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Gilles Simeoni : « Nous avons décidé de remettre la visite ministérielle le temps de recréer les conditions du dialogue »


Nicole Mari le Mardi 4 Octobre 2022 à 16:50

Le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, réagit, à l’annonce du report de la visite du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, qui devaient venir en Corse les 6 et 7 octobre. Gilles Simeoni, qui s’est entretenu, lundi soir, avec Gérald Darmanin, explique que la décision a été prise d’un commun accord, et qu’il a demandé au gouvernement de clarifier sa position sur la question des prisonniers politiques afin de poursuivre sereinement le processus en cours.



Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse. Photo Michel Luccioni.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse. Photo Michel Luccioni.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, ne viendront pas en Corse les 6 et 7 octobre, comme prévu. Une décision de report prise d’un commun accord avec le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, lors d’un entretien téléphonique, lundi soir, et annoncée, mardi matin, par un communiqué du ministère de l’Intérieur. Lors de l’entretien téléphonique, Gilles Simeoni et Gérald Darmanin ont convenu que « les conditions n’étaient pas réunies » pour cette visite dans deux jours. Des deux côtés, on parle d’un report, pas d’une annulation. Paris et la Corse semblent soucieux de jouer la carte du dialogue et de l’apaisement.
 
Un commun accord
Des mots mesurés et prudents du côté de l’Etat : « Gérald Darmanin et le Président du Conseil exécutif de Corse se sont entretenus hier soir. À l'issue de cet entretien, et à la lumière de la déclaration de la Conférence des présidents de l'Assemblée de Corse, ils sont convenus que les conditions d'un débat serein avec les maires sur des politiques publiques telles que le traitement des déchets et l'eau ne sont pas réunies. Afin de préserver la qualité des échanges tenus jusqu'à présent et recréer les conditions de la poursuite sereine du processus de dialogue engagé entre la Corse et l'État, le ministre a décidé de reporter son déplacement de quelques semaines », déclare le communiqué ministériel . Une demande de clarification du côté de l’Exécutif corse : « J’ai eu Gérald Darmanin hier au téléphone. Je lui ai parlé de la situation et de la déclaration unanime de la Conférence des présidents de l’Assemblée de Corse. Je lui ai dit qu’au vu de la situation faite aux prisonniers politiques, on ne pouvait pas continuer le processus de discussion comme si de rien n’était. Je lui ai redit que nous étions attachés à la réussite globale du processus parce que nous connaissons l’importance de trouver une solution globale au problème corse, mais cette solution globale ne peut pas se construire s’il n'y a pas une volonté partagée au niveau de l’État d’être dans une logique d’apaisement, de fin de conflit et d’ouverture d’une nouvelle ère. Nous avons décidé de remettre la visite le temps de recréer les conditions du dialogue », confirme Gilles Simeoni.
 
Un scénario usé
L’Assemblée de Corse a pris, jeudi soir, la décision de clore prématurément sa session de septembre, après l’annonce du refus en appel de la liberté conditionnelle de Pierre Alessandri pour motif de « troubles à l’ordre public ». Pour rappel, la décision de première instance, qui accordait la libération conditionnelle, a été aussitôt, comme c’est invariablement le cas depuis six ans, attaquée en appel par le Parquet national antiterroriste. Et dans un scénario immuable, la Cour d’appel a infirmé le jugement en première instance et maintenu Pierre Alessandri en détention. Les deux derniers prisonniers du commando Erignac, libérables depuis six ans après 23 ans d’incarcération, semblent condamnés à la prison à la vie. Cette décision a soulevé une indignation générale dans l’île et dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse, tous groupes politiques confondus, et s’est traduit par un communiqué commun. « LAssemblée de Corse et le Conseil exécutif de Corse considèrent que cest au contraire aujourd'hui le maintien en détention de Pierre Alessandri, comme celui dAlain Ferrandi, qui pourraient être générateurs dun tel trouble. Pour ces raisons, l'arrêt rendu ce jour contrevient à la logique dapaisement qui conditionne le bon déroulement et la réussite du processus de négociation engagé entre la Corse et lEtat. (…) Il appartient donc au Gouvernement de recréer rapidement les conditions politiques dun dialogue serein et de la confiance réciproque », disait ledit communiqué. La situation est dautant plus tendue que Pierre Alessandri est obligé de retourner en centrale sur le continent pour refaire une nouvelle demande de libération conditionnelle, ce qui revient à le renvoyer au point de départ. Il aura fallu l’assassinat d’Yvan Colonna à la centrale d’Arles et les manifestations violentes qui lui ont succédé dans l’île pour que l’Etat consente à appliquer la loi en matière de rapprochement des prisonniers et transfère en avril Pierre Alessandri et Alain Ferrandi à la prison de Borgu.
 
Une parole publique
Dans ces conditions, la visite ministérielle s’annonçait plutôt mal. « J’ai expliqué au ministre l’esprit du texte de la Conférence des présidents, qu’on ne pouvait pas reprendre les discussions comme si de rien n’était après un arrêt aussi injuste et incompréhensible. Et qu’il fallait recréer les conditions de la confiance », précise Gilles Simeoni. Et de marteler : « Avec l’émotion et l’incompréhension suscitées par la décision de justice à l’encontre de Pierre Alessandri, les conditions ne sont pas réunies pour qu’on puisse avoir un dialogue serein et des échanges sur les thématiques de l’eau et des déchets. Ce serait complètement en décalage ! Aujourd’hui, il faut créer les conditions de la poursuite du dialogue et de la réussite du processus. Cela passe par une parole politique forte de l’État, pas pour faire pression sur la justice, mais pour dire clairement que la référence à l’ordre public pour empêcher la libération ne résiste pas à l’examen de la situation en Corse qui est, aujourd’hui, dans une logique d’apaisement, une logique de tourner la page des conflits, une logique de construire dans la démocratie une solution politique globale. Cette solution politique globale passe par la libération de Pierre Alessandri et d’Alain Ferrandi, comme elle passe par la vérité et la justice pour Yvan Colonna. Cette parole publique relève de la responsabilité du gouvernement et du chef de l’État ».
 
Dans l’attente
Jeudi dernier, en session, le président de l’Exécutif avait appelé l’Etat à « rompre le cercle infernal » et fait le parallèle avec la libération des deux prisonniers basques, membres de l’ETA, par la Cour d’appel qui a pris en compte la logique de paix, de fin de la clandestinité et la mobilisation des élus. Une situation similaire qui, pourtant, a été balayée pour Pierre Alessandri. Pas question pour autant de suspendre le processus, ni de donner du grain à moudre aux faucons, aux adversaires du processus qu’il soit à Paris ou dans l’île. « Il y a un équilibre à trouver », précise le président corse. « Le ministre a pris acte. Il a dit qu’il reviendrait vers moi et les élus de la Corse rapidement. Je vais proposer à la délégation corse de se réunir dans la semaine pour essayer de trouver une position commune ». La délégation corse devrait finalement se réunir dès demain, mercredi. La balle est désormais dans le camp du gouvernement. La Corse attend une parole que Gérald Darmanin n’a pu, pour l’heure, prononcée, et que le gouvernement prendra certainement soin de bien peser.
 
N.M.