Jean François Leoni, directeur de la DISS (Direction des Interventions sociales et sanitaires)
- Pourquoi mettre en place un Schéma départemental unique d’organisation sociale ?
- Nous sommes partis d’un constat malheureux, édifiant et effarant sur la situation sociale. Une situation très préoccupante qui se caractérise par une transformation et une hausse de la précarité ainsi qu’une paupérisation et un vieillissement de la population. Nous sommes de plus en plus sollicités. En l’espace de 3 ans, l’activité des UTISS (Unités territoriales des interventions sociales et sanitaires), c’est-à-dire le travail de polyvalence des assistantes sociales, a augmenté de 30%. Nous avons, ensuite, de grandes difficultés à travailler entre administrations, entre institutions, avec des cloisonnements qu’il fallait faire tomber.
- Dans ce contexte, quel intérêt présente ce schéma ?
- L’intérêt de ce Schéma est, d’abord, de mettre en place un outil de planification et de programmation qui assure une certaine cohérence et une certaine cohésion entre les institutionnels. Le but est de répartir les tâches et les missions entre administrations, entre collectivités et entre les associations pour densifier le maillage territorial. Ensuite, d’assurer la transversalité et de mettre en œuvre des outils innovants, mais peu onéreux.
- Qu’est-ce qui va concrètement changer ?
- Tout d’abord, la coordination des acteurs avec la tenue de réunions semestrielles où il sera question de mettre autour de la table la plupart des partenaires : les représentants de l’Etat, des collectivités territoriales et les associations. Avant, on avait tendance à travailler de manière atomisée, en autarcie. Le but est de décider comment travailler, de croiser les informations, d’essayer, tous ensemble, d’impulser de véritables synergies convergentes et de s’assurer de la réelle efficience de la feuille de route commune des politiques sociales.
- Comment ?
- Nous essayons de repérer, dans d’autres départements, les dispositifs les plus intéressants, les plus efficients, les plus pertinents et les moins coûteux, et de les multiplier. Dans le même temps, de réduire les dispositifs peu intéressants ou trop onéreux. Face, d’abord, au gel de la dotation de l’Etat, ensuite à la diminution des dotations avec un effet de ciseau qui handicape considérablement les missions sociales des départements, il est important de redoubler d’imagination pour maintenir une politique sociale performante et dynamique, à moyens matériels, humains et financiers constants.
- Des doublons entre les actions de l’Etat et celles du département seront-ils gommés ?
- Tout à fait ! Il y a beaucoup de doublons, de dispositifs et de problématiques concernant, notamment, le logement, l’insertion et la protection de l’enfance, où nous intervenons en même temps que d’autres administrations. Je ne ferais pas une liste à la Prévert, mais il y a vraiment pléthore ! Il est essentiel d’essayer de rationnaliser les dépenses et le temps passé par les agents afin de pouvoir mettre en place des experts dans chaque domaine et, surtout, de faire des économies.
- Dans quel domaine y a-t-il le plus de carences ?
- On peut vraiment se prévaloir d’une politique sociale assez performante au niveau des principales compétences du département : que ce soit en matière de maintien à domicile des personnes âgées handicapées ou de la protection de l’enfance. Mais il y a toujours moyen d’optimiser, à moindre coût, ces interventions sans générer une inflation des dépenses ou des recrutements de personnels. Aujourd’hui, on n’a plus les moyens d’augmenter les effectifs. Pour être plus pragmatique, par exemple concernant la protection de l’enfance, il est important d’avoir plusieurs portes d’entrées.
- C’est-à-dire ?
- Aujourd’hui, les personnes ont la possibilité de nous saisir directement et de manière anonyme pour donner des signalements d’enfants en difficulté. Il est important d’avoir des retours d’informations de l’enseignement primaire et secondaire, donc de l’Education nationale, mais aussi d’associations à qui des situations difficiles ont été signalées, des cas où les enfants pourraient être mis en danger. A travers ces différentes portes d’entrées et la capacité du Schéma à mobiliser les acteurs associatifs, publics et privés, nous pourrons effectuer un maillage très large avec la quasi-certitude de ne passer au travers d’aucune situation. Malheureusement, aujourd’hui, nous ne pouvons que tenter de réduire les risques.
- Le dispositif actuel d’aide à l’enfance manque-t-il de performance ?
- Non ! Il est performant ! Il marche même très bien ! Le but est de l’optimiser. Mais il est assez significatif qu’en l’espace de trois ans, nous avons reçu deux fois plus d’informations préoccupantes émanant d’horizons divers. Nous avions 180 signalements en 2010 contre 380 en 2013. On se pose des questions ! On se demande s’il n’y a pas moyen de filtrer en amont ces situations, de les réduire, de mieux informer afin de ne s’arrêter qu’à des situations où l’enfant serait en danger et d’appliquer le principe de précaution.
