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Essai de chloroquine en Corse : Le NON d’Olivier Véran, mais le soutien de professeurs de médecine


Nicole Mari le Mardi 7 Avril 2020 à 17:42

C’est une fin de non-recevoir que le ministre de la Santé et des solidarités, Olivier Véran, a opposé, mardi matin, à la demande du Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, de faire de l’île, un territoire pilote d’essai clinique de la chloroquine contre le Covid-19. Olivier Véran estime qu’à ce stade précoce, l’expérimentation n’est pas envisageable et qu’il ne peut pas prendre de pari sur la santé des Corses. Un avis contré par la diaspora médicale d’Aix-Marseille qui juge « légitime au nom de l'équité » la requête de Gilles Simeoni et lui apporte son soutien public.



Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse.
« Je ne prends pas de pari sur la santé des Français, pas plus que je ne prendrai de pari sur la santé des Corses ». C’est en ces termes que le ministre de la Santé a rejeté, sans grande surprise, la demande de Gilles Simeoni de faire de la Corse un territoire pilote pour le lancement d’un essai clinique relatif à l’utilisation de l’Hydroxychloroquine associée à l’Azithromycine contre le Covid-19 et de l’intégrer à d’autres essais cliniques du même type. Cette demande, formulée dans une lettre ouverte au Premier Ministre et envoyée en copie au ministre de la Santé, a été co-signée par la quasi-totalité des représentants du monde politique, du monde médical, de l’université et de la société civile insulaires. Interrogé par BFMTV, Olivier Véran a argumenté - comme le fait avec constance le gouvernement à la multitude de demandes concernant la chloroquine et relayées notamment par une partie du monde médical et une pétition de l’ancien ministre, le Dr Philippe Douste-Blazy -, sur le débat en cours et l’absence de certitude. « Nous n’avons pas encore d’étude consolidée, définie, randomisée… J’ai des éléments qui me reviennent des hôpitaux et qui ne montrent pas, à ce stade, un effet statistiquement significatif de l’une ou l’autre des molécules ».

Olivier Véran
Olivier Véran
Pas de preuve ?
Plusieurs molécules sont testées notamment dans le cadre de l’essai clinique européen Discovery qui concerne 800 patients en France et est coordonné par l’INSERM. Parmi elles, la fameuse hydroxychloroquine, protocole du Pr Raoult, spécialiste mondialement reconnu, suscite des polémiques médiatiques assez surréalistes si l’on considère que la chloroquine est vendue sans ordonnance depuis des décennies et qu’elle est d’usage courant pour des millions de gens partout dans le monde dans la lutte contre le paludisme. Mais Olivier Véran estime, pour sa part, que « ça ne serait pas responsable » d’accepter la demande corse. « On est encore à une phase précoce. Si j’avais la moindre preuve statistiquement étayée, validée par la communauté scientifique, validée par les autorités médicales, par l’Agence du médicament, par le Haut Conseil de santé publique, si j’avais le moindre argument qui me permette de répondre à Gilles Simeoni ou à l’ensemble des Français qui sont dans l’attente de pouvoir bénéficier d’un traitement contre la maladie, je prendrai sans attendre une seconde la décision de l’autoriser plus largement ». Pour Gilles Simeoni, le monde politique et les professionnels de santé insulaires, c’est pourtant une question d’urgence sanitaire absolue d’avoir « la possibilité de bénéficier d’une chance supplémentaire en anticipant l’aggravation de la maladie par un traitement adapté, éviterait ainsi le risque de saturation des structures hospitalières et de leurs personnels déjà sous tension et affaiblis ».
 
Pas responsable !
Dans sa lettre, le président de l’Exécutif corse plaidait pour : « D’une part, l’accroissement conséquent des tests de dépistage jusqu’à la généralisation pour toute la population corse, dans le cadre d’une stratégie de déploiement des dits tests validée par le corps médical. D’autre part, la possibilité pour les médecins, y compris non hospitaliers et dans le cadre d’un protocole strict avec l’accord préalable des patients testés positifs au Covid-19, de leur prescrire de l’Hydroxychloroquine associée à l’Azithromycine dès les premiers symptômes, et ce sans devoir attendre l’aggravation de leur état de santé ». Le ministre de la Santé a opposé une fin de non-recevoir en Corse comme ailleurs : « Permettre à des médecins de prescrire hors conditions, hors sécurité, hors données scientifiques, hors même données statistiques permettant de considérer que ce serait un traitement qui serait efficace et sans danger pour les gens, ça ne serait pas responsable de ma part. Encore une fois, si j’ai des arguments, je les formule immédiatement, je les rends public et j’autorise, si je n’en ai pas, je continue la recherche jusqu’à trouver quelque chose qui fonctionne ». 
 
