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Discours d’Emmanuel Macron à Ajaccio : des élus globalement satisfaits mais prudents


le Jeudi 28 Septembre 2023 à 14:50

Ce jeudi matin, le Président de la République a prononcé un discours devant l’Assemblée de Corse durant lequel il s’est dit favorable à l’inscription de l’île dans la Constitution. Une annonce qui satisfait une grande partie de la classe politique insulaire, même si certains élus affirment vouloir rester prudents. Réactions.




(Photo : Archives CNI- Michel Luccioni)
(Photo : Archives CNI- Michel Luccioni)
Après le discours du Président de la République de ce jeudi matin devant l’hémicycle, Marie-Antoinette Maupertuis, la présidente de l’Assemblée de Corse, s’est dit « satisfaite, même si on reste toujours prudent ». « Il y a un pas très important. Le Président a considéré qu'il fallait enclencher un tournant historique, trouver une solution d'équilibre et inscrire la Corse dans la Constitution. Je crois que le message important aujourd'hui, c'est celui- là, une inscription à part entière, singulière dans la Constitution de la Corse, et je crois que c'est le résultat très positif de cette matinée », a-t-elle noté en déroulant : « Le Président a eu des mots justes, adaptés à la situation, au travail que nous avons réalisé au cours des derniers mois et surtout, il a ouvert une possibilité très forte puisqu'il a dit qu’il veut l'inscription de la Corse dans la Constitution. Cela ne se fait pas en trois coups de cuillère à pot bien évidemment. Il y a encore beaucoup de travail, mais c'est ce que nous allons faire dans les six mois qui viennent ». Un délai qui semble « tenable » pour la présidente de l’Assemblée de Corse. « Nous avons travaillé en amont. Il y a déjà beaucoup de choses dans la délibération du 5 juillet dernier. Et puis, nous avons un matériau suffisamment important concernant des statuts d'îles autonomes en Europe pour pouvoir proposer quelque chose qui soit acceptable par tout le monde et surtout qui nous permette de nous inscrire dans une nouvelle trajectoire. Les institutions sont une chose, la paix, la sérénité, le développement économique en sont une autre, mais les deux sont liés bien évidemment », a-t-elle indiqué en appuyant encore : « Il faut avancer tous ensemble, trouver une solution, les mots justes, le point d'équilibre politique aussi. Tout le monde doit faire une part de chemin, bien évidemment, mais c’est aussi un chemin vers la paix, la sérénité, la lumière ». 

 

(Photo : Archives CNI-Michel Luccioni)
(Photo : Archives CNI-Michel Luccioni)
Laurent Marcangeli, député de la 1ère circonscription de Corse-du-Sud et président du groupe Horizons à l’Assemblée Nationale, a pour sa part salué un « discours tourné vers l’avenir, fécond, productif, de paix et de projets pour la Corse ». « J’ai trop vu d’occasions manquées et de rendez-vous sans lendemain et depuis un an, en tant que député, en tant que président d’un groupe de la majorité présidentielle à l’Assemblée Nationale, je parle de l’île qui est la mienne et du devenir que je lui souhaite, et j’essayer d’apporter œuvre utile, avec d’autres, pour le bien de la Corse et de ses enfants. Je pense qu’aujourd’hui les messages sont passés. Je veux rendre hommage au travail qui a été réalisé par le ministre de l’Intérieur et de ses équipes. C’est un vrai travail de fourmi qui a été réalisé depuis plusieurs mois, et aujourd’hui le Président de la République a dit ce que nous attendions », a-t-il affirmé en assurant qu’il s’emploiera à faire en sorte que la réforme constitutionnelle puisse passer l’épreuve du Congrès. Avant cette étape, il insiste sur l’importance pour les élus corse de se mettre d’accord dans la diversité de leurs expressions afin de pouvoir parler d’une voix commune « Nous avons été capables de le faire dans le passé pour les statuts de 1991 et de 2002. C’est à nous de faire ensemble avancer la Corse », a-t-il argué. 