- Quels seront vos priorités ?
- La précarité avec l’explosion de l’enveloppe RSA. Nous avons dépensé 10% de plus qu’en 2012, 13% de plus qu’en 2013… Les perspectives sont assez négatives pour 2015. Le but est de travailler mieux et de permettre aux bénéficiaires du RSA de se réinsérer.
- Vous êtes le 8ème département français à mettre en place ce schéma. Quels retours avez-vous des expériences tentées ailleurs ?
- L’intérêt est de faire un peu de parangonnage pour voir, dans des départements de même strate, les dispositifs mis en place qui ont bien fonctionné. Par exemple, le Doubs peut se prévaloir d’avoir mis en place une politique performante et dynamique à moyens constants. Mais chaque département est différent, le but est de pouvoir faire, l’an prochain, une évaluation sur chaque domaine en s’appuyant sur des indicateurs précis et chiffrés.
- Avez-vous une idée des économies potentielles que vous pourrez réaliser ?
- Nous ne pourrons le dire qu’au moment de l’évaluation qui aura lieu à N+1, c’est-à-dire l’année prochaine. Le but est vraiment de pouvoir évaluer ce schéma et de le réorienter tous les ans. Aujourd’hui, les dépenses sociales du département s’élèvent à 80 millions € par an. Ce qui est considérable ! Nous avons réussir à les maintenir en trois ans sans augmentation. Le but est de continuer à travailler de la même manière, d’optimiser les dispositifs pour obtenir une diminution, aujourd’hui difficilement chiffrable, mais qui sera assez conséquente.
- Comment allez-vous vous en sortir avec la baisse des dotations de l’Etat ?
- Il va falloir travailler mieux en dépensant moins ! C’est vraiment l’enjeu de ce schéma ! Il est difficile de chiffrer les économies qui seront réalisées. Nous espérons maintenir cette dépense de 80 millions € par an sans diminuer la qualité de l’intervention auprès des usagers.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Nous sommes partis d’un constat malheureux, édifiant et effarant sur la situation sociale. Une situation très préoccupante qui se caractérise par une transformation et une hausse de la précarité ainsi qu’une paupérisation et un vieillissement de la population. Nous sommes de plus en plus sollicités. En l’espace de 3 ans, l’activité des UTISS (Unités territoriales des interventions sociales et sanitaires), c’est-à-dire le travail de polyvalence des assistantes sociales, a augmenté de 30%. Nous avons, ensuite, de grandes difficultés à travailler entre administrations, entre institutions, avec des cloisonnements qu’il fallait faire tomber.
- Dans ce contexte, quel intérêt présente ce schéma ?
- L’intérêt de ce Schéma est, d’abord, de mettre en place un outil de planification et de programmation qui assure une certaine cohérence et une certaine cohésion entre les institutionnels. Le but est de répartir les tâches et les missions entre administrations, entre collectivités et entre les associations pour densifier le maillage territorial. Ensuite, d’assurer la transversalité et de mettre en œuvre des outils innovants, mais peu onéreux.
- Qu’est-ce qui va concrètement changer ?
- Tout d’abord, la coordination des acteurs avec la tenue de réunions semestrielles où il sera question de mettre autour de la table la plupart des partenaires : les représentants de l’Etat, des collectivités territoriales et les associations. Avant, on avait tendance à travailler de manière atomisée, en autarcie. Le but est de décider comment travailler, de croiser les informations, d’essayer, tous ensemble, d’impulser de véritables synergies convergentes et de s’assurer de la réelle efficience de la feuille de route commune des politiques sociales.
- Comment ?
- Nous essayons de repérer, dans d’autres départements, les dispositifs les plus intéressants, les plus efficients, les plus pertinents et les moins coûteux, et de les multiplier. Dans le même temps, de réduire les dispositifs peu intéressants ou trop onéreux. Face, d’abord, au gel de la dotation de l’Etat, ensuite à la diminution des dotations avec un effet de ciseau qui handicape considérablement les missions sociales des départements, il est important de redoubler d’imagination pour maintenir une politique sociale performante et dynamique, à moyens matériels, humains et financiers constants.
- Des doublons entre les actions de l’Etat et celles du département seront-ils gommés ?
- Tout à fait ! Il y a beaucoup de doublons, de dispositifs et de problématiques concernant, notamment, le logement, l’insertion et la protection de l’enfance, où nous intervenons en même temps que d’autres administrations. Je ne ferais pas une liste à la Prévert, mais il y a vraiment pléthore ! Il est essentiel d’essayer de rationnaliser les dépenses et le temps passé par les agents afin de pouvoir mettre en place des experts dans chaque domaine et, surtout, de faire des économies.
