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DOSSIER. L’Académie de Corse mise sur la prévention pour accompagner les jeunes face au mal-être


le Dimanche 12 Mars 2023 à 20:43

Depuis deux ans, les établissements scolaires voient une augmentation des passages à l’infirmerie et de l’absentéisme de jeunes frappés par des syndromes dépressifs ou par des troubles anxieux. Conscients de la gravité de la situation, les services de l’Éducation Nationale sur l’île ont mis en œuvre de nombreux dispositifs pour mieux repérer et accompagner ces adolescents en difficulté.



(Image d'illustration)
(Image d'illustration)
C’est un constat partagé par l’ensemble des interlocuteurs qui interagissent au quotidien avec les jeunes. Depuis quelques mois, un important mal-être se fait sentir de façon inédite chez les adolescents. « Il est vrai qu'il y a une augmentation de passages significative dans les infirmeries scolaires », relève ainsi le Dr Sylvie Ferrara, médecin conseillère technique auprès du Recteur de l’Académie de Corse, en pointant des jeunes touchés par des syndromes dépressifs, un certain repli sur soi, mais aussi une recrudescence des « situations d'automutilation avec griffures ou scarifications ». « On voit aussi qu’il y a une augmentation des examens médicaux à la demande pour mettre en place des projets d'accueil individualisés, mais plus uniquement pour des maladies chroniques, mais aussi, par exemple, pour ce qui s'appelle le trouble anxieux scolaire », ajoute la conseillère technique du recteur.
 
Ces troubles anxieux scolaires - parfois à tort qualifiés de « phobie scolaire » - ont en effet connu un accroissement fulgurant chez les adolescents ces dernières années. Au point que le pédopsychiatre Marcel Rufo parle même d’épidémie. Un phénomène souvent mal connu qui peut se manifester sous plusieurs formes. « Certains restent bloqués le matin lorsqu'ils se lèvent. D’autres ont mal au ventre, ne se sentent pas bien, ont des troubles du sommeil, font des crises de colère, ont peur ou sont tristes », détaille le Dr Sylvie Ferrara. Selon elle, ces troubles ont pu pour certains enfants être déclenchés par la crise Covid, mais pas que. « Cela peut aussi être une aggravation de troubles qui existaient déjà.  Il faut également tenir compte des conditions socio-économiques défavorables. Et puis nous savons maintenant, d'après certaines études scientifiques, qu'il y aurait des facteurs environnementaux qui pourraient jouer », souligne-t-elle en reconnaissant toutefois que les différents confinements ont peut-être contribué à aggraver les troubles anxieux scolaires. « C'est pour cela qu’au sein de l'Académie, nous avons tout fait pour que les enfants reprennent l'école le plus rapidement possible », appuie-t-elle.

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Un panel de dispositifs déployés pour repérer et accompagner les jeunes en situation de mal-être

Dans ce droit fil, depuis 2021, le rectorat s’astreint à accompagner les enfants en situation de mal-être et se mobilise sur divers plans. « Nous avons notammenti initié un travail avec le professeur Marcel Rufo en créant, en février 2021, une fiche action à destination de tous les chefs d'établissements pour leur permettre de savoir repérer ces signes en classe, de nous les signaler, de façon à ce que l'ensemble de la communauté éducative, les référents infirmiers, médecins, psychologues de l'Éducation nationale et assistants sociaux puissent accompagner ces élèves le plus rapidement possible vers les structures médico psycho sociales adaptées pour eux », détaille-t-elle en notant également l’importance de la prévention et de la sensibilisation auprès des familles. « Nous avons bien sûr entrepris un travail avec les parents, même s’ils sont plus difficiles à mobiliser. L'année dernière, il y a eu une campagne nationale de communication sur la santé mentale, avec le #JenParleA. Et puis, nous avons contribué à diffuser des sites pour que les enfants et leurs familles soient accompagnés, comme le Fil Santé Jeunes, tous les sites sur l'enfance maltraitée, les dispositifs d’alertes pour les signalements sur les réseaux sociaux, ou encore le numéro 3018 pour le cyberharcèlement et le 3020 pour le harcèlement à l'école », abonde-t-elle.
 
D’autre part, à travers l'École académique de la formation continue, le Rectorat a souhaité mettre en place pour les professeurs de l’île des formations sur la prévention du suicide et sur les premiers secours en santé mentale, ainsi que des actions permettant de développer les compétences psychosociales. « Nous avons déployé des actions en partenariat avec la Falep et l’Agence Régionale de Santé dans le cadre du plan Mieux être en Corse. Et puis, on voit qu’il y a une recrudescence des troubles des conduites alimentaires. Nous avons donc voulu accompagner les enfants, en particulier avec les infirmières scolaires, pour qu'ils apprennent à bien manger », livre encore la conseillère du Recteur. 
 
Enfin, alors que le drame de Saint-Jean-de-Luz est durablement inscrit dans les mémoires, l’Académie de Corse souhaite aussi accroitre le dépistage et le repérage des pathologies mentales. « Dès la maternelle, nous travaillons en lien avec des structures extérieures qui peuvent renvoyer les enfants vers les plateformes d’orientation et de coordination, en particulier pour tout ce qui touche aux troubles du neuro développement. En outre, depuis 2019, des équipes mobiles d’appui médico-social ont été créées en Corse et permettent, lorsque l’accès à la pédopsychiatrie n’est pas possible directement parce qu’il y a un manque de ressources, de faire le tremplin entre l’Éducation Nationale et les structures médico psycho sociales et hospitalières », dévoile encore le Dr Sylvie Ferrara.