Corse Net Infos - Pure player corse

Déconventionnement des médecins : en Corse, quel risque pour les patients ?


M.V. le Samedi 1 Avril 2023 à 20:04

Face à l'échec des négociations entre les médecins et l'Assurance maladie au sujet du tarif des consultations, certains praticiens brandissent la menace du déconventionnement, ce qui leur permettrait de proposer des tarifs libres. Mais qu'est-ce que cela signifierait pour les patients ? Nous avons interrogé le Dr Antoine Grisoni, médecin généraliste à Solenzara et Président de l’URPS Médecins Libéraux de Corse



Le Dr Antoine Grisoni, médecin généraliste à Solenzara et Président de l’URPS Médecins Libéraux de Corse
Le Dr Antoine Grisoni, médecin généraliste à Solenzara et Président de l’URPS Médecins Libéraux de Corse
Fin février dernier, au terme de plusieurs mois d’échanges tendus, les médecins libéraux généralistes ne sont pas parvenus à faire plier l'Assurance maladie au sujet du tarif de la consultation de base qu'ils souhaitent porter à 50 euros au lieu de 25 actuellement.

Le refus de l'administration qui proposait une revalorisation à 26,50 euros a provoqué la colère de nombreux praticiens qui brandissent depuis la menace d'un déconventionnement massif afin de pouvoir librement fixer les prix. "Excédés, fatigués, découragés, se sentant peu considérés en dépit de leur implication quotidienne et d’autant plus durant la pandémie, un certain nombre de consœurs et de confrères envisagent le déconventionnement, c'est-à-dire de rompre ce lien qu’ils estiment toxique, avec l’assurance maladie." observe le Dr Antoine Grisoni, médecin généraliste à Solenzara et Président de l’URPS Médecins Libéraux de Corse selon qui "les conséquences lourdes de ce choix potentiel montrent la détermination d’une partie de la profession."

Le déconventionnement, c'est quoi?

La "convention médicale" entre les médecins et l'Assurance maladie est une sorte de contrat qui couvre notamment les processus administratifs, fixe les tarifs de référence qui servent de base aux remboursements (comme le prix de la consultation pour un généraliste à 25 euros sur tout le territoire, ce qu'on appelle le Secteur I), et les procédures de remboursement."Le médecin qui fait le choix du déconventionnement rompt ce contrat, il n'est plus conventionné et peut fixer librement ses honoraires, avec tact et mesure malgré tout de même, et de ne plus être astreint à participer à la permanence des soins, cela s’accompagne de pénalisations." détaille de Dr Grisoni.

​Concrètement  les praticiens qui décideraient  de sortir de la convention qui les lie à l'administration seront libres de fixer leur tarif, en relevant alors du secteur 3. Dans un tel cas, "l'Assurance maladie rembourse les consultations et les actes sur la base d'un tarif dit d'autorité [...] Quel que soit le montant de la consultation chez un médecin généraliste, vous serez remboursé de 0,61 € (1,22 € chez un spécialiste)", est-il expliqué par Service public.fr.  En clair, le patient n'est pas remboursé, il faut s'en remettre à la mutuelle et aux prestations de celles-ci. 

Une menace à prendre au sérieux?
Si la menace d'un déconventionnement est brandie par des praticiens, les passages à l'acte sont rares à cause du risque de perdre une partie importante de la patientèle  "Un grand nombre de patients pourraient quitter le cabinet, raison probablement pour laquelle, la plupart des tentatives isolées de déconventionnaient sont des échecs, et qu’il n’y a actuellement qu’environ 500 praticiens libéraux qui exercent hors convention." détaille le président de l’URPS Médecins libéraux de Corse qui observe que "cette menace a déjà fait reculer les pouvoirs publics par le passé et l’Etat doit en tenir compte dans sa gestion des discussions futures, surtout après le fiasco politique de la réforme des retraites. A noter qu’un calcul mené par un syndicat a montré que sans baisse d’activité , le montant de la consultation viable pour le médecin serait de 33 euros, et moyennant une baisse de 33% de cette activité il serait de 50 euros , c’est à dire celui que revendique une partie des contestataires."


En Corse, les médecins sont-ils favorables au déconventionnement ?

"Un rapide sondage sans valeur scientifique absolue montre que plus d’un médecin sur 2 serait prêt à envoyer sa lettre d’intention à l’assurance maladie." affirme le Dr. Grisoni. "Une chose est sure : que ce soit pour la retraite ou pour le financement de la santé, les modèles établis il y a maintenant 78 ans sont obsolètes. Si on veut préserver le principe de solidarité, qui reste pour la majorité d’entre nous le seul juste, il faut impérativement discuter d’en élargir le périmètre, si on veut répondre aux défis du vieillissement et du cout de la santé."