- Dans quel domaine y a-t-il le plus de carences ?
- On peut vraiment se prévaloir d’une politique sociale assez performante au niveau des principales compétences du département : que ce soit en matière de maintien à domicile des personnes âgées handicapées ou de la protection de l’enfance. Mais il y a toujours moyen d’optimiser, à moindre coût, ces interventions sans générer une inflation des dépenses ou des recrutements de personnels. Aujourd’hui, on n’a plus les moyens d’augmenter les effectifs. Pour être plus pragmatique, par exemple concernant la protection de l’enfance, il est important d’avoir plusieurs portes d’entrées.
- C’est-à-dire ?
- Aujourd’hui, les personnes ont la possibilité de nous saisir directement et de manière anonyme pour donner des signalements d’enfants en difficulté. Il est important d’avoir des retours d’informations de l’enseignement primaire et secondaire, donc de l’Education nationale, mais aussi d’associations à qui des situations difficiles ont été signalées, des cas où les enfants pourraient être mis en danger. A travers ces différentes portes d’entrées et la capacité du Schéma à mobiliser les acteurs associatifs, publics et privés, nous pourrons effectuer un maillage très large avec la quasi-certitude de ne passer au travers d’aucune situation. Malheureusement, aujourd’hui, nous ne pouvons que tenter de réduire les risques.
- Le dispositif actuel d’aide à l’enfance manque-t-il de performance ?
- Non ! Il est performant ! Il marche même très bien ! Le but est de l’optimiser. Mais il est assez significatif qu’en l’espace de trois ans, nous avons reçu deux fois plus d’informations préoccupantes émanant d’horizons divers. Nous avions 180 signalements en 2010 contre 380 en 2013. On se pose des questions ! On se demande s’il n’y a pas moyen de filtrer en amont ces situations, de les réduire, de mieux informer afin de ne s’arrêter qu’à des situations où l’enfant serait en danger et d’appliquer le principe de précaution.
- Quels seront vos priorités ?
- La précarité avec l’explosion de l’enveloppe RSA. Nous avons dépensé 10% de plus qu’en 2012, 13% de plus qu’en 2013… Les perspectives sont assez négatives pour 2015. Le but est de travailler mieux et de permettre aux bénéficiaires du RSA de se réinsérer.
- Vous êtes le 8ème département français à mettre en place ce schéma. Quels retours avez-vous des expériences tentées ailleurs ?
- L’intérêt est de faire un peu de parangonnage pour voir, dans des départements de même strate, les dispositifs mis en place qui ont bien fonctionné. Par exemple, le Doubs peut se prévaloir d’avoir mis en place une politique performante et dynamique à moyens constants. Mais chaque département est différent, le but est de pouvoir faire, l’an prochain, une évaluation sur chaque domaine en s’appuyant sur des indicateurs précis et chiffrés.
- Avez-vous une idée des économies potentielles que vous pourrez réaliser ?
- Nous ne pourrons le dire qu’au moment de l’évaluation qui aura lieu à N+1, c’est-à-dire l’année prochaine. Le but est vraiment de pouvoir évaluer ce schéma et de le réorienter tous les ans. Aujourd’hui, les dépenses sociales du département s’élèvent à 80 millions € par an. Ce qui est considérable ! Nous avons réussir à les maintenir en trois ans sans augmentation. Le but est de continuer à travailler de la même manière, d’optimiser les dispositifs pour obtenir une diminution, aujourd’hui difficilement chiffrable, mais qui sera assez conséquente.
- Comment allez-vous vous en sortir avec la baisse des dotations de l’Etat ?
- Il va falloir travailler mieux en dépensant moins ! C’est vraiment l’enjeu de ce schéma ! Il est difficile de chiffrer les économies qui seront réalisées. Nous espérons maintenir cette dépense de 80 millions € par an sans diminuer la qualité de l’intervention auprès des usagers.
Propos recueillis par Nicole MARI
Paul Peraldi, conseiller général du canton de Vezzani et rapporteur de la commission des finances, de l´économie et de l´administration générale.
Paul Peraldi : « Nous n’avons plus les moyens, aujourd’hui, de distribuer l’argent à tour de bras »
- Comment se caractérise le budget pour l’année 2015 ?
