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La Corse plutôt que Notre-Dame : le "choix pastoral" du pape François qui fait débat


Michela Vanti le Samedi 7 Décembre 2024 à 10:04

Alors que Paris s’apprête à célébrer la réouverture de la cathédrale Notre-Dame ce 7 décembre, le Pape François a choisi une autre destination : la Corse. Loin des projecteurs de la capitale, il clôturera à Ajaccio un colloque sur la religiosité populaire en Méditerranée. Un choix qui tranche avec la cérémonie de réouverture où il sera notablement absent. Fabio Marchese Ragona, vaticaniste Mediaset et co-auteur de Vivre, l’autobiographie du pape François, décrypte pour CNI ce choix qui fait débat



Le pape avec Fabio Marchese Ragona, vaticaniste Mediaset et co-auteur de Vivre, l’autobiographie du pape François
Le pape avec Fabio Marchese Ragona, vaticaniste Mediaset et co-auteur de Vivre, l’autobiographie du pape François
Ce samedi, la France célèbre  la renaissance de Notre-Dame de Paris, après l'incendie dévastateur de 2019 et quatre ans de travaux titanesques. La cérémonie de réouverture, qui comprendra une allocution présidentielle, un office religieux et un concert s'annonce grandiose. Plusieurs personnalités de premier plan, telles que Donald Trump, le président italien Sergio Mattarella et la présidente grecque Ekateríni Sakellaropoúlou, seront présentes.

C'est le chef d'État du Vatican et chef de l'Église catholique qui sera le grand absent de cette cérémonie.
Malgré une invitation formelle de la part d'Emmanuel Macron, le pape a choisi de ne pas y aller. Une absence d'autant plus marquante qu'il sera à Ajaccio la semaine suivante pour clore un colloque sur la religiosité populaire en Méditerranée. Un choix qui interpelle. Le pape a-t-il un problème avec la France ? Comment comprendre son absence à la cérémonie d'ouverture de Notre-Dame ? 

Alors que certains y voient un affront voilé à Paris et à la France, Fabio Marchese Ragona, vaticaniste Mediaset et co-auteur de Vivre, l’autobiographie du pape François, propose une lecture plus nuancée. "L’absence du Pape à Paris n’est pas un choix contre la capitale. Le Pape ne compare pas Paris et Ajaccio", explique-t-il. "En se rendant à Ajaccio, François poursuit simplement son engagement en faveur des périphéries, des lieux et des communautés souvent laissées dans l’ombre."
Le vaticaniste explique que le Pape a toujours préféré des lieux moins fréquentés par les puissants, comme il l'a fait en visitant des pays peu influents. "Il privilégie souvent les lieux éloignés des grands centres de pouvoir, comme il l’a fait en visitant de petits pays plutôt que de grandes capitales européennes", ajoute-t-il. La Corse, territoire jamais visité par un pape, s'inscrit dans cette logique de proximité avec les communautés périphériques.


Le calendrier de François a également joué un rôle dans sa décision. Ce 7 décembre, il présidera un consistoire à Rome pour la création de 21 nouveaux cardinaux, et le lendemain, il se rendra à la Piazza di Spagna pour célébrer l’Immaculée Conception, "Il est important de noter que François, en tant qu’évêque de Rome, et comme ses prédécesseurs, respecte également cette tradition liturgique", rappelle le journaliste.

Notre-Dame sans François, mais pas sans message
Cependant, malgré son absence, François n’a pas ignoré la portée spirituelle et historique de la réouverture de Notre-Dame. Un message a été envoyé à l’archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich, destiné à être lu lors de la cérémonie. "Ce n’est pas un désaveu envers Paris ou la France. Le Pape agit selon ses priorités liturgiques et pastorales, et non sous pression médiatique ou politique", affirme Fabio Marchese Ragona.

Entre le Pape et Macron, une entente cordiale
L'absence de François à Paris a néanmoins généré des tensions avec l’Élysée. Emmanuel Macron, qui avait pourtant reçu le pape à Marseille en septembre 2023, ne sera pas présent à Ajaccio pour l’accueillir dimanche matin. Si le Premier ministre Michel Barnier et le ministre de l’Intérieur étaient initialement chargés de l’accueil, la chute du gouvernement a rendu le protocole incertain. Une rencontre entre les deux chefs d'État est toutefois prévue à l’aéroport d’Ajaccio, avant le départ de François, afin de dissiper toute interprétation d’une crise diplomatique. "Entre le Pape et Macron, l’entente reste cordiale", insiste le vaticaniste.

 

Rencontre entre Emmanuel Macron et le pape le 23 septembre 2023. - AFP
Rencontre entre Emmanuel Macron et le pape le 23 septembre 2023. - AFP
Un voyage aux multiples symboles
Au-delà de son absence remarquée à Paris, la venue du Pape en Corse revêt une forte symbolique. Invité par le cardinal François Bustillo, évêque d’Ajaccio, le Saint Père clôturera un colloque sur la religiosité populaire. "L’invitation à clôturer ce congrès a certainement été très appréciée du Pape, étant donné que François a une sensibilité marquée pour ces thématiques." observe Fabio Marchese Ragona. "Le Pape a toujours eu une grande estime pour la religiosité populaire et je pense qu'à Ajaccio il soulignera, comme il l’a déjà fait dans l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, l’importance de cet aspect de l’Église, qu'il considère comme essentiel pour la nouvelle évangélisation." De plus, la devise de son voyage, "Jésus passa en faisant le bien", reflète "sa volonté de se mettre au service des plus modestes et de promouvoir des valeurs d’accueil et de solidarité, chères au pontife."


La visite papale à Ajaccio met également en lumière la relation profonde entre le pape Bergoglio et le cardinal Bustillo. Ce dernier, figure montante de l’Église, incarne la vision d’une pastorale centrée sur l’humain et le service, en phase avec les convictions du Saint Père. "Je pense qu'il existe une excellente relation entre le cardinal Bustillo et le Pape", analyse le vaticaniste qui rappelle que en 2022, à l'issue de la messe chrismale, François a offert à tous les prêtres de Rome, un livre de l'évêque d'Ajaccio intitulé Testimoni, non funzionari (Témoins, pas fonctionnaires), un guide dans lequel le cardinal Bustillo met en garde les prêtres, entre autres, contre le risque de transformer la paroisse en un bureau administratif. "L'une des grandes plaies de l'Église aujourd'hui, selon le Pape, est le risque de cléricalisme, une problématique qu'il aborde régulièrement dans ses discours"  observe Fabio Marchese Ragona"Et la pensée de Bustillo va précisément dans ce sens."