Le soutien de la communauté médicale
Le refus du ministre a suscité une première réaction : celle d’un pool de 25 professeurs de médecine, médecins et chercheurs d’Aix-Marseille, appartenant à la diaspora corse. Ils viennent de publier une lettre de soutien public à la requête de Gilles Simeoni, que « nous considérons comme légitime. C’est une question d’équité. A Marseille, les gens ont accès à cette option thérapeutique. Des médecins, des personnalités, des politiques ont eu la possibilité d’en bénéficier. Donc, nous pensons que chacun a, aussi, le droit de choisir d’accéder à ce traitement s’il le souhaite. Il n’y a pas de raison pour que ce soit possible pour certains et pas pour d‘autres. Donc, nous appuyons la demande de Gilles Simeoni afin que les Corses aient la possibilité d’avoir accès à ce traitement dans le cadre d’un essai clinique », explique Dominique Barbolosi, chercheur et professeur des Universités d’Aix-Marseille, et l’un des signataires de cette lettre de soutien.

L’appel de la communauté médicale

« Soutien public de Professeurs de médecine, Médecins et Chercheurs à la lettre ouverte envoyée par Gilles Simeoni, Président du Conseil exécutif de Corse, au Premier Ministre et au Ministre des Solidarités et de la Santé pour faire de la Corse un territoire pilote pour le lancement d’un essai clinique contre le Covid-19.
 
 
Nous, Professeurs de médecine, médecins et chercheurs ayant des liens familiaux et professionnels forts avec la Corse, souhaitons nous associer publiquement à la démarche initiée par le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles SIMEONI, dans une lettre co-signée par de nombreux élus et représentants de la communauté médicale et scientifique insulaire et adressée à M. le Premier Ministre et à M. le Ministre des Solidarités et de la Santé. 
Nous sommes préoccupés de l'avenir de notre île et de sa population, très exposée au Covid19.
Il faut, au-delà du courage et de la compétence des équipes médicales et paramédicales, que nos patients puissent bénéficier des meilleures options thérapeutiques, en particulier de tests systématisés et, s'ils le souhaitent, de l'utilisation du couplage Hydroxychloroquine et Azithromycine, dans le cadre de l’essai du Pr Didier Raoult qui se déroule actuellement à l'IHU de Marseille et dans d’autres centres de l’hexagone.
Nous espérons que les autorités gouvernementales accéderont sans tarder aux espérances légitimes de la Collectivité de Corse et de la population. »
 
Signataires :
Pierre Alessandrini - Chirurgien pédiatrique, Professeur des Universités, Praticien hospitalier
Dominique Barbolosi - Chercheur, Professeur des Universités
Mathieu Barbolosi - Médecine polyvalente, Praticien hospitalier
Fabrice Barlesi - Médecin oncologue, Professeur des Universités, Praticien hospitalier
Gérard Boudouresques - Médecin neurologue
Fabrice Campana - Chirurgie orale Médecine orale, Maître de conférences des Universités, Praticien hospitalier
Joseph Ciccolini - Pharmacologue, Professeur des Universités, Praticien hospitalier
François Franceschi - Médecin ophtalmologue
René Gerolami - Médecin hépatologue, Professeur des Universités, Praticien hospitalier
Noël Graziani - Neurochirurgien, Professeur des Universités
Dominique Grisoli - Chirurgien cardiaque
François Grisoli - Neurochirurgien, Professeur des Universités, Praticien hospitalier
Remy Guiducci - Médecin angiologue
Hervé Guinot - Médecin neurologue
Pierre Lemarquis - Médecin neurologue
Georges Leonetti - Professeur de Médecine légale, Doyen de la Faculté de Médecine de Marseille, Praticien hospitalier
Xavier Muracciole - Médecin Radiothérapeute, Praticien hospitalier
Laetitia Padovani - Médecin Radiothérapeute, Praticien hospitalier
Jacques Pantaloni - Professeur des Universités, Ancien Recteur de l'Académie de Corse
Pierre Olivier Pinelli - Chirurgien Orthopédiste
Sébastien Salas – Médecin Oncologue, Professeur des Universités, Praticien hospitalier
Pasquale Tomasini - Médecin oncologue, Maître de conférences des Universités, Praticien hospitalier
Jean Denis Turc - Médecin neurologue
Christine Vescovalli-Franceschi - Médecin anesthésiste
Ange-François Vincentelli - Neurochirurgien, Professeur des Universités