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L'astrophysicien Francis Rocard à Bastia : "L’expédition vers Mars commence par la Lune"


Philippe Jammes le Vendredi 17 Mars 2023 à 10:43

Ce samedi à 15 heures A Casa di e Scenze invite le public à une expédition sur Mars. La conférence sera donnée au Centre Culturel L'Alb'Oru par un éminent spécialiste, Francis Rocard, astrophysicien spécialisé en planétologie, directeur du programme Mars au CNES.

CNI a rencontré le scientifique qui lui a donné un petit avant-gout de son intervention.



Francis Rocard, nous aidera à mieux comprendre la conquête de la planète Mars.
Francis Rocard, nous aidera à mieux comprendre la conquête de la planète Mars.

- Le thème de votre conférence ? 
- La conférence, c'est le retour sur la Lune pour mieux aller sur Mars. Retour sur la Lune avec Artémis, l’Apollo du 21ème siècle. Avec ce programme Artémis I, Artémis II et Artémis III, il va y avoir des Américains et peut-être un Européen sur la Lune à partir de 2025/2026. Pour les Américains qui portent le projet c’est un retour sur la Lune pour préparer la mission sur Mars.

- Comment cela va-t-il s’articuler ?
- Le retour sur la Lune est un prélude au voyage sur Mars car pour aller sur cette planète il va falloir développer des véhicules beaucoup plus ambitieux, beaucoup plus lourds que pour la Lune. En gros, pour schématiser, un voyage sur Mars, c'est à peu près
100 fois plus long en temps et à peu près 1000 fois plus loin en distance. Donc tout est surmultiplié. Il faudra créer des modules de transports lourds et développer le nucléaire spatial. Développer par exemple des modules d'habitation sur la Lune qui pourront être utilisés si besoin sur Mars, des véhicules pressurisés pour se déplacer sur la Lune qui pourront ensuite être utilisés sur Mars. Voilà, ce sont toutes ces technologies qui vont être mises en œuvre sur la Lune, qui a l'avantage d’être à seulement 3 jours de la Terre.

- A quelle échéance ?
- Quand toutes ces technologies seront maitrisées. Dans les années 2030, on assistera à un début de l'exploration habitée vers Mars. Evidemment, les hommes ne se poseront pas tout de suite. Ça sera beaucoup plus long. Mais on verra déjà de gros trains spatiaux partir vers Mars pour encore une fois valider les engins. Il y a eu récemment le lancement d’Artémis 1, sans astronaute à bord et qui ne s’est posé sur la Lune mais qui a permis de tester le lanceur et la capsule Orion qui emportera les astronautes sur la surface lunaire. Ça a bien fonctionné, sans pépin. Il y aura ensuite le même type de mission vers Mars dans les années 2030 et puis ensuite les choses évolueront jusqu'à un atterrissage plus tard.

- Quel peut être l'intérêt de l’exploration de Mars pour l'humanité ? 
- Il faut bien comprendre qu'il y a en parallèle 2 explorations de Mars. D’abord celle qui est menée par des robots depuis une cinquantaine d'années et celle-là est à vocation exclusivement scientifique. La grande question que l'on se pose sur Mars, c'est « Est-ce que la vie y est apparue il y a 3,5 milliards d'années ? ». Mars est la planète la plus proche de la terre et la plus facile d'accès. On pourra peut-être avoir la réponse. Donc c'est vraiment la question existentielle, « sommes-nous seuls dans l'univers ou au moins avons-nous été seuls dans l'univers, à un moment où Mars était habitable, avec certainement de l'eau liquide et donc les composants pour que la vie apparaisse ». Ça, c'est l'exploration automatique qui se traduit par des missions actuelles comme Curiosity qui fonctionne depuis 10 ans, ou Persévérance et le retour d'échantillons. Tout ça est en cours depuis 50 ans. Après, vous avez la démarche américaine d'envoyer des hommes sur Mars, ça c'est une démarche qui n'est pas au départ à finalité scientifique.

