarelli n'est pas content et tient à le faire savoir.
Aussi a-t-il saisi le prétexte, que lui a bien involontairement fourni, le groupe d'opposition Inseme per Bastia, pour s'en expliquer longuement en fin de séance du Conseil municipal.
Les Nationalistes modérés avaient proposé de mettre au vote une motion demandant, à la fois, la prorogation des Arrêtés Miot jusqu'au 31 décembre 2017 et le transfert de la compétence fiscale à la CTC. Gilles Simeoni a réaffirmé, brièvement, l'urgence de voter cette motion et le fait que les associations des maires de Haute-Corse et de Corse-du-Sud ont décidé de la faire approuver par tous les conseils municipaux de l’île. Certains, comme celui de Porto-Vecchio, l'ont déjà fait.
Une motion inopportune
Si, par expérience, le leader d'Inseme n'escomptait pas vraiment que le premier édile bastiais lui cède le pas en matière de proposition et qu'il adoube, sans se l'approprier, une motion qui ne provenait pas de sa majorité, il ne s'attendait, certes pas, à la diatribe qui en a résulté. Émile Zuccarelli a, d'emblée, refusé de discuter, argumentant que le débat et le vote de la motion n'étaient pas "opportuns" et qu'il laissait le soin au conseil municipal de dire son intérêt pour une question délicate qui mérite, selon lui, un débat plus approfondi. Il a donc, d'un revers de main, renvoyé l'examen de la motion en commission.
Jusque là, rien que du très ordinaire !
Un cadeau empoisonné
Mais le premier magistrat de la ville a surpris l'auditoire en critiquant la décision du Collectif de la société civile d'organiser, le samedi 9 février à Bastia, une manifestation pour réclamer le transfert de la compétence fiscale à la CTC. "Il n'y a d'urgence à voter la motion que parce qu'il y a une manifestation dans quelques jours. Je demande à voir pour le transfert de la compétence fiscale qui est, parfois, un cadeau empoisonné".
Tout en prenant soin de rappeler ses fondamentaux jacobins, Émile Zuccarelli règle ses comptes. D'abord, en apostrophant Gilles Simeoni, "dont votre parti politiques et vos proches font partie du collectif", une manière de jeter une suspicion d'arrière pensée politicienne sur la pureté des décisions prises par ce même collectif !
Emploi contre baston
Ensuite, en s'étonnant du choix de Bastia comme lieu de la manifestation, de préférence à la capitale administrative, Ajaccio. "Je suis un peu surpris. Pourquoi Bastia ? Et pas Ajaccio où se trouvent les autorités compétentes ! Le Préfet, la CTC sont-ils à Bastia ? On est toujours dans cette démarche qui me choque".
Enfin, en expliquant longuement les raisons de son mécontentement : "Un certain nombre de gens, qui sont dans le collectif, et Me Spadoni en particulier, se sont battus pour que les organismes, comme le GIRTEC, qui ont créé des dizaines d'emplois en matière de succession, soient installés à Ajaccio. Je rappelle la pugnacité, dont il a fallu faire preuve, pour réussir à implanter la Chambre régionale de commerce et d'industrie à Bastia".
Et de conclure dans un résumé lapidaire du fond de sa pensée : "Si je comprends bien, les emplois à Ajaccio et la baston à Bastia !"
Un choix pragmatique
Plutôt interloqué, Gilles Simeoni s'est contenté de rappeler que les mouvements politiques ne faisaient pas partie du Collectif de la société civile. Et de mettre, à son tour, Émile Zuccarelli face à la conséquence de ses propres choix. " Nous avons été invités, comme tous les autres partis politiques, à cette réunion de travail. Nous y sommes allés. Pas vous. Si vous aviez été là, vous auriez pu défendre un autre choix que celui de Bastia !"
Le leader nationaliste n'a pas jugé bon de préciser que le choix de Bastia, ardemment discuté lors de la réunion de samedi dernier à Corte, a surtout obéi à des considérations strictement pratiques. A la fois, climatiques, eu égard au mauvais temps qui a récemment frappé le Sud de l'île, et démographiques, Bastia et ses environs totalisant un volume de population bien plus important et plus dense que sa rivale ajaccienne.
Au delà du propos local, la réaction d'Émile Zuccarelli est assez symptomatique du malaise ressenti par la gauche insulaire face à une manifestation qui échappe au politique et que le gouvernement voit d'un très mauvais œil.
N. M.