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Des femmes à la tête de la haute administration de l'Ile : Une révolution


Jacques RENUCCI le Jeudi 21 Juin 2018 à 19:59

Situation inédite, la haute administration de l'île voit des femmes à sa tête. Une révolution



Des femmes à la tête de la haute administration de l'Ile : Une révolution

Pour la première fois, les deux plus hauts représentants de l’État en Corse sont des femmes. Une préfète, une rectrice. On dit les Corses, parmi leurs supposées caractéristiques qui les font considérer comme des bas de plafond, croyants en la toute puissance de la virilité. Cette imagerie, comme tant d'autres, a fait son temps, et la majorité des insulaires reçoivent ces nominations groupées comme une sorte d' honneur, avec une considération réelle qui va bien au-delà des hommages de circonstance.
 
 

 Partenaires ou adversaires
Bien sûr, l'île n'inaugure pas la formule. La première femme préfet – avant que l'usage ne l'impose, le terme « préfète » ne désignait « que » la femme du préfet - fut en 1981 Yvette Chassagne, résistante, qui travailla à la préfecture de Gironde quand Maurice Papon en était le secrétaire général. Quant à la Corse, on lui réserva la bas du panier : elle hérita de Papon lui-même comme préfet. Un criminel de guerre, serviteur zélé des Allemands dans les rafles vers Auschwitz, occupant en majesté le Palais Lantivy, qui aurait pu le croire ? Il est même probable que les notables de l'île des Justes lui léchaient les bottes (du moins ceux, il en existe à chaque génération, qui ont la servilité du néo-colonisé comme seconde nature). A leur décharge, ils ignoraient sans doute son passé récent, tout comme devait l'ignorer Jean-Biondi, originaire de Sari-d'Orcino, déporté et torturé, qui juste après la guerre en tant que secrétaire d’État à l'Intérieur prit Papon comme chef de cabinet.
 
 

Avec l'administration centrale, les rapports de la Corse s'écrivent en constants pointillés, de drame en comédie, de répression à main tendue, de dialogue à rupture. Aux préfets de suivre le rythme, de savoir quand les partenaires locaux glissent vers un statut d'adversaire, et même d'anticiper ce qui pourrait survenir pour éviter toute surprise. Car la surprise, elle n'est que pour le préfet, fusible idéal, qui porte tout le poids d'une relation aléatoire. On se souvient du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy répétant la même phrase à quelques mois d'intervalle : « Enfin, voilà un vrai préfet pour la Corse ... » Y avait-il eu faillite individuelle ? Fallait-il remplacer un gestionnaire par un flic, ou l'inverse ? Mystère du pouvoir... Plus qu'ailleurs, l'état de droit n'est pas souvent l'état de grâce.
 
 

 
Des problèmes politiques
C'est aussi le cas en ce qui concerne la rectrice. Là aussi, la féminisation des emplois n'entraîne pas forcément celle des grades et des titres. C'est un choix : il des rectrices qui veulent qu'on les appelle Madame le Recteur... La première femme recteur (là on n'avait pas le choix du genre) fut Alice Saunier-Seïté, par ailleurs un temps adjointe au maire de Manso, dans la vallée du Fango. « Ce n'est pas le caractère masculin ou féminin, mais le caractère tout court qui compte », disait-elle.
 
 

Il en sera sans doute ainsi ici, avec les caractéristiques du lieu. Si en règle générale les problèmes politiques sont les problèmes de tout le monde, en Corse les problèmes de tout le monde deviennent vite des problèmes politiques. Parties d'un rien, les situations s'embrasent, hors contrôle. La rectrice « gouverne » l'académie, selon la définition de 1808. Mais l'académie n'est pas seulement une structure éducative. Elle se trouve au confluent du politique, du social, du culturel, et l'agitation peut  venir de partout ébranler la gouvernance. Malheur à qui manque le premier contact ! Il faut trouver les mots, ne pas se faire débusquer dans l'approximation, en disant « la Métropole » au lieu de dire « le continent », par exemple... Sur la langue, sujet sensible, il y a les textes, les directives, et le terrain.



Aux autorités académiques de jongler en virtuoses de l'écart possible, de la norme interprétée. Ceux qui réussissent exercent une période tranquille. Quant aux autres... C'est ou le clash ou la fuite. Avec l'impression de vivre sans cesse à découvert. Un recteur avoue-t-il aimer les loisirs nautiques ? L'île est petite ; en quelques jours, du rectorat aux établissements scolaires, de l'assemblée de Corse aux médias, il devient Paddleman, super héros malgré lui.
Et il porte jusqu'au bout cette image peut-être sommaire et injuste de superficialité et d'indifférence.


Josiane Chevalier préfète de Corse
Josiane Chevalier préfète de Corse

Julie Benetti, rectrice de l'académie de Corse
Julie Benetti, rectrice de l'académie de Corse