 

(Photo : Archives CNI)
(Photo : Archives CNI)
De son côté, Jean-Félix Acquaviva, député de la 2nde circonscription de Haute-Corse, s'est dit plus réservé. « Je ne sais pas si on peut employer le mot de victoire, parce que nous ne sommes pas sur le niveau de la délibération du 5 juillet que nous avions adopté à une large majorité », a-t-il noté en reprenant : « Néanmoins, il y a des mots forts qui ont été prononcés pour la première fois par un Président de République devant l’hémicycle : l'autonomie de la Corse, un article dédié qui la consacrerait, un statut à travers une loi organique. Nous y avons entendu aussi l'habilitation, l'adaptation, mais aussi le pouvoir normatif direct qui reste à définir dans des champs de compétences, la notion de reconnaissance de la langue, de la communauté historique. Donc, ce sont des mots qui sont les plus hauts qu'on ait pu entendre jusqu'à ce jour pour un Président de la République. Nous avons aussi entendu qu'il n'y avait pas de ligne rouge, contrairement à ce qui était dit depuis des mois. Cela veut dire qu'on n'est pas à la fin, mais au début de l'histoire. Le souci d’aujourd'hui, c'était de faire en sorte que la crête à laquelle on arrivait ouvre une perspective d'approfondissement à travers un cadre qui commençait à se préciser plutôt que se ferme. Or aujourd'hui, on peut dire que le cadre permet de continuer la discussion sur un contenu de réforme constitutionnelle et sur un statut d'autonomie ». 

 

(Photo : Archives CNI-Michel Luccioni)
(Photo : Archives CNI-Michel Luccioni)
Du côté de la droite, Jean-Martin Mondoloni, co-président du groupe Un Soffiu Novu à l’Assemblée de Corse, a pour constaté une allocution présidentielle « sans surprise et conforme aux principes de réalité que nous avons posés dès le mois de juillet ». « Il y a la volonté ambitieuse d'inscrire la singularité de notre territoire dans la Constitution, de parler d'une autonomie encadrée, de vouloir résoudre ce problème d'adaptation qui n'a jamais fonctionné et de vouloir enraciner maintenant une période de paix à condition de trouver un consensus », a-t-il observé en posant : « Il appartient désormais à l'épicentre de l'Assemblée, c'est- à- dire à Gilles Simeoni, de descendre un peu des étoiles et de créer des conditions pour qu'on arrive s’entendre, pour autant que ce soit possible ».

 

(Photo : Archives CNI-Michel Luccioni)
(Photo : Archives CNI-Michel Luccioni)
Jean-Christophe Angelini, président du groupe Avanzemu à l’Assemblée de Corse, s'est dit de son côté « satisfait et prudent ». « Satisfait parce qu'entendre évoqués le devenir d'une communauté singulière, l'inscription de notre île dans la Constitution, entendre évoqués des moyens de puissance pour la langue et la terre, ce sont quand même des motifs d'intérêt et de satisfaction assez puissants et en même temps prudent, parce qu'on sait tous que cela ne suffira pas à ce stade à garantir la sortie politique et qu'on a encore besoin de beaucoup travailler au cours des prochains mois », a-t-il expliqué. « Bien sûr que nous aurions préféré que l'on évoque le peuple Corse, comme d'autres Présidents de la République l'avaient fait avant Emmanuel Macron. Ce que je veux retenir, c'est une tonalité qui est à l'ouverture, à l'évolution et qui, me semble-t-il, met très clairement en perspective la reconnaissance, comme nous l'avons demandé, d'une communauté, d'une langue, d'une terre et en même temps une inscription dans la Constitution pour sanctuariser ces éléments et construire une solution politique. Ce sont là les premiers éléments d'une analyse qui, je le crois, sont assez prometteurs », a-t-il souligné en posant encore : « Nous verrons d'ici quelques mois si ce qui est à l'œuvre aujourd'hui est historique ou pas. On ne peut pas le décréter, on ne peut pas le proclamer. Il faut le construire. Et les six mois nécessaires qui n'étaient pas prévus, mais qui ont été annoncés aujourd'hui, vont peut- être nous donner l'occasion, effectivement, d'écrire une nouvelle page d'Histoire. Je continue d'y croire ».


