Corse Net Infos - Pure player corse

Clémentine corse : Un bilan en demi-teinte et des produits qui ne font plus l’aller-retour


Nicole Mari le Samedi 10 Décembre 2022 à 10:50

Si la récolte 2022 a tenu ses promesses et s’avère excellente pour la clémentine corse, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, malgré le fléau de la punaise diabolique, les ventes sont plus mitigées. Dans un contexte d’inflation, les consommateurs font preuve de prudence, et le BIO s’effondre au niveau national. Explications, pour Corse Net Infos, de Mathieu Donati, gérant du groupement de producteurs, Terre d’Agrumes, situé à Folelli. Il répond à la polémique sur les allers-retours des clémentines corses entre le continent et l’île pour arriver sur les étals des hypermarchés corses.



Clémentines de Corse. Photo CNI.
Clémentines de Corse. Photo CNI.
- Nous sommes en pleine campagne des clémentines. Quel premier bilan pouvez-vous en tirer ?
- Un bilan, pour l’instant, en demi-teinte parce que les consommateurs font plus attention à leurs dépenses que les années précédentes. Dans ce contexte d’inflation et d’augmentation des factures de chauffage, d’électricité…, les gens sont bien plus préoccupés par la situation et l’avenir de l’économie nationale. La clémentine de Corse est un produit qui se positionne comme un produit haut-de-gamme, et qui est, donc, vendue plus cher. Pour autant, la campagne se déroule convenablement, les volumes que nous avions prévus sont présents sur les arbres, les conditions météo sont maintenant plutôt favorables. On peut dire que le marché se porte relativement bien, compte tenu du contexte un peu pesant de l’économie nationale.

- Tous les secteurs agricoles sont affectés par une forte chute du BIO. La ressentez-vous ?
- Une chute, ce n’est peut-être pas le mot, mais on sent qu’il y a un effritement, moins d’engouement. Peut-être pour la même cause parce que ces produits sont un peu plus chers que les autres. On voit bien que la clientèle du BIO ne s’étend plus, mais reste plutôt au niveau où elle était auparavant.

Mathieu Donati.
Mathieu Donati.
- Que répondez-vous à la polémique des clémentines corses expédiées sur le continent dans les centrales d’achat qui les renvoient ensuite dans l’île ?
- J’ai peut-être une bonne nouvelle à vous apporter : la plupart des clients, que nous servons en Corse, ont, aujourd'hui, fait le choix de sortir de cette démarche où les produits font l’aller-retour, prennent deux fois le bateau pour rien ! On perd du temps, de l’argent, et surtout de la fraîcheur sur le produit, et on accumule des coûts qui ne servent à rien. Désormais, plusieurs enseignes viennent se servir directement chez nous. Donc, la plupart des consommateurs, que nous servons aujourd’hui en Corse, disposent de produits extrêmement frais à un prix qui est très abordable puisqu’il n’est plus grevé par le transport, ni à l’aller, ni au retour.
 
- Votre société avait le projet de construire une usine de jus de clémentines pour transformer et valoriser les invendus. Où en êtes-vous ?
- Depuis trois ans, les clémentines, qui ne peuvent être commercialisées en raison de leur calibre, sont envoyées sur le continent, à côté de Lyon, pour être transformées. Chaque soir, un camion de clémentines part pour Lyon. Le but était de rapatrier cet outil et cette valeur ajoutée en Corse. L’usine de jus est en train de sortir de terre. Donc, aujourd’hui, ce n’est plus un projet, mais une réalisation sur le point de s’achever sur la commune de Linguizzetta qui nous a gentiment accueillis. Nous y avons établi une usine de 2800 m2 qui va récupérer tous les produits des producteurs de l’OPAC et de Terre d’agrumes, qui n’ont pas les qualités nécessaires pour être vendus en état de frais. Nous allons les transformer en jus de fruit, mais aussi en huiles essentielles, en arôme, en purée, en différents sous-produits. Cette usine nous permettra de valoriser ce qui était, jusqu’à ce jour, jeté.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

La punaise diabolique a impacté un tiers de la récolte de clémentines

Laure Garnero. Photo CNI.
Laure Garnero. Photo CNI.
« La punaise diabolique a impacté entre 25 et 30 % de la récolte de clémentines, cette année », déclare Laure Garnero, coordinatrice de Terre d'Agrumes et ingénieur agronome. Cet insecte invasif venu d’Asie centrale, de son nom scientifique Halyomorpha Halys, est un véritable fléau pour l’arboriculture, la viticulture et le maraichage. Amateur de fruits, il inflige de lourdes pertes aux vergers en piquant les fruits et les branches qui pourrissent, ensuite, en quelques jours. Il n'existe pas de moyens de lutte efficace à grande échelle contre sa prolifération. Pour l’instant, les agriculteurs n’ont d’autre recours que le piégeage : « Nous avons réalisé des piégeages avec un phéromone qui attire cet insecte et l’englue ou le noie dans de l’eau savonneuse dans le lieu du piège aux abords du verger. Toute une étude est en train d’être menée par la profession pour trouver le parasitoïde qui permettra de lutter de manière biologique contre cette punaise, mais il faut d’abord prouver que ce parasitoïde est naturellement présent sur l’île. C’est la loi ». Laure Garnero indique que le groupement, faisant de nombreux lâchers d’auxiliaires dans le cadre de sa démarche d’Agroécologie, a réalisé des études d’impact : « On intervient sur le milieu et l’on veut voir comment cela impacte la faune et la flore locales. On a, donc, mené de front deux études environnementales, l’une pour savoir quel était l’impact de l’agriculture sur la biodiversité et, l’autre pour définir les éléments qui favorisent la biodiversité. Dans la première étude sur l’évaluation, on a regardé la biodiversité dans nos sols à l’aide de différents tests, mais aussi dans les houppiers, c’est-à-dire la frondaison des arbres, également dans les pourtours de nos vergers. Nous avons comparé avec du maquis, des vergers abandonnés et des vergers cultivés pour essayer de mieux comprendre nos activités ». Le but avoué était de montrer que la culture Bio préservait l’environnement, mais le résultat n'est pas probant. « On voulait prouver qu’un verger Bio avait plus de biodiversité qu’un verger conventionnel, on n’a pas réussi à le prouver. On trouve beaucoup de biodiversité dans certains endroits, un peu moins dans d’autres, mais ce n’est pas toujours lié à des pratiques agricoles. C’est lié à la vie qui s’est mieux développée dans certains endroits que dans d’autres, pas forcément parce que c’était un verger BIO ou un verger conventionnel, ou un site industriel par exemple ».
 
N.M.