- Pourquoi envoyer des hommes sur Mars ?
- Il y a plusieurs réponses. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a déjà des mauvaises réponses. Par exemple, il ne s'agit pas de faire du business. Il n’y a pas de recettes à espérer, il n'y a pas de minéraux extraordinaires à trouver sur Mars qui permettraient de faire du business. Non, tout ça n'existe pas. Il n’y aura que des dépenses. Il y a certainement un aspect géopolitique qui est de rester numéro un, quand vous êtes numéro un. Dans ce domaine les Américains sont allés sur la Lune et sont évidemment numéro un. Il faut continuer d'aller de l'avant, ne pas s'arrêter et il n’y a pas 36 destinations où vous pouvez envoyer des hommes : la Lune, Mars et les astéroïdes. Depuis 70 ans, il y a un fantasme d'envoyer des hommes sur Mars et donc c'est cette démarche qui est finalement conseillée. Cela a été un discours pendant longtemps et maintenant cela devient une réalité avec des dépenses considérables pour y arriver.

- La place de la France dans cette aventure spatiale ?
- La place de la France est au sein de l’Europe car les missions sont chères. L’Europe va contribuer par exemple à mettre une station en orbite lunaire avec un astronaute à bord avant la fin de cette décennie. La France contribue aussi aux missions des USA.

- Quelles sont les questions récurrentes du public lors de vos conférences ?
- Il m'est en effet arrivé de la donner dans d'autres circonstances, tout à fait. Il y a effectivement cette question de « Pourquoi dépenser tant d'argent pour envoyer des hommes sur Mars ? ». J'essaie de donner un élément de réponse. Il y a aussi des tas de questions sur les aspects techniques, les difficultés ou encore « est-ce que les radiations ne vont pas griller les hommes avant même d'y arriver ?
 

 

La Maison des sciences

« Cette conférence intervient dans le cadre d’un cycle de rencontres exceptionnelles autour de la conquête spatiale organisé par notre A Casa di e Scenze » souligne Ivana Polisini, adjointe au maire de Bastia, déléguée à la politique éducative et à la petite enfance.
« Ce cycle de conférence avait débuté avec Thomas Pesquet » rappelle Ivana Polisini « et s’est poursuivi avec Laurence Monnoyer-Smith sur le changement climatique, Géraldine Najat, sur le thème de l’Espace un lieu à investir. Notre 4ème intervenant est une sommité et nous sommes très fiers de le faire venir à Bastia. Ce samedi, Francis Rocard viendra nous conter l’aventure sur Mars en passant par la Lune. Et puis nous clôturerons ce cycle le 24 juin avec une autre grande invitée : Claudie  Haigneré, 1ère femme française à être allée dans l’espace, ancienne ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles technologies qui viendra nous parler des vols spatiaux habités. Quant à la prochaine grande exposition qui remplacera celle de Mars en septembre, elle sera dédiée aux météorites, une expo du Museum d’Histoires Naturelles, avec là aussi tout un cycle de conférences »


Inaugurée en 2020 dans les quartiers sud de la ville, la Maison des sciences, se révèle un bel outil pédagogique avec, en 2022, plus de 5000 visiteurs dont de très nombreux scolaires. Lors des deux premiers mois de 2023, le nombre d’entrées était déjà de 900 !  « Nous avons des matinées réservées aux scolaires qui peuvent découvrir les expositions et participer à des ateliers. Nous leur réservons aussi des activités lors des vacances scolaires. A Casa di e Scenze est bien sûr ouverte au public notamment les après-midis et le samedi » indique de son côté le directeur Bertrand Thibault.


Mais revenons sur terre, euh... sur Mars avec ce prestigieux invité, Francis Rocard, petit-fils de physicien, fils de l’homme politique Michel Rocard.

Entrée 2 €. Réservation conseillée au 04 95 55 96 71 ou casadiescenze@bastia.corsica