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Eleni Marianou : « Dans la bataille du budget européen, les îles auront un rôle majeur à jouer »


Nicole Mari le Vendredi 13 Juillet 2018 à 23:28

L’Assemblée générale de la Commission des Iles de la Conférence des Régions Périphériques Maritimes (CRPM) s’est poursuivie, vendredi, au siège de la Collectivité de Corse (CDC) à Bastia. Les représentants de 21 îles européennes ont, après deux journées de travail chargées, rédigé, examiné et voté une déclaration finale qui rassemble un certain nombre de revendications pour contrer les propositions de la Commission européenne sur la politique de cohésion post-2020. L’objectif est de peser sur le Parlement et le Conseil dans la bataille en cours à Bruxelles. Rien n’est encore joué, explique, à Corse Net Infos, Eleni Marianou, Secrétaire générale de la CRPM.



Eleni Marianou, Secrétaire générale de la CRPM.
Eleni Marianou, Secrétaire générale de la CRPM.
- Pourquoi avez-vous réélu le Président Gilles Simeoni à la tête de la Commission des Iles et n’avoir présenté aucun autre candidat ?
- Nous sommes actuellement en pleine négociation pour le règlement européen. Les propositions de la Commission européenne sont sorties et elles ne nous conviennent pas. Nous sommes en train de nous battre avec le Parlement européen et le Conseil pour faire passer nos revendications, et il y en a beaucoup. Quand on est en pleine bataille, il faut mieux ne pas changer de capitaine ! Il y avait un accord implicite entre les membres pour la continuité. Je suis très contente de continuer avec un bon capitaine, contente que nous puissions associer nos atouts et travailler ensemble avec la Corse pour réussir à faire des propositions concrètes aux deux institutions.
 
- Quelles propositions principalement ?
- Elles concernent surtout le financement de la politique de cohésion post-2020. C’est très important pour nous de savoir comment ces propositions seront formulées et si les régions insulaires pourront en profiter. C'est aussi banal que ca ! Nous essayons de faire un maximum pour que les régions insulaires ne soient pas laissées en dehors de l'enveloppe budgétaire qui sera allouée.
 
- Pour l'instant, vos propositions ne sont pas prises en compte ?
- Les propositions de la Commission sont ambiguës et ne donnent pas de précisions par rapport au fait insulaire. Nous essayons, autant que possible, de le faire préciser. Nous en sommes à ce stade. C'est maintenant au tour du Parlement de faire des propositions. La CRPM est composée de régions situées un peu partout en Europe, nous nous appuyons sur nos parlementaires. Nous faisons des propositions collectives européennes et nous agissons aussi de manière individuelle : chaque région parle avec son État-membre et son parlementaire. C'est la force des choses : proposition spécifique et lobbying spécifique derrière !
 
- Les îles, dont la plupart sont autonomes, craignent-elles la recentralisation vers les Etats ?
- Oui ! Nous avons cette crainte, je l'ai exprimée lors du comité des régions à Sofia. La Commission européenne répond qu'il s'agit en quelque sorte d'une simplification. En tant que régions, nous avons tendance à dire que nous sommes mieux servis au niveau européen qu'au niveau national. Cette recentralisation est, donc, une problématique qui nous dérange. Nous essayons de voir comment nous pouvons ajuster l'article 5 - aujourd'hui l'article 6 - du règlement pour renforcer le partenariat Etat-région et pour que la Commission veille à ce qu'il le soit. Même si la Commission recentralise vers les Etats, elle peut s’assurer que les Etats associent bien les territoires à la prise de décision et à la conception du plan stratégique qu'ils signeront avec l’Europe concernant le financement des actions pour les années à venir. C’est une nécessité parce que les investissements publics sont gérés en grande partie par les régions. Comment peut-on mettre en œuvre des investissements dans les territoires si on n'est pas associé au choix du type, des activités et des stratégies à mettre en place ?
 
- La disparition des programmes maritimes INTERREG posera-t-elle un problème aux îles ?
- INTERREG ne disparaît pas, mais la Commission propose que le programme maritime crossborder, c'est-à-dire transfrontalier, soit intégré dans le transnational. Elle prétend que ça ne changera rien, mais qu'il est plus facile de faire des programmes maritimes et des activités maritimes INTERREG dans un espace géographique plus large, macro-régional. Cela nous pose des interrogations. Nous voudrions bien savoir ce que signifie : "exactement le même", parce que, pour l'instant, ce n'est pas expliqué. La Commission nous répond : « Rassurez-vous ». Mais nous ne sommes pas rassurés, jamais ! Nous ne le sommes qu'à la fin quand les choses sortent exactement comme nous les avons conçues, précisément et concrètement !
 
- Avez-vous bon espoir d'obtenir satisfaction ?
- Toutes les décisions doivent être prises en commun avec le Parlement. Nous allons poser les questions et suivre tout cela de près avec le Parlement européen qui aura besoin d’alliés pour interpeller les gouvernements nationaux. Dans cette bataille, les îles auront un rôle majeur à jouer. L'idée est de réussir à faire passer ce que nous voulons. Donc, rien n'est fait tant que ce n’est pas vraiment définitivement fait !
 
- Question également d'actualité : les migrants sont-ils un problème majeur pour les îles ?
- Si on considère les chiffres donnés par les Nations-unies, le flux migratoire est en diminution. C'est déjà un fait ! Par contre, des régions de la CRPM, qui sont des régions périphériques maritimes, souffrent effectivement. Elles sont confrontées au problème de la migration parce que ces îles, qui ont une population très restreinte, sont envahies par les migrants. Même s’ils ne font que passer et ne s'installent pas là, cela pose un problème. D'autant plus que nous n'avons aucune responsabilité en la matière, nous ne pouvons ni gérer, ni agir : c'est une compétence nationale. Par contre, nos régions sont prêtes à s'entraider pour trouver des solutions. Nous travaillons beaucoup  sur cette question avec la Commission pour leur aider à intégrer des migrants. Nous l'avons déjà fait et nous pouvons encore le faire.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.