- Le budget est en baisse constante depuis quelques années. Il était de 231 millions € en 2012. Il est tombé à 230 millions € en 2013, puis à 229,5 millions € en 2014. Nos prévisions actuelles nous laissent espérer un budget primitif évalué à 228 millions € pour l’exercice 2015. Nous craignons une baisse des dotations de l’Etat d’environ 4 millions € alors que nos ressources fiscales, c’est-à-dire la taxe foncière, les droits sur les tabacs… se stabilisent. Nous avons quand même réussi à préserver notre fonds de roulement que nous avions constitué entre 2005 et 2010. Et ce, malgré une situation financière particulièrement instable.
- Qu’allez-vous faire pour y remédier ?
- Ce sera difficile ! Il faudra préserver notre marge de fonctionnement tout en soutenant notre investissement. Ce qui ne sera pas évident ! Outre que les dotations de l’Etat sont constamment en baisse, l’harmonisation prévue de la fiscalité des tabacs entre la Corse et le continent va encore réduire les recettes, sachant que notre compétence Transports terrestres et ports de pêche est transférée à la CTC (Collectivité territoriale de Corse). Il faut essayer à tous prix, et c’est notre intérêt, de minimiser, dès à présent, le montant de nos dépenses relatives à nos compétences afin de préserver nos ressources futures. Mais on ne peut pas baisser le social qui évolue de façon constante !
- Vous venez de voter le Schéma départemental unique d’organisation sociale. Ne va-t-il générer encore plus de dépenses ?
- Oui ! Cela risque ! Je dirais même : certainement ! C’est une compétence dont le coût ne cesse d’augmenter. Et il est difficile de faire autrement ! Je ne vois pas comment faire baisser les dépenses sur nos postes de compétences ! Nous avons, jusqu’à présent, diminuer les aides aux associations et les aides aux communes, mais on ne peut pas baisser ces aides indéfiniment ! Sur le social qui est notre compétence majeure, les dépenses sont incompressibles.
- Envisagez-vous d’augmenter les impôts ?
- Pour le moment, non ! Je pense que c’est à éviter ! Mais cela n’engage que moi. Le président et les conseillers généraux vont en débattre et décider. Ce n’est pas facile. Mais, comme l’a dit le président, nous devrons faire des choix courageux. Nous n’avons plus les moyens, aujourd’hui, de distribuer l’argent à tour de bras.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Comment se caractérise le budget pour l’année 2015 ?
- Le budget est en baisse constante depuis quelques années. Il était de 231 millions € en 2012. Il est tombé à 230 millions € en 2013, puis à 229,5 millions € en 2014. Nos prévisions actuelles nous laissent espérer un budget primitif évalué à 228 millions € pour l’exercice 2015. Nous craignons une baisse des dotations de l’Etat d’environ 4 millions € alors que nos ressources fiscales, c’est-à-dire la taxe foncière, les droits sur les tabacs… se stabilisent. Nous avons quand même réussi à préserver notre fonds de roulement que nous avions constitué entre 2005 et 2010. Et ce, malgré une situation financière particulièrement instable.
- Qu’allez-vous faire pour y remédier ?
- Ce sera difficile ! Il faudra préserver notre marge de fonctionnement tout en soutenant notre investissement. Ce qui ne sera pas évident ! Outre que les dotations de l’Etat sont constamment en baisse, l’harmonisation prévue de la fiscalité des tabacs entre la Corse et le continent va encore réduire les recettes, sachant que notre compétence Transports terrestres et ports de pêche est transférée à la CTC (Collectivité territoriale de Corse). Il faut essayer à tous prix, et c’est notre intérêt, de minimiser, dès à présent, le montant de nos dépenses relatives à nos compétences afin de préserver nos ressources futures. Mais on ne peut pas baisser le social qui évolue de façon constante !
- Vous venez de voter le Schéma départemental unique d’organisation sociale. Ne va-t-il générer encore plus de dépenses ?
- Oui ! Cela risque ! Je dirais même : certainement ! C’est une compétence dont le coût ne cesse d’augmenter. Et il est difficile de faire autrement ! Je ne vois pas comment faire baisser les dépenses sur nos postes de compétences ! Nous avons, jusqu’à présent, diminuer les aides aux associations et les aides aux communes, mais on ne peut pas baisser ces aides indéfiniment ! Sur le social qui est notre compétence majeure, les dépenses sont incompressibles.
- Envisagez-vous d’augmenter les impôts ?
- Pour le moment, non ! Je pense que c’est à éviter ! Mais cela n’engage que moi. Le président et les conseillers généraux vont en débattre et décider. Ce n’est pas facile. Mais, comme l’a dit le président, nous devrons faire des choix courageux. Nous n’avons plus les moyens, aujourd’hui, de distribuer l’argent à tour de bras.
Propos recueillis par Nicole MARI