 

(Photo : Archives CNI-Michel Luccioni)
(Photo : Archives CNI-Michel Luccioni)
« Je n'ai pas la satisfaction béate de quelqu'un à qui on a dit ce qu'il voulait entendre. J'ai entendu des choses politiques, fondées et certaines qui ne sont pas encore dans le sens de l'Histoire », a livré Paul-Félix Benedetti, président du groupe Core in Fronte à l’Assemblée de Corse,  tout en déroulant : « Je note qu'il n'y a plus de ligne rouge, qu'on ouvre un cycle pour aboutir à un projet politique fondé. Je considère que le projet fondé a déjà été validé par la Collectivité de Corse avec ce vote du 5 juillet pour un projet conforme à nos attentes historiques et conforme à la norme européenne pour les autres îles de Méditerranée et de l'espace latin. Aujourd'hui, la balle est dans le camp des tenants du pouvoir français pour qu'ils valident définitivement ce projet. Il faut noter un ton courtois, mais il n'y a pas eu de mot fort. Le mot peuple corse n'a pas été prononcé, alors qu'historiquement, des prédécesseurs, dans les mêmes contextes les ont prononcés. Le mot autonomie l’a été mais avec des adjectifs qualificatifs, « une autonomie spécifique », « ne pas se caler sur les autonomies des autres », c'est là où ça montre encore des points qui, s'ils sont développés et déclinés, peuvent amener à un blocage ».

 

(Photo : Archives CNI- Michel Luccioni)
(Photo : Archives CNI- Michel Luccioni)
Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio et membre du parti présidentiel Renaissance, s'est lui réjouit du « moment historique que nous vivons ». « Le Président de la République a dit qu'il veut donner à la Corse un statut d'autonomie, qu'il veut que la Corse figure dans la Constitution, dans sa dimension insulaire, linguistique, culturelle. Je crois que ce sont des mots forts, une ambition partagée avec la volonté de tourner une page qui a été douloureuse de part et d'autre de la Méditerranée. J'ai trouvé les discours des présidents de l'exécutif et de la République très complémentaires, traçant une voie avec prudence, on l'a senti dans leurs discours respectifs, mais la prudence n'empêche pas l'ambition et c'est pour cela qu'aujourd'hui, il faut qu'on soit ambitieux pour réussir cette autonomie qui ne concernera pas tous les domaines de compétences », a-t-il indiqué. « C’est une avancée considérable qu'un Président de la République annonce qu'il va reconnaître à la collectivité territoriale de Corse le droit de faire sa loi. Parce qu'in fine, aujourd'hui, le président de la République a annoncé que dans certains domaines de compétences, la Corse aurait capacité à faire sa loi. C’était attendu depuis longtemps », a-t-il insisté par ailleurs avant de conclure : « Aujourd'hui, c'est à nous, élus de la Corse, de nous mettre au travail, de nous mettre d'accord et de montrer justement qu'on est capable de dépasser les clivages partisans. Nous fêtons en ce moment même les 80 ans de la Libération de la Corse et cela a été rappelé, gaulliste, communiste, gens sûrement qui n'étaient pas encartés dans quelque partie que ce soit, qui se sont fédérés face à l'inacceptable. Aujourd'hui, je pense qu'on ne va pas comparer la situation, mais si on a été capable de le faire dans ces moments- là, pourquoi, pour l'intérêt de notre jeunesse, on ne serait pas capable de le